1784-1854
Formon, Étienne Joseph de
Propriétaire des forges et de la forêt de Paimpont de 1841 à 1854
Étienne Joseph de Formon est un négociant actif dans la traite négrière de 1806 à 1827. Il réinvestit son avoir dans la construction d’un haut-fourneau à Missillac (Morbihan) en 1827 puis devient propriétaire des Forges et de la forêt de Paimpont de 1841 à sa mort en 1854.
Éléments biographiques
Originaire du Lyonnais, les Formon s’établissent près de Nantes, à Couëron, au moins dès le 16e siècle. Ils y demeurent jusqu’au dernier tiers du 18e siècle, lorsque Pierre-Joseph s’embarque pour Saint-Domingue.
Pierre Joseph Formon (1748-1792) 1, s’installe à Saint-Domingue (Caraïbes) à partir de 1767. Il y rencontre Charles Marthe Chaveneau (†1825) 2 avec laquelle il se marie le 15 avril 1777, à Torbeck, (Saint-Domingue).
Leur fils Étienne Joseph nait le 15 décembre 1784 aux Cayes (Saint-Domingue). Il se marie le 5 novembre 1829, à l’église catholique Saint-Pierre (New-York, USA), avec Louisa Antoinette van Schalkwyck de Boisaubin Beauplan (1803- ?) 3, originaire d’une famille de planteurs guadeloupéens émigrée aux USA pendant la Révolution. Six enfants naissent de cette union.
- Louise Amélie Catherine (1831-1832)
- Marie Stéphanie Emma (1832-1893) 4
- Étienne Louis Marie (1833-1913)
- Marie Catherine Louise (1834-1875)
- Henri Édouard Marie (1836-1837)
- Henri Louis Marie (1839-1896) 5
Étienne Joseph de Formon meurt le 12 octobre 1854 à Paris, 13 rue de Miromesnil, à l’âge de 69 ans. — MARPEAU, Patrick, « Généalogie d’Etienne Joseph Formon », 2018, Voir en ligne. —
Négociant, armateur et négrier
Le 1er janvier 1804, l’indépendance de Saint-Domingue est proclamée par Jean-Jacques Dessalines (1758-1806) 6. L’abandon de l’ancienne colonie française par la Révolution puis l’Empire est vécue comme un traumatisme par les colons et les négociants français.
Leur rancœur à l’égard d’un gouvernement révolutionnaire jugé responsable de leurs problèmes est égale à l’ampleur des espoirs qu’ils avaient placés dans une île qui, jusqu’alors, était le premier producteur de sucre et de café du monde. La « génération de Saint-Domingue », regroupe ces hommes, quel que soit leur âge ou leur origine. Un même rejet d’une Révolution les ayant trahis, des périples invraisemblables, une volonté farouche de renverser la situation, par tous les moyens, expliquent leur prompt ralliement à la Restauration.
Étienne Joseph Formon a 20 ans en 1805 et malgré l’exil, il s’imagine un avenir fait de fortune et d’aventures.
Aussitôt que je saurai parfaitement l’anglais, j’irai travailler à New-York dans une maison très opulente de la connaissance de Mr Duvaud. Quand j’aurai été mis au fait du commerce de pays, j’y voyagerai comme subrécargue 7, c’est, m’a-t-on généralement dit, la voie qui conduit le plus rapidement à la fortune.
En 1806, il est à la Guadeloupe, dont il devient consul américain l’année suivante. En 1814, on le retrouve à La Dominique où il travaille pour les Anglais. La même année, de retour en Guadeloupe, il se réjouit de la fin de l’Empire dans une lettre adressée à sa sœur.
Les détails sur nos princes et la manière dont tout se passe en France m’ont charmé. Sais-tu que le rapport et la lecture de toutes ces scènes triomphales me tournent la tête ? J’y pense sans cesse, le jour, la nuit j’en rêve. Je partage, à la distance où je suis, les transports et enthousiasme de la joie publique. Je maudis mille fois les occupations qui me retiennent et m’ont empêché de partir, il y a six mois, pour aller voir naitre les événements que je soupçonnais déjà et qui ont amené la glorieuse Restauration [...]. Quoiqu’en ait coûté à mon cœur, j’avais pris la résolution de ne jamais paraitre en France [...] tant qu’elle [aurait été] gouvernée par Bonaparte [...] Aujourd’hui, le désir de vous revoir se joint à celui de rentrer en France.
Étienne Joseph de Formon est de retour à Nantes dès le début de la Restauration. En 1815, il s’associe à des négociants nantais avec lesquels il tente de faire fortune en pratiquant la traite négrière illégale 8.
La reprise de la traite ne doit rien au hasard. Elle est le fait d’un fort noyau venu tout droit du 18e siècle. La rapidité de son essor s’explique aussi par la densité des contacts que les Nantais ont su conserver avec les Antilles depuis 1792. Ils montre qu’au delà de la traite, c’est un ancien système qui renait. Victor Lemasson de Rancé arme au moins sept négriers à partir de la Guadeloupe. Il y dispose d’une plantation, travaille avec les Nantais Formon et Levesque-Durostu.
Dans le même temps, il place une partie de son avoir dans des banques américaines.
L’examen de papiers privés montre qu’Étienne-Joseph Formon, armateur à la traite illégale, se constitue un fonds de réserve aux États-Unis par l’achat d’actions de différentes banques.
Le 25 avril 1827, une nouvelle loi qualifie la traite négrière de crime et aggrave les sanctions envers les contrevenants. Dès lors, Étienne de Formon se lance dans une stratégie double : mener une carrière politique afin de défendre ses intérêts économiques tout en plaçant son avoir dans des projets métallurgiques en Bretagne.
1827-1830 — Une carrière politique
Étienne de Formon entame sa carrière politique durant le règne de Charles X - 1824-1830. Il se présente à la députation dans le 4e arrondissement électoral de la Loire-Inférieure (Savenay), dans les mois qui suivent le renforcement de la législation en faveur de l’abolition de la traite.
Il est élu député le 17 novembre 1827, par 54 voix sur 100 votants et 119 inscrits, contre 46 au comte de Quéhillac 9. Élu en compagnie du maire de Nantes Louis-Hyacinthe Levesque (1774-1840), il siège dans les rangs de la majorité ministérielle, au côté droit de la Chambre des députés des départements. Il prend notamment la défense du député d’Ille-et-Vilaine (arrondissement de Saint-Malo) Jean-Baptiste Garnier-Dufougeray (1768-1843), dont l’élection est annulée pour irrégularités graves, dans la séance du 15 mars 1828 10.
Le vendredi 3 juillet 1829, il s’exprime à l’assemblée sur le budget du ministère de la marine et des colonies. Dans son discours, Étienne-Joseph Formon apparait comme étant un légitimiste convaincu et un ennemi de toutes les libertés. Le pouvoir devant revenir au seul souverain, elles ne peuvent, dit-il, qu’être usurpées et dangereuses.
Il se positionne ouvertement contre tout changement des distinctions sociales, fruit d’un savant équilibre
. — FORMON, Etienne de, Opinion de M. FORMON, député de la Loire-Inférieure, sur le budget du ministère de la marine et des colonies (section des colonies)-, prononcé dans la séance du vendredi 3 juillet 1829., Paris, Imprimerie veuve Agasse, 1829, 20 p. —
Il existe des distinctions de classes à classes. Ici, elles s’établissent parfois par l’éducation, mais le plus souvent par le rang, par les titres, et surtout par la fortune ; là, elles s’établissent par la couleur. Je ne prétends point décider quel mode est le plus raisonnable ; je ne juge point, je cite : mais je dirai que, pour en juger, il faudrait entrer dans la question approfondie des mœurs, des usages, de la nature des choses, des circonstances de temps, de lieu, de climat, et admettre qu’il y a danger de changer un ordre de choses établi [...] Offrez aux pauvres les biens des riches, aux plébéiens le rang et les titres des patriciens ; dites à tous ceux que les circonstances [...] ont placé dans un ordre inférieur de la société qu’ils n’ont qu’à demander pour passer dans les ordres supérieurs, et j’ose le dire [..] qu’aucun ne refusera, que beaucoup s’enivreront des illusions qu’on leur a présentées, et finiront par réclamer comme un droit ce qu’on ne leur offrait que comme un stimulant : c’est ainsi qu’on travaille aux révolutions.
Selon Olivier Pétré-Grenouilleau, sa vision du monde, proche de celle de Louis de Bonald (1754-1840) 11 et de Joseph de Maistre (1753 - 1821) 12, appartient au courant organiciste 13 dont certains éléments seront repris par l’Action Française 14. Étienne de Formon considère également que le commerce français doit être protégé et les colonies conservées et qu’en conséquence l’esclavage ne peut être aboli sans porter un coup fatal à leur économie.
Mais on n’a pas été moins injuste dans les déclamations auxquelles on s’est livré contre [les colonies] leur organisation sociale et leur régime intérieur.
Non, Messieurs, les maîtres (et j’appelle ainsi les propriétaires d’esclaves dans les colonies ), les maîtres ne sont point des tyrans pour leurs esclaves : il y a eu sans doute de mauvais maîtres [...] Mais que les exemples de mauvais maîtres soient rares, c’est ce que j’atteste ; et j’ai toujours vu le mépris public en faire une justice si sévère, qu’on eût pu croire que la société qui les repoussait vengeait sur eux la cause des maîtres offensés, plutôt que celle des esclaves opprimés. Que si l’on veut remarquer que la fortune des colons repose sur le travail et la conservation de leurs esclaves, on comprendra qu’à part toutes autres considérations, ils doivent les traiter humainement et en avoir soin ; mais la générosité et la bienfaisance, naturelles au caractère des colons, et que jamais voyageur qui ait visité ces contrées ne leur a refusées, viennent confirmer ces motifs [...]
Le 11 juillet 1829, Benjamin Constant (1767-1830) 15 réagit au discours d’Étienne de Formon et s’élève à la Chambre contre les armateurs négriers.
S’il faut que la peine de mort existe, je la réclame contre celui qui organise la traite dans nos ports et qui fait froidement le calcul le plus atroce [...] C’est insulter la France que de comparer l’état de paysan à celui de nègre.
Ce à quoi Étienne de Formon répond :
Je n’ai point insulté la France en disant que les esclaves de nos colonies étaient plus heureux dans leur existence animale que le sont la plupart des paysans de France. Pendant dix à douze ans que j’ai habité les colonies, jamais je n’ai vu un mendiant. 16
Le 16 mars 1830, il vote contre l’adresse des 221 17. Durant ce mandat, il accède à des distinctions officielles. En 1828, il est nommé Maître des requêtes au Conseil d’État par le gouvernement de Charles X. Il devient par ailleurs Chevalier de la Légion d’honneur le 28 octobre 1829. Le 25 juillet 1830, le roi le nomme Conseiller d’État en service extraordinaire 18.
Les sieurs de Formon et vicomte de Conny, maitres des requêtes, sont nommés conseillers-d’état en service extraordinaire, avec autorisation d’assister et de participer aux délibérations de notre conseil-d’état.
Le 23 juin 1830, Étienne de Formon est réélu à la Chambre des députés par 70 voix sur 128 votants et 138 inscrits. Mais sa carrière politique est interrompue par la Révolution de Juillet 19 et l’accession au pouvoir de Louis-Philippe - de la maison d’Orléans, branche cadette des Bourbons - le 9 août 1830. Légitimiste, il refuse de prêter serment au nouveau gouvernement et démissionne le 17 septembre 1830 20. — ROBERT, Adolphe, BOURLOTON, Edgar et COUGNY, Gaston, Dictionnaire des parlementaires français : Fes-Lav, III, Paris, Bourloton éditeur, 1891, Voir en ligne. pp. 28-29 —
1827-1840 — Premiers investissements dans la métallurgie
1827 — Un projet avec Louis-Hyacinthe Levesque
À partir de 1827, Étienne de Formon cherche à réinvestir une partie de ses capitaux dans des entreprises liées à la métallurgie. Dans un premier temps, il projette de s’associer à Louis Hyacinthe Levesque (1774-1840) dans la construction d’un haut-fourneau au coke de l’abbaye de Melleray (Sarthe). — BELHOSTE, Jean-François, Les Forges du pays de Châteaubriant, Ministère de la culture, 1984, (« Inventaire général des monuments et richesses artistiques de la France, Pays de la Loire »), Voir en ligne. —
1823-1840 — Le haut-fourneau du Rodoir
Attiré par des prospections prometteuses en minerai de fer, Étienne de Formon se lance dans l’acquisition de la forêt de la Bretesche, située aux frontières du Morbihan et de la Loire-Atlantique.
Obtenant en octobre 1823, et à son grand avantage, la subrogation des droits des inventeurs, il reçoit ensuite facilement de l’administration ce que ceux-ci n’avaient jamais pu réussir à se faire accorder. Formon est libre d’effectuer des recherches plus poussées sur une étendue de 23 kilomètres, moyennant une rente annuelle de 5 centimes par hectare. Le directeur général des Ponts et Chaussées, qui est comme Formon, membre du Conseil d’Etat, va plus loin. Il écrit au préfet qu’il « n’y a pas lieu de restreindre et de gêner [les] recherches en effectuant à l’avance un périmètre déterminé. » L’auteur ajoute : « comme il est à désirer que Monsieur Formon exécute promptement ses recherches, je l’ai invité à avoir recours le moins possible à l’administration et à obtenir [...] au moyen d’accompagnement de gré à gré et, au fur et à mesure que les travaux se développent, le consentement des propriétaires de terrains. » Ces propriétaires, justement, se montrent récalcitrants. Formon écrit alors au nouveau préfet, son « très cher collègue », maître des requêtes : « J’ai la conviction qu’autorisé de manière vague et générale à faire ces fouilles [...] je n’éprouverais aucune opposition de leur part. » Il sollicite « un acte quelconque [l’autorisant] à faire ses recherches », ajoutant, « vous le ferez aussi vague que vous le jugerez nécessaire, et pourriez, pour éviter toute éventualité d’une responsabilité quelconque, y insérer d’une manière implicite, la condition de traiter avec les propriétaires. »
En 1824, il fait réaliser des sondages profonds d’une dizaine de mètres par un ingénieur de l’École des mines de Saint-Étienne, révélant du minerai en quantité insuffisante. Le 5 août 1829, il obtient par ordonnance royale l’autorisation de construire un haut-fourneau à Nivillac (Morbihan), en bordure de la forêt de la Bretesche.
N.° 12,840.— ORDONNANCE DU ROI qui autorise le sieur Formon à établir un haut-fourneau pour fondre le minerai de fer sur l’étang du Rodoir, dans la commune de Nivillac ( Morbihan ). ( Saint-Cloud, 5 Août 1829.)
Le haut-fourneau, de section circulaire et d’une hauteur de 12 m, est construit en contrebas de l’étang du Rodoir. L’installation comprend aussi une halle de coulée. — DORNIC, François, Le fer contre la forêt, Ouest France, 1984, Voir en ligne. [pages 120-122] — Le charbon de bois provient principalement de la forêt de La Bretesche et le minerai de Saint-Gildas-des-Bois (Loire-Atlantique). Les gueuses de fonte produites sont destinées aux Forges de Basse-Indre (Loire-Atlantique). — LE SAVOIR-FER, « 56 - Morbihan - Le Savoir-Fer - Free », sans date, Voir en ligne. —
Il fait appel pour la construction et la direction de son établissement à l’élève-ingénieur des mines Besqueux. Malgré la présence d’un ingénieur, ce n’est pas un établissement très avancé sur le plan technologique. Si les débuts sont prometteurs, les difficultés surgissent notamment quand Basse-Indre suspend ses activités, mais aussi par insuffisance de réserve hydraulique, malgré l’installation compensatrice d’une machine à vapeur de 12 CV en 1835. Des difficultés internes, un procès entre le fermier et le propriétaire en 1839, après le départ de Besqueux, un manque de charbon de bois et une tentative infructueuse de fabriquer des poteries ont raison de l’activité [...].
En 1840, il vend son domaine, comprenant, la forêt de la Bretesche, le château et les installations métallurgiques à un dénommé Peyron qui épuise les stocks en deux ans avant d’éteindre définitivement le fourneau en 1844.
Dans le même temps, il achète la propriété de « La Crilloire » sur la commune de Toutlemonde (Maine-et-Loire), dans les environs de Cholet. Pour 200 000 francs, il y fait élever un château sur une petite hauteur éloignée d’à peine 400 mètres d’une ancienne bâtisse médiévale. Fervent catholique, il y fait bâtir une chapelle privée, bénie en 1848. — Pétré-Grenouilleau, Olivier (1996) op. cit., p. 240 ; 261 —
1839-1854— Sociétaire des Forges Havraises
Étienne de Formon acquiert par ailleurs seize actions des Forges Havraises pour 12 000 fr, soit 4% du capital de cette société anonyme fondée en 1839. Les Forges Havraises ont notamment pour objet la fonte des minerais de cuivre de toute nature, et la fonte des cuivres bruts des mers du Sud, des États-Unis, etc.
avec pour débouchés, les villes du Havre, Paris, Rouen, Bordeaux, Lille, Nantes, Villedieu, etc.
21. — ANONYME, Dictionnaire du commerce et de la navigation - H-Z, Vol. 2, Paris, Librairie Guillaumin et Cie, 1873, Voir en ligne.p. 35 —
1841 — L’achat de la forêt de Paimpont
En 1840, le système de la copropriété est remplacé par celui de la société par actions, en cela on ne fait que suivre le mouvement général. Puis en 1841, ces actions passent aux mains d’un seul homme. C’est alors l’apogée des forges de Paimpont.
1839-1841 — La liquidation de la Société des Forges de Paimpont
En 1839, le sieur d’Andigné de la Chasse, actionnaire de la Société des Forges de Paimpont, notifie à plusieurs de ses coassociés sa volonté de faire cesser la société. Ces derniers ne contestent pas sa demande, stipulant toutefois qu’ils entendent être affranchis de toutes les conséquences des irrégularités de procédure qu’a pu commettre le sieur d’Andigné en n’appelant pas en cause tous les coassociés.
Un jugement du 1er août 1839 ordonne la liquidation et la licitation des biens sociaux de la Société des Forges de Paimpont sans toutefois prononcer sa dissolution. L’expertise et la liquidation sont poursuivies en exécution de ce jugement, et la vente par adjudication fixée au 23 août 1841. — CUENOT, Stephan, Journal du Palais. Recueil le plus ancien et le plus complet de la jurisprudence francaise, Vol. 1, Paris, Impr. Lange Levy, 1846, Voir en ligne.p. 219 —
Novembre 1841 — La vente par adjudication de la Société des Forges de Paimpont
La vente par adjudication de la Société des Forges de Paimpont, annoncée par la presse régionale, nationale et internationale 22 a lieu le 23 août 1841 au tribunal de Montfort-sur-Meu. Suite à l’absence d’enchères, une vente en dessous de l’estimation est fixée au mercredi 3 novembre.
Le 3 novembre 1841, quelques heures avant la vente par adjudication, Étienne de Formon est à Rennes pour négocier l’achat de 23 des actions des forges de Paimpont, au marquis d’Andigné. Il convient d’un accord au prix de 22 000 fr. chacune, soit 506 000 fr. Lorsque l’audience des criées du tribunal de Montfort commence, Étienne de Formon, est donc déjà propriétaire de 23 % des actions de la Société des Forges de Paimpont.
Le 3 novembre 1841, les propriétaires sont rappelés en plusieurs listes, avant l’adjudication dont les enchères requièrent l’allumage de 30 bougies, la première enchère venant à 1,8 million de M. Bernard, enchère couverte par M. Lebret 23, et ainsi de suite jusqu’à la dernière de M. Bernard à 2,4 millions.
Le 6 novembre 1841, M. Bernard révèle qu’il a porté l’enchère au nom de monsieur Étienne Joseph Formon, propriétaire, membre de la Légion d’honneur, ancien membre du Conseil d’État et de la chambre des députés
, demeurant à Paris, 4 rue du Marché d’Aguessan 24. Cette acquisition en deux temps lui a permis de rendre la vente par adjudication moins attractive pour ses concurrents. Elle lui permet aussi de faire baisser le prix des Forges à 2 400 000 fr au lieu des 2 745 000 fr fixés initialement.
1841-1845 — Six années de procédures
Ces deux acquisitions en date du 3 novembre 1841 ont aussi des conséquences juridiques. Elles entrainent une procédure entre la régie de l’enregistrement et Étienne de Formon. L’administration prétend percevoir une taxe de 5,5 % sur l’acte de cession d’actions soit 27 830 fr à payer en supplément pour le nouveau propriétaire des Forges. Étienne de Formon en appelle au tribunal de Rennes qui rejette son recours le 19 mars 1844. Il se pourvoit en cassation et obtient gain de cause le 6 août 1845 25. — COUR DE CASSATION, « Art. 12458 - ACTION-ACTIONNAIRE. — SOCIÉTÉ, — DISSOLUTION, - VENTE. (CONTRAT DE) . — ENREGISTREMENT. », Journal des notaires et des avocats, LXVIII, 1845, p. 140-145, Voir en ligne. p. 140 —
Le nouveau propriétaire des Forges de Paimpont
Décembre 1841 — Doutes et tergiversations
Étienne de Formon, nouveau maitre de cette importante et magnifique propriété
, considère les Forges de Paimpont comme un investissement où placer son avoir. Dans les premiers mois de son acquisition, il songe à toutes les éventualités. Il écrit à l’un de ses amis qu’il ne souhaite garder la forêt que le temps de lui payer 5 % d’intérêt, puis de la revendre avec une importante plus-value. — Pétré-Grenouilleau, Olivier (1996) op. cit., p. 294 —
Dans une lettre adressée à l’inspecteur des Forges Félix Guillotin (1788) 26 - rédigée à Nantes le 12 décembre 1841 - il révèle des intentions similaires.
Je réfléchis continuellement à mon acquisition de Paimpont, et ne pouvant pas encore avoir de parti pris sur ce que je ferai à ce sujet ; ne devant pas en prendre de définitif avant le printemps, j’envisage les choses dans toutes les alternatives qu’elles présentent et je vise à l’améliorer dans les divers rapports ; ainsi, dans l’hypothèse où je dusse conserver j’ai préparé des débouchés imposans pour certains fers de qualités supérieures [...] J’ai même reçu des propositions pour location ; mais je conçois fort bien qu’il faut que j’arrive à Paris avant de rien décider, et qu’il faut que j’aie décidé le parti à suivre, pour donner cours à de telles propositions. Je prends note des personnes et me renseignerai sur elles. D’un autre côté et dans l’alternative de la revente, j’écoute sans les repousser, les ouvertures qui me sont faites, me contentant de renvoyer la question à l’époque prochaine (dans deux ou trois mois) où j’aurai pris un parti. En attendant, j’apprécie à quoi je puis prétendre et où j’arriverais si je me décidais à revendre. Monter l’affaire en une société en commandite aurait un succès complet. Tout cela est à peser, à considérer, pour ne prendre que le parti qui ne laisse pas de regret près l’avoir pris 27
Ces deux lettres font écho à la stratégie opportuniste d’investissement d’une partie des négriers nantais, mise en évidence par Olivier Pétré-Grenouilleau.
Cela suffit-il pour en faire un industriel ? [...] En fait en y regardant de plus près, on s’aperçoit qu’il n’y a pas de véritable projet industriel. Formon se contente de valoriser des situations, des avantages ponctuels. C’est par exemple, la possession de 1000 hectares de forêts qu’il ne faut pas sous-estimer. C’est aussi le fait de disposer de puissantes relations. Cette « rente de situation » dont bénéficient nombres de négriers lui permet de réaliser des coups d’éclats. Formon n’agit pas en industriel, mais en spéculateur et négociant.
1842 — Un grève des bûcherons
En janvier 1842, la cinquantaine de bûcherons employés à préparer le bois avant sa transformation en charbon entame un mouvement de grève.
Les ouvriers commencent enfin à reprendre le travail du bûchage ; ce matin il y avait une cinquantaine de haches dans l’atelier de haute forêt. Celui de basse forêt est encore désert, mais si je suis bien informé, il y retournera lundi prochain, une dizaine de bûcherons, forcés par le besoin de braver les menaces de la cabale.
Mouvement auquel Étienne de Formon répond par la fermeté.
Je suis bien aise que les bûcherons récalcitrants aient repris leur travail. S’ils veulent se conduire comme ils doivent le faire, j’ose croire qu’ils n’auront jamais qu’à se féliciter de travailler pour moi ; mais je sais qu’à chaque mutation de propriétaire, les gens de peine veulent toujours essayer les nouveaux venus. Ils verront qu’il n’y a rien à gagner avec moi, par de tels moyens. 28
Conflits d’usages
Étienne de Formon donne dès 1841 des consignes pour que les gardes forestiers fassent régner l’ordre auprès des usagers de la forêt.
Je vous engage à tenir la main à la répression des délits de chasse et de pacage, et à activer le service des gardes, ce sera toujours par écrit que je donnerai quelques permissions de chasse, exceptionnelles.
Dans un brouillon non daté, le garde général du domaine rend compte de la répression ordonnée par le nouveau propriétaire.
Le service des gardes qui est bien réveillé depuis les ordres que vous m’avez chargé de leur donner ne laisse aucun repos aux délinquants, les gardes de la Fenderie et du Buisson s’étant aperçus que l’on coupait nuitamment de la litière dans les coupes de Beignon et du Brulis non déclaré défensable, y ont fait des tournées nocturnes, & ont pris en délit plusieurs personnes dont quatre vont être traduites en police correctionnelle. Toutes ces poursuites ont fait ouvrir les yeux aux [...] qui plusieurs fois ont agité la question de transaction dont j’ai déjà eu l’honneur de vous entretenir, mais la généralité de la commune ne veut pas en entendre parler.
Le premier délit forestier - pour enlèvement de bruyère - condamné sur sa requête est daté du 7 janvier 1842 29. — TIGIER, Hervé, Mauvais coups et Coups du sort de Paimpont et du canton de Plélan au Tribunal de Montfort, Auto-édition, Paimpont, 2012, Voir en ligne. [page 146] —
Le 16 novembre 1843, Étienne de Formon se porte partie civile pour un autre délit forestier.
Macé Jeanne, femme de René Chesnay, ménagère à la Ville Danet. Condamnée le 22 décembre 1843 pour avoir coupé deux pins dans "le Hayé de Paimpont" et d’en avoir enlevé deux autres déjà coupés le 16 novembre dernier à 14 francs d’amende, à 9 francs 30 centimes de dommages et intérêts et aux dépens par corps. Perron Jean François, directeur des forges. Plaignant pour un délit forestier commis le 16 novembre 1843. Formon Étienne Joseph, propriétaire des forges et forêt de Paimpont. Paris. Partie civile pour un délit forestier commis le 16 novembre 1843.
De 1842 à 1853, le nouveau propriétaire embauche des gardes forestiers - parmi lesquels des militaires en reconversion - pour faire appliquer ses nouvelles consignes 30.
La contestation de l’usage de chemins forestiers de Saint-Péran
À partir de 1843, Étienne de Formon conteste aux habitants du massif l’usage de chemins forestiers.
Le 27 mars 1843, le maire de Saint-Péran alerte le sous-préfet d’Ille-et-Vilaine sur les agissements du propriétaire des forges qui sème dans les chemins qui gênent tous le publique.
Il lui demande d’assigner Étienne de Formon afin qu’il réponde de ses actes. — Lettre du maire de Saint-Péran au sous-préfet du 27 mars 1843 in TIGIER, Hervé, Terroir de Paimpont, Auto-édition, 2016. —
En 1845, c’est toutefois Étienne de Formon qui assigne la commune de Saint-Péran en justice, lui contestant la possession de neuf chemins traversant la forêt de Brécilien en différentes directions. Il décide de fermer l’accès à certains de ces chemins par des clôtures et de proposer d’autres voies aux usagers des villages forestiers. — 3U 2 3029, le 11 octobre 1847 in TIGIER, Hervé, Terroir de Paimpont, Auto-édition, 2016. —
Le 3 mars 1845, le juge de paix de Plélan dresse un procès-verbal à Jean Hervot, laboureur à la Brunetais en Treffendel pour avoir emprunté une voie de la forêt et même pénétré dans la forêt à des passages impraticables.
Le 11 avril, c’est pourtant Étienne de Formon qui est condamné à payer les frais de la procédure faite contre Jean Hervot, soient 15 francs 75 centimes.
Le propriétaire des Forges fait appel le 19 avril. Le 8 mai, la Cour d’appel de Rennes ne confirme pas le jugement considérant que le juge de paix de Plélan est saisi par ailleurs de la connaissance du litige portant sur la propriété du terrain.
31 — TIGIER, Hervé, Mauvais coups et Coups du sort de Paimpont et du canton de Plélan au Tribunal de Montfort, Auto-édition, Paimpont, 2012, Voir en ligne. p. 149 —
Des experts sont alors dépêchés par la cour d’appel de Rennes afin de savoir qui de la commune de Saint-Péran ou d’Étienne de Formon est le propriétaire des chemins litigieux.
En présence de Mr. Duval, directeur de l’usine et de deux gardes de la forêt, les experts conviennent de dresser un plan à partir du plan cadastral et de leur visite des lieux, précisant qu’ « il fallait non seulement y tracer les chemins contestés, mais encore ceux non contestés, même la nouvelle grande route et le chemin vicinal de Treffendel, en un mot, tout le système de communication existant dans cette partie de forêt ; renseignements manquant presqu’entièrement au cadastre...
La question pour les experts est notamment de savoir si les chemins sont indispensables ou seulement utiles pour les communications, et si les habitants en ont d’autres qui pourraient suffire à leurs besoins.
Concernant les semis dénoncés par le maire de Saint Péran en 1843, Etienne de Formon répond alors - nous sommes en 1845 - que le chemin incriminé n’était pas contesté et que ce n’était que par une erreur du seul fait des ouvriers employés aux ensemencements des parties vagues que quelques potées avaient été ensemencées dans ce trajet et que cela était sans aucune conséquence.
Un jugement du tribunal de Montfort du 18 septembre 1846 clôt l’affaire en tenant compte de l’avis des experts 32.
La contestation de l’usage de la route Plélan-Saint-Méen
Le 7 mai 1843, le conseil municipal de Paimpont se réunit pour discuter de la création de la route n° 10 de grande communication de Plélan à Saint Méen.
Le conseil municipal considère que l’ancien tracé - passant par la lande de Paimpont, le Château du Bois, la Gelée et la forêt de Paimpont
- est trop coûteux. Il préconise de la faire passer par le chemin vicinal marqué n° 2 de l’état
étant donné que, les terrassements en sont à peu près faits et même une grande partie des empierrements
. Le principal avantage de cette proposition est de faire passer cette importante voie de communication par le bourg de Paimpont, alors en construction. Quatorze voix sur dix-sept se prononcent favorablement à ce nouveau tracé 33. — Délibération du conseil municipal de Paimpont du 7 mai 1843 in TIGIER, Hervé, Terroir de Paimpont, Auto-édition, 2016. —
En novembre 1844, une pétition émanant des forges concernant le chemin vicinal de grande communication n° 10 de Plélan à Saint Méen (Mr. Perron représentant, Mr. Formon propriétaire)
est adressée au conseil municipal de Paimpont . — Délibération du conseil municipal de Paimpont du 24 novembre 1844 in TIGIER, Hervé, Terroir de Paimpont, Auto-édition, 2016. —
En septembre 1847, Étienne de Formon propose l’aide d’ouvriers des Forges pour accélérer les travaux de construction de la route n°10.
Pour accélérer la confection de la route de Plélan à Paimpont, j’ai autorisé le sieur Métayer entrepreneur de ladite route à employer une vingtaine d’ouvriers attachés à la forge, le travail a été vite et bien fait.
Pourtant, le propriétaire des Forges pense être lésé par l’existence de cette nouvelle voie de communication. Le 23 septembre 1847, il fait une réclamation en préfecture afin d’obtenir une indemnité pour le droit qu’il dit avoir d’extraire, s’il y en a, du minerai de fer dans le terrein compris entre la chaussée de l’étang de Paimpont et le Bois de la Moutte, terrein dont une partie est occupée par le chemin de grande communication n° 10.
— lettre du préfet au sous-préfet du 23 septembre 1847 in TIGIER, Hervé, Terroir de Paimpont, Auto-édition, 2016. —
En décembre 1848, deux marchés concernant le redressement de la route n° 10, sont proposés au conseil municipal de Paimpont par Étienne Formon d’une part, et le baron Pierre de Moncuit (1760-1850), propriétaire du bois de la Moutte d’autre part. — Délibération du conseil municipal de Paimpont du 31 décembre 1848 in TIGIER, Hervé, Terroir de Paimpont, Auto-édition, 2016. — C’est finalement Mr de Moncuit qui remporte le marché et démolit 75/00/00 de taillis pour le chemin de Saint Méen-Plélan en 1849
— TIGIER, Hervé, Terroir de Paimpont, Auto-édition, 2016. —
1843-1846 — L’acquisition de la lande du « Pré Bouvier »
Lors du conseil municipal du 7 mai 1843, trois élus de Paimpont proposent pour la route Plélan-Saint-Méen un itinéraire passant par Telhouët et Gaillarde. Cet itinéraire finalement rejeté par le conseil, devait passer par la lande du Pré Bouvier
, un landier de soixante douze ares situé à Gaillarde.
Les soussigné membre du conseille municipal présent à la séance pence que ce qui est certin que la direction la plus courte pour la routte de grande communication de Plélan à St Méen serait de passer par le Gué par Thellouet et par la lande du Pré Bouvier pour rejoindre celle qui est tracée sur le Lohy ? commune de Concoret parce que cette direction serait avantageuse aux vilages de Thellouet et Trudo lesquelle ont faits de très grands sacrifice étants très etandu et très peuplé. — Délibération du conseil municipal de Paimpont du 7 mai 1843 in TIGIER, Hervé, Terroir de Paimpont, Auto-édition, 2016. —
Au début de l’année 1845, Étienne de Formon se porte acquéreur de cette lande. Le 29 janvier, des habitants de la Ville Danet portent plainte contre le propriétaire des Forges. Le préjudice porte notamment sur les arbres du « Pré Bouvier » employés aux besoins de la commune notamment à faire des ponceaux sans que les propriétaires de la forge d’alors aient à faire aucune opposition à un acte aussi flagrant de propriété.
Après enquête, il apparait qu’une erreur aurait été commise par le géomètre ou le contrôleur des contributions directes.
Le 15 mai 1845, le conseil municipal examine à nouveau la contestation du Pré Bouvier. Quinze jours plus tard, il rejette les arrangements proposés par M. Perron, directeur des Forges pour Étienne de Formon. — Délibérations du conseil municipal de Paimpont du 15 mai et du 1er juin 1845 in TIGIER, Hervé, Terroir de Paimpont, Auto-édition, 2016. —
Le 25 août 1845, le conseil de préfecture donne au conseil municipal de Paimpont l’autorisation d’ester en justice à propos du Pré Bouvier. — Délibération du conseil municipal de Paimpont du 25 août 1845 in TIGIER, Hervé, Terroir de Paimpont, Auto-édition, 2016. —
Le 13 septembre 1845, M. Perron déclare, dans une lettre adressée au conseil municipal, qu’il a commencé l’ensemencement de la lande du pré Bouvier et de la lande des Aulnais située au pont des Perrières proche le village de Liderho.
— Délibération du Conseil municipal de Paimpont du 17 mai 1846 in TIGIER, Hervé, Terroir de Paimpont, Auto-édition, 2016. —
En mai 1846, le juge de paix de Plélan propose une tentative de transaction avec Étienne de Formon pour un partage du pré Bouvier selon sa valeur et non selon son étendue.
— Délibération du Conseil municipal de Paimpont du 10 mai 1846 in TIGIER, Hervé, Terroir de Paimpont, Auto-édition, 2016. —
Le 25 février 1847, une délibération du conseil municipal mentionne le report de toute décision pour les suites à donner au procès perdu au possessoire concernant le Pré Bouvier
. — Délibération du Conseil municipal de Paimpont du 25 février 1847 in TIGIER, Hervé, Terroir de Paimpont, Auto-édition, 2016. —
1845-1849 — L’ensemencement de la lande de Paimpont
Étienne de Formon entreprend de drainer, semer et planter dans des parcelles forestières, notamment dans la lande de Paimpont, située au nord du bourg.
En 1845, le propriétaire des Forges entame des travaux de drainage de la lande de Paimpont en créant une rigole de 900 mètres de long pour augmenter l’alimentation en eau de l’étang de Paimpont, ce qui entraine une procédure de justice entre Étienne de Formon et le sieur Métayer, un des propriétaires de la lande. Le 10 avril de la même année le tribunal de Montfort rend son jugement entre le Sieur Julien Métayer, propriétaire, et Mr. Formon, propriétaire à Paris, relativement à l’écoulement des eaux de la lande de Paimpont vers l’étang du même nom
, en présence de M. Radenac, garde général des bois de Mr. Formon. 34 — 3U 2 3029 in TIGIER, Hervé, Terroir de Paimpont, Auto-édition, 2016. —
Par ailleurs, le projet d’ensemencement de la lande entraine une procédure entre la municipalité de Paimpont et Formon. Le 5 septembre 1845, le maire alerte le sous-préfet afin d’user du bénéfice de l’article 113 de cette loi [3 frimaire an VII] qu’il est dans l’intention de faire des semis et des plantations dans toutes les landes, vagues et clairières de sa propriété.
— Lettre du maire de Paimpont au sous préfet du 5 septembre 1845 in TIGIER, Hervé, Terroir de Paimpont, Auto-édition, 2016. —
Une autre lettre du maire de Paimpont au sous-préfet en date du 13 février 1846 fait mention de quelques parcelles dont la commune pourrait être propriétaire et sur lesquelles Étienne de Formon a fait semer. — TIGIER, Hervé, Terroir de Paimpont, Auto-édition, 2016. —
Le 17 juin 1847, le tribunal de Montfort rend son verdict au sujet de deux chemins dont la direction a été changée par suite de clôtures établies par Mr. Formon dans la lande de Paimpont lui appartenant
. Il est procédé à une expertise en présence de M. Duval, directeur et de M. Radenac, garde général. — 3U 2 3029 in TIGIER, Hervé, Terroir de Paimpont, Auto-édition, 2016. —
Le 7 novembre 1847, un membre du conseil propose que M. Formon fasse en premier la démarche concernant le projet de transaction pour les contestations faites par la commune vis-à-vis des forges. Contre l’avis d’un membre, le conseil décide de ne pas profiter du jugement du juge de paix concernant la revendication par M. Formon de la parcelle n° 13 section B. — 3U 2 3029 in TIGIER, Hervé, Terroir de Paimpont, Auto-édition, 2016. —
Le 22 juin 1848 35, des usagers de la lande de Paimpont s’opposent violemment aux travaux de M. Formon.
Formon Sieur, propriétaire des forges et forêt de Paimpont. Se déclare partie civile le 5 janvier 1849 contre les prévenus Rolland et Toussaint Buis, Pierre Clement et la Veuve Roulin suite à la destruction de clôtures, au pacage de plusieurs bêtes et à l’arrachage de plants, dans l’opération menée autour d’un drapeau de ralliement planté dans la lande de Paimpont le dimanche 22 juin 1848 et la nuit précédente.
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1850-1851 — Le défrichement de la Haute-Forêt
En 1850, Étienne de Formon fait la demande en préfecture d’un défrichement de 2784 sur 6448 [hectares], c’est-à-dire presque la moitié des deux forêts.
Il invoque pour appuyer sa demande les problèmes économiques rencontrés par les Forges, considérant que l’avilissement actuel du prix du fer et les difficultés de toute espèce éprouvées dans les transactions auxquelles donnent lieu sa fabrication et sa vente constituent les véritables motifs de la demande présentée par M. Formon
— Lettre du préfet du 24 septembre 1850 in TIGIER, Hervé, Terroir de Paimpont, Auto-édition, 2016. —
Une pareille demande ne s’explique de la part d’un industriel aussi éclairé que M. de Formon que par l’état de souffrance de son industrie métallurgique, que par la menace de ruine qui pèse sur l’établissement des forges de Paimpont 36.
Sa requête déclenche de vives réactions, notamment du maire de Gaël qui redoute un changement climatique ainsi qu’une perte en apport hydraulique pour les cultures et les moulins.
Détruire la forêt de Paimpont aurait probablement pour effet de modifier brusquement le climat du pays environnant et révolutionner leur culture [...] la forêt de Paimpont est ainsi un réservoir puissant d’alimentation des étangs et des cours d’eau qui en dérivent [...] employée non seulement par les forges de Paimpont, mais [...] par les 33 moulins situés en aval sur une longueur de 5 myriamètres. Que deviendront toutes ces usines si la force motrice vient à manquer ? 37
Mais Étienne de Formon parvient à faire valider le défrichement, décision à laquelle le préfet d’Ille-et-Vilaine tente de s’opposer : J’ai réclamé auprès de M. le ministre des finances contre la décision du 6 décembre 1850 qui a autorisé le défrichement de 2250 hectares de la forêt de Paimpont appartenant à M. Formon.
— Lettre du préfet au sous-préfet du 1er décembre 1851 in TIGIER, Hervé, Terroir de Paimpont, Auto-édition, 2016. —
1853-1855 — Investissements bancaires
Le 5 février 1853 Étienne de Formon devient sociétaire de la banque de la Martinique en tant que liquidateur des activités de la maison Lévesque Durostu et Cie de Nantes, pour 14 964,27 fr. — ANONYME, « Liste des cent cinquante plus forts indemnitaires liquidés appelés à composer l’Assemblée générale de la Banque de la Martinique. », Bulletin officiel de la Martinique, Vol. 1, 1853, Voir en ligne. —
Le 20 novembre 1855, ses biens après décès sont inventoriés au registre des actes civils publics du 1er bureau de l’enregistrement des actes des notaires à Paris (vol. 211, f° 115). — 3Q 27 332 in TIGIER, Hervé, Terroir de Paimpont, Auto-édition, 2016. — On y note parmi les détails chiffrés :
- produit d’actions de la Guadeloupe
- produit de 10/16e de 20 actions de la banque de la Martinique
Masse active : 3 321 135,94
1855 — La vente du Domaine de Paimpont
Étienne Joseph de Formon meurt le 12 octobre 1854 à Paris, 13 rue de Miromesnil. Le 7 novembre 1855, sa veuve Louisa Antoinette van Schalkwyck de Boisaubin vend le domaine (6509 ha) et l’usine à MM. Seillière, banquiers à Paris pour la somme de 2 500 000 Fr. — LEVESQUE, Jérôme, Les Levesque de la fin du XVIIe siècle à nos jours, Les Forges de Lanouée, 2004. [pages 105] —
Tous ses biens en Paimpont sont évalués dans l’inventaire du 6 novembre 1854 (Maitre Duclos, Rennes).
Meubles : 498 158,16 francs, dont 229 864,61 pour lesquels les droits restent à payer.
- droits réglés à Paris pour 246 848,28 et pour 10 351 francs d’argent comptant inventoriés à Paimpont.
- 8 064 francs à Rennes pour minerais déposés à la Motte au Chancelier.
- 3 030 francs à Guer pour minerais déposés.
Immeubles : la propriété des forges et de la forêt de Paimpont.
- 1. La forêt haute contenant environ 2795 hectares, estimée de revenu annuel, futaies et baliveaux, la somme de 24 000 francs
- 2. La forêt basse, futaies et baliveaux, contenant environ 2814 hectares, revenu annuel de 26 000 francs
- 3. La forêt centrale, comprenant la Lande de Paimpont, toute située en cette commune, contenant 830 hectares, revenu annuel 8 000 francs.
En la commune de Plélan :
- La forge avec toutes les dépendances, tous les logements d’employés et ouvriers, la scierie, la petite forge, les prairies, les jardins, toute la portion en Plélan, contenant environ cent soixante hectares, revenu annuel 23 000 francs.
- La cantine, auberge sur les dépendances des forges en Paimpont loués verbalement à la Veuve Roulois pour la somme annuelle de 600 francs.
En la commune de Paimpont
- La métairie du Bruly en Paimpont affermée verbalement à Saulnier (30 hectares) moyennant un fermage annuel de douze cents francs réduit à 1160 francs depuis la vente authentique de prés en Beignon.
- Le Château du Bois, petite ferme contenant environ un hectare soixante centiares loué verbalement aux soeurs de Paimpont pour soixante francs par an.
- La Mère-Fontaine, petite ferme d’environ 5 hectares, loué verbalement à Alix et Lecoq pour cent dix francs.
- La Noë-Perray, terre de 70 ares affermée à Dutay pour 14 francs.
- Les sept maisons de garde et dépendances dont une en Saint Péran et les autres en Paimpont, évaluées 350 francs de revenu annuel.
- Le moulin de la Ruisselais et dépendances en Plélan et Paimpont, loué verbalement à la Veuve Troch pour la somme annuelle de 500 francs.
- Le moulin de la Fonderie (sic) en Paimpont affermé à Nevot suivant bail du 30 décembre 1848, enreg. à Montfort le 11 janvier suivant pour la somme annuelle de 1000 francs.
- La métairie de la Motte en Saint-Thurial contenant environ 50 hectares affermée verbalement à Paratte pour la somme annuelle de 750 francs.
Total du revenu des acquêts : 85 544 francs, soit au capital 1 710 880 francs. — 3Q 27 332 -13 juillet 1855 in TIGIER, Hervé, Terroir de Paimpont, Auto-édition, 2016. —