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1841-1929

Les gardes du Domaine de Paimpont

De 1841 à 1929, la forêt de Paimpont appartient à un propriétaire unique. Ces derniers mettent en place une organisation comprenant une dizaine de gardes forestiers dirigés par un surgarde ou garde général afin de réglementer les usages forestiers. Cette organisation est modifiée à chaque changement de propriétaire.

De 1841 au début du 20e siècle, la forêt de Paimpont appartient à un propriétaire unique :

  • 1841-1855 — Étienne Joseph de Formon
  • 1855-1874 — Le duc d’Aumale
  • 1874-1929 — La famille Levesque
    Chacun des propriétaires hérite du système de garderie de son prédécesseur et le fait évoluer en fonction de ses besoins.

1796-1841 — La garderie avant Étienne de Formon

De la Révolution à 1841, les propriétaires des forges, héritiers des de Farcy et d’Andigné sont regroupés en copropriété puis en société par actions. Les informations disponibles sur l’organisation de la garderie durant cette période sont fragmentaires. Quelques documents d’archives permettent cependant de connaitre le nombre de gardes et leurs émoluments.

En 1796, douze des dix-huit agents salariés des Forges de Paimpont sont des gardes.

En 1796 il y a trois sortes d’employés aux forges : 18 agents

  • 1 directeur ou régisseur appointé 3250 livres
  • 1 commis à la balance 687 l. 10 s.
  • 1 commis surveillant 525 l.
  • 1 commis aux approvisionnements 400 l.
  • 1 commis à la petite forge 500 l.
  • 1 commis à l´extraction des mines 500 l.
  • 1 surgarde [garde général] pour la conservation de la forêt et son exploitation 812 l. 10 s.
  • 11 gardes pour la forêt, chacun 231 l.
    A.D. 35 L 935 in LE LOUARN, Geneviève, « Usine métallurgique dite forges de Brécilien, puis forges de Paimpont. », 1982, Voir en ligne.

Dans une description 1 datée de juillet 1813, Douze gardes et un garde général veillent à sa conservation.

Entre 1838 et 1841, la garderie comprend un garde général, deux brigadiers et de six à neuf gardes en fonction des saisons.

1838-1839

Appointements des employés des Forges en 1839 (en deniers)

  • Ronceray, garde général, 3 mois : 150
  • Simon et Périgault, brigadiers : 710
  • 9 gardes pendant 9 mois, 6 (…) pendant les 3 autres mois : 2674,715

— Compte des recettes et dépenses des Forges de Paimpont du 1er juin 1838 au 1er juin 1839 indossier 56 Archive du S.I.V.U. « Forges et Métallurgie en Brocéliande »  —

1840-1841

Appointements des employés des Forges en 1840 (en deniers)

  • Perrigault, brigadier de basse forêt : 336.60
  • Simon, brigadier de haute forêt : 336.60
  • 7 gardes à 266.70 : 1866.90

— Compte des recettes et dépenses des Forges de Paimpont du 1er juin 1840 au 1er juin 1841 — dossier 56 Archive du S.I.V.U. « Forges et Métallurgie en Brocéliande »  —

1841-1851 — Étienne Joseph de Formon

Étienne Joseph de Formon achète les Forges et la forêt de Paimpont en 1841. Mû par un souci de rationalisation de ses investissements, il examine l’ensemble du fonctionnement de sa nouvelle acquisition et s’active dès son arrivée à réorganiser la garderie.

1841 — Les nouvelles consignes d’Étienne de Formon

Étienne de Formon donne dès 1841 des consignes pour que les gardes forestiers fassent régner l’ordre auprès des usagers de la forêt.

Je vous engage à tenir la main à la répression des délits de chasse et de pacage, et à activer le service des gardes, ce sera toujours par écrit que je donnerai quelques permissions de chasse, exceptionnelles.

Lettre de M. Formont en date du 12 décembre 1841 — dossier 22 Archive du S.I.V.U. « Forges et Métallurgie en Brocéliande »

Dans un brouillon non daté, le garde général du domaine rend compte de la répression ordonnée par le nouveau propriétaire.

Le service des gardes qui est bien réveillé depuis les ordres que vous m’avez chargé de leurs donner ne laisse aucun repos aux délinquants, les gardes de la Fenderie et du Buisson s’étant aperçus que l’on coupait nuitamment de la litière dans les coupes de Beignon et du Brulis non déclaré défensable, y ont fait des tournées nocturnes, & ont pris en délit plusieurs personnes dont quatre vont être traduites en police correctionnelle. Toutes ces poursuites ont fait ouvrir les yeux aux [...] qui plusieurs fois ont agité la question de transaction dont j’ai déjà eu l’honneur de vous entretenir, mais la généralité de la commune ne veut pas en entendre parler.

Brouillon d’un rapport sur les gardes à M. Formont — dossier 14/2 Archive du S.I.V.U. « Forges et Métallurgie en Brocéliande »

Le premier délit forestier - pour enlèvement de bruyère - condamné sur sa requête est daté du 7 janvier 1842 2. —  TIGIER, Hervé, Mauvais coups et Coups du sort de Paimpont et du canton de Plélan au Tribunal de Montfort, Auto-édition, Paimpont, 2012, Voir en ligne. [page 146] —

Le 16 novembre 1843, Étienne de Formon se porte partie civile pour un autre délit forestier.

Macé Jeanne, femme de René Chesnay, ménagère à la Ville Danet. Condamnée le 22 décembre 1843 pour avoir coupé deux pins dans "le Hayé de Paimpont" et d’en avoir enlevé deux autres déjà coupés le 16 novembre dernier à 14 francs d’amende, à 9 francs 30 centimes de dommages et intérêts et aux dépens par corps. Perron Jean François, directeur des forges. Plaignant pour un délit forestier commis le 16 novembre 1843. Formon Étienne Joseph, propriétaire des forges et forêt de Paimpont. Paris. Partie civile pour un délit forestier commis le 16 novembre 1843.

TIGIER, Hervé, Mauvais coups et Coups du sort de Paimpont et du canton de Plélan au Tribunal de Montfort, Auto-édition, Paimpont, 2012, Voir en ligne.

1842-1853 — Un renouvellement des gardes

De 1842 à 1853, Étienne de Formon embauche des gardes forestiers - parmi lesquels des militaires en reconversion - pour faire appliquer ses nouvelles consignes.

1842

13 août 1842 — Le Sr. Joseph Marie Pihuit, né à Carentoir, demeurant à Montauban, prête serment suite à la commission de garde des forêts de Paimpont et Montauban donnée par le Sr. Perron directeurs des forges, fondé de pouvoir de Mr. Formon, propriétaire... Même chose concernant le Sr Julien Marie Radenac, né à Pleugriffet (Morbihan), domicilié à Paimpont... — 3U 2 3005 in TIGIER, Hervé, Terroir de Paimpont, Auto-édition, 2016. —

1843

8 décembre 1843 — Mathurin Marie Chevalier, né à Paimpont, prête serment suite à la commission donnée au nom de Mr. Formon. — 3U 2 3005 in TIGIER, Hervé, Terroir de Paimpont, Auto-édition, 2016. —

1845

M. Radenac, garde général des bois de Mr. Formon. [La rédaction du rapport a lieu le 30 avril 1845.] — 3U 2 3029 in TIGIER, Hervé, Terroir de Paimpont, Auto-édition, 2016. —

1848-1849

26 mai 1848 — Serment de Mr. Constant Carillet, 27 ans, ex-militaire, suite à la commission donnée par Etienne Joseph Formon.
Le 24 novembre 1848, serment de Jean Marie Bellamy...
Le 30 novembre 1849, serment de Pierre Laumailler, ex maître ouvrier du régiment du génie...
Le 30 novembre 1849, serment de Mathurin Névot, ex maréchal des logis du 11e chasseurs à cheval...
— 3U 2 3006 in TIGIER, Hervé, Terroir de Paimpont, Auto-édition, 2016. —

27 mai 1853 — Serment du Sr. Louis Tignon, né à Hernek (Maine et Loire), garde particulier de toutes les propriétés de Mr. Formon dans l’arrondissement. — 3U 2 3007 in TIGIER, Hervé, Terroir de Paimpont, Auto-édition, 2016. —

1855 - 1874 — Le duc d’Aumale

En 1867, le Domaine de Paimpont est organisé en 12 séries d’une superficie moyenne de 500 hectares, elles mêmes divisées en une vingtaine de coupes d’environ 25 hectares.

  • La Métairie Neuve (1er)
  • Baranton (2e)
  • Ville d’Aunet (3e)
  • La Cannée (4e)
  • Brécilien (5e)
  • La Lande (6e)
  • La Chèvre (7e)
  • Le Pas du Houx (8e)
  • Comper (9e)
  • La Croix Jalu (10e)
  • La Fontaine Boitard (11e)
  • Saint-Péran (12e)
Plan géométrique et topographique du Domaine de Paimpont
—  LEVESQUE, Jérôme, Les Levesque de la fin du XVIIe siècle à nos jours, Les Forges de Lanouée, 2004. —
Beauchet, ingénieur géomètre 1867

Les douze séries sont regroupées en huit triages, chacun sous l’autorité d’un garde, puis en brigade avec un brigadier. L’ensemble du Domaine est sous l’autorité d’un garde général.

La forêt compte alors huit postes de garde auxquels il faut ajouter le poste du garde général basé à la Haute-Fenderie 3.

  • Haute-Forêt (deux gardes)
  • Métairie-Neuve (deux gardes)
  • Le Pas-du-Houx (deux gardes)
  • Le Buisson (deux gardes)
  • Bon-Avis (deux gardes)
  • Les Forges (deux gardes)
  • Hergant (un garde)
  • La Gelée (un garde)
  • La Fenderie (garde général)

Lors de l’achat de Brocéliande par Louis Levesque [1874], il y avait un Garde Général, cinq brigadiers et neuf gardes, faisant un total de quinze. Sauf les postes de la Gelée et de Hergant où il n’y avait qu’un seul garde. Dans tous les autres postes, y habitaient deux gardes avec leurs familles, étroitement logés, il faut en convenir !

GERNIGON, Armand, Mémoires et souvenirs d’un garde en forêt de Paimpont (1979), Amis de la Bibliothèque de Paimpont, 2002.
Poste de garde de Haute-Forêt

1874-1910 — La garderie du temps des Levesque

Louis Levesque devient propriétaire de la forêt de Paimpont en 1874, ainsi que de tous les biens immobiliers qui en dépendent 4. Occupé par ses fonctions politiques et la gestion de ses affaires, il laisse la direction du Domaine de Paimpont à son fils Donatien.

La réforme de la garderie par Donatien Levesque

Donatien Levesque fait construire deux nouveaux postes dans les années 1880, La Croix-Jallu et Roche-Plate, habités par les nouveaux gardes.

En principe, un jeune garde débutant était nommé au poste de Roche-Plate. Poste de misère ! le nommait-on.

GERNIGON, Armand, Mémoires et souvenirs d’un garde en forêt de Paimpont (1979), Amis de la Bibliothèque de Paimpont, 2002.

Le nouveau propriétaire réduit les effectifs à dix gardes plus le garde général, soit un garde par poste.

Les plus âgés furent priés de se retirer, d’abandonner leur charge, en somme de prendre leur retraite. Il me souvient d’en avoir connu de ces vieux gardes, dont le père Parnier et le père Lemercier. Notes : à l’intérieur de chaque poste, chez les gardes les plus anciens, la photographie du comte de Paris [duc d’Aumale] était encadrée et fixée au mur. Je m’en souviens très bien.

GERNIGON, Armand, Mémoires et souvenirs d’un garde en forêt de Paimpont (1979), Amis de la Bibliothèque de Paimpont, 2002.

Chaque poste possède un jardin et une pièce de terre d’une superficie allant de 75 ares à un hectare. Chaque garde peut posséder un troupeau limité à cinq mères-vaches avec un génisson.

Les gardes sont rémunérés comme suit.

  • Garde : 650 Fr
  • Garde 1ère classe : 700 Fr
  • Brigadier : 750 Fr
  • Garde Général : 1300 Fr

—  LEVESQUE, Jérôme, Les Levesque de la fin du XVIIe siècle à nos jours, Les Forges de Lanouée, 2004. [page 118]. —

Le garde général

L’ensemble du Domaine de Paimpont est sous l’autorité d’un garde général responsable de la gestion et de l’administration. Il est chargé de :

  • l’embauche et la paye des ouvriers et journaliers,
  • la sélection des fournisseurs,
  • le suivi et la planification des travaux, topographie, hydraulique et relevés,
  • la tenue des livres de comptes, de la caisse et de la correspondance,
  • les soins aux chevaux et aux chiens,
  • la pisciculture et l’élevage,
  • les marchés de bois,
  • le suivi législatif.

C’étaient des hommes très compétents, possédant de solides connaissances. Il allaient aux expositions universelles de Paris, étaient très respectés voir craints par la population. Leur autorité était certaine. Nevot, Rozo, Leroux et Sentier ont marqué l’histoire de Paimpont.

LEVESQUE, Jérôme, Les Levesque de la fin du XVIIe siècle à nos jours, Les Forges de Lanouée, 2004. [page 118]

De 1875 à 1891, le garde général - Mathurin Névot - réside à la Haute-Fenderie. À la construction du Pavillon par Donatien Levesque (1842-1908) en 1891, il déménage au poste des Forges, qui demeure jusqu’à la fin du Domaine, la résidence du garde général.

Il est remplacé dans cette fonction par Mr Bouvier, rapidement remplacé par Mr Rozo qui reste près de vingt-cinq années aux Forges. Lui succède Mr Leroux (vers 1908) qui aide Louis Donatien (1863-1910) à reprendre la gestion du Domaine à la mort de Donatien en 1908.

La tenue du garde

De 1875 à 1914, les gardes sont astreints à porter un uniforme aux armes des Levesque.

Tous les ans, chaque garde était habillé de pied en cap, du képi aux bottes - faites chez Godillot - d’une nouvelle tenue en drap, puis en velours, avec des boutons et des plaques propres au Domaine.

LEVESQUE, Jérôme, Les Levesque de la fin du XVIIe siècle à nos jours, Les Forges de Lanouée, 2004. [page 117]</footer

L’uniforme est décrit dans les détails par Armand Gernigon.

Veste en beau velours, avec martingale, pantalon de même couleur, verdâtre, boutons cuivrés Domaine de Paimpont en bordure et au centre le sigle. Casquette velours avec cor de chasse en métal doré. Bottes en cuir montantes à hauteur des genoux. Tous les deux ans, il y avait renouvellement. Pendant les grandes chaleurs, ils quittaient velours et bottes, pour prendre la blouse à rayures, pantalon toile blanche et souliers brodequins.

GERNIGON, Armand, Mémoires et souvenirs d’un garde en forêt de Paimpont (1979), Amis de la Bibliothèque de Paimpont, 2002.
Gilles et François Sentier en tenue de garde Levesque

Selon les grades, il y avait dans la tenue une légère distinction. La casquette du garde général était ornée d’un mince galon doré, de même la jugulaire, et aussi un galon doré aux manches de la veste. Les brigadiers se distinguaient par un liseré sur les bords de la jugulaire.

GERNIGON, Armand, Mémoires et souvenirs d’un garde en forêt de Paimpont (1979), Amis de la Bibliothèque de Paimpont, 2002.

Les rapport des gardes

Un réunion hebdomadaire avec le garde général a lieu chaque semaine. —  LEVESQUE, Jérôme, Les Levesque de la fin du XVIIe siècle à nos jours, Les Forges de Lanouée, 2004. [page 117] —

Chaque mois, une réunion désignée sous le nom de Rapport des Gardes se tient au poste des Forges. À tour de rôle par rang d’ancienneté, les gardes font leur rapport au grand-patron-administrateur du Domaine - suppléé par le garde général en cas d’absence.

Rapport qui consistait à rendre compte sur l’état des coupes en cours d’exploitation, bons ou mauvais état des lignes et chemins forestiers, puis, et surtout, des délits en infractions, tels : le braconnage, délits de chasse en forêt, en temps prohibé ou sans permis, menant parfois en procédure justiciable. Le plus souvent arrangement à l’amiable avec les fauteurs gratifiés d’une amende assez forte, selon les cas ! Les délits les plus nombreux à signaler, faut-il le souligner, se traduisaient surtout en infractions sur la question du pacage des vaches en forêt : amendes de 0,25 pour les vaches gardées et par vache, 0,10 par vache pour les soit disant échappées.

GERNIGON, Armand, Mémoires et souvenirs d’un garde en forêt de Paimpont (1979), Amis de la Bibliothèque de Paimpont, 2002.

Le rapport des gardes terminé, l’autorité supérieure présente fait à son tour des recommandations, ordres et directives, et surtout ses observations sur certains points, visant parfois tel ou tel garde, que, bon gré ou non, il devait accepter.

Les missions des gardes

Les principales missions des gardes sont :

  • effectuer le balivage 5, le marquage, le cubage ainsi que la négociation des bois à l’unité,
  • veiller au respect des pratiques en matière d’abattage et de débardage,
  • réprimer toute intrusion non justifiée sur le Domaine, notamment en termes de droits d’usage,
  • faire la police de la chasse,
  • piéger les animaux considérés comme nuisibles : renards (pièges à palette), martres, putois, fouines et loups.

—  LEVESQUE, Jérôme, Les Levesque de la fin du XVIIe siècle à nos jours, Les Forges de Lanouée, 2004. [page 117] —

La surveillance des coupes

Les gardes sont chargés de la surveillance des coupes en cours d’exploitation. Ces coupes concernent l’abattage des taillis de 25 ans d’âge au moins. Le bois coupé est réparti comme suit —  GERNIGON, Armand, Mémoires et souvenirs d’un garde en forêt de Paimpont (1979), Amis de la Bibliothèque de Paimpont, 2002. —

  • de la billette comme bois à charbon.

Cette billette coupée à 0,83 m de long et mise en cordes (le stère inexistant à cette époque). La corde : L=3,30 h=1,16 l=0,83.

  • Des rondins de sapin sciés à une longueur uniforme de deux mètres sont destinés aux mines.
  • Le cotteret, des rondins de sapins, écorcés et fendus en quatre, sont expédiés vers Paris, pour les fours des boulangers.
  • Dans les coupes à majorité de chêne, les brins à écorce sont réservés pour la tannerie. L’écorçage a lieu de la mi-avril à la mi-juin. Il est suivi par le séchage sur tréteaux disposés à 0,60 m du sol, puis par la mise en bottes de 0,80 à 0,90 m de circonférence, et d’une longueur d’environ 1,80 m.
  • Les branchages sont façonnés en fagots, destinés aux boulangers du pays et aux briqueteries.
Cinq gardes du Domaine de Paimpont en 1923

Le respect des droits d’usage

Donatien Levesque décide d’abroger les droits d’usages ancestraux sur la forêt, des habitants des communes de Paimpont et de Saint-Péran. Il propose un arrangement aux deux municipalités concernées : la fin des droits d’usages contre 400 hectares de forêt ou leur équivalence en francs. Les conseils municipaux s’insurgent contre cette proposition qui remet en cause les usages vivriers des habitants. L’affaire tourne au procès. La justice donne entière raison à Donatien Levesque. Les droits tels qu’ils ont été définis dans la charte des usements de 1467 sont définitivement abrogés sans contrepartie aucune pour les mairies.

Le pacage

Consécutivement à cette abrogation, les usages liés au pacage des bêtes en forêt sont entièrement revus.

Chaque année, Donatien Levesque notifie aux mairies de Paimpont et Saint-Péran, les coupes pouvant faire l’objet de pâturage. Ces décisions sont l’objet de plaintes concernant le peu de surfaces accordées ainsi que l’éloignement des coupes par rapport aux fermes. Le garde général est en charge du marquage des animaux admis à paître (1652 animaux en 1878). Les infractions sont nombreuses et donnent lieu à des amendes. —  LEVESQUE, Jérôme, Les Levesque de la fin du XVIIe siècle à nos jours, Les Forges de Lanouée, 2004. [page 119] —

La pêche et la chasse

La pêche

Les gardes du Domaine assurent la police de la pêche sur les nombreux étangs de la forêt.

Le vicaire de Plélan, l’abbé Billard qui, pris à l’étang du Perray par Rozo en flagrant délit de pêche et menacé par un procès, lui avait répondu : Monsieur Donatien saura bien me pardonner d’autant que nous sommes en période de Carême.

LEVESQUE, Jérôme, Les Levesque de la fin du XVIIe siècle à nos jours, Les Forges de Lanouée, 2004. [page 207]

Le panneautage des chevreuils

De 1896 à 1908, Donatien Levesque pratique le panneautage 6 des chevreuils à raison de 80 par saison.

Une annonce passée dans l’acclimatation [Revue du Jardin d’acclimatation de Paris] propose des chevreuils livrés en caisse et garantis vivants jusqu’à la gare d’arrivée, au prix de 105 Fr (mâle ou femelle). [Le garde général] Rozo fait l’article en certifiant que ces animaux sont « très sauvages », provenant d’une forêt de 7000 hectares et non d’un élevage. Ces animaux sont si vigoureux que l’un d’eux s’échappe de sa caisse en gare de Montfort et l’on a grand-peine à le reprendre. Les livraisons se font à travers toute la France.

LEVESQUE, Jérôme, Les Levesque de la fin du XVIIe siècle à nos jours, Les Forges de Lanouée, 2004. [page 205]

1910-1931 — Adolphe Jolan de Clerville

Adolphe de Clerville, gendre de Louis Arthur Levesque succède à Louis Donatien à la tête du Domaine à partir de 1910. Il est secondé par le garde général Leroux qui le tient informé de la gestion de la forêt — Levesque Jérôme (2004) op. cit., p. 163 —

À son accession à la direction du Domaine, Mr de Clerville devait donner aux gardes plus de liberté, sans limitation pour le nombre de bestiaux. Aussi a-t-on vu certains gardes posséder plus de dix vaches, leur donnant ainsi une aisance appréciable.

Gernigon Armand (2002) op. cit.

1914-1918 — La garderie durant la guerre

La mobilisation générale de 1914 a des répercussions importantes sur la garderie et en conséquence sur la gestion de la forêt de Paimpont.

Pendant cette guerre, des incendies d’envergure se déclarent, faisant des dégâts importants. Vengeance, dégâts aux cultures causés par les sangliers devenus nombreux. Sangliers fuyant les zones de combat. Bref, personne n’a pu dire au juste, qui étaient les incendiaires. Quoi qu’il en fût, voyant leur forêt en feu, tous les jeunes gardes sur le front, ne restant que quelques anciens, les propriétaires impuissants prirent la décision de vendre plus de la moitié de la forêt, soit 3500 ha. 7

Gernigon Armand (2002) op. cit.

Après la guerre, les gardes forestiers, démobilisés, rentrent dans leurs foyers et remplacent les gardes trop âgés.

1931 — La fin du Domaine de Paimpont

À la mort d’Adolphe Jolan de Clerville en 1931, le Domaine de Paimpont, partagé entre les héritiers Levesque perd son unité. Le système de garderie unifié, en place depuis le début du 19e siècle, prend fin.

Un garde général - François Sentier - prend la suite de Leroux en 1931 8. Il continue à régir les propriétés d’Adolphe Le Gualès de Mézaubran et de Louis de Clerville alors qu’un système de garderie indépendant se met en place dans les autres parties de la forêt.


Bibliographie

GERNIGON, Armand, Mémoires et souvenirs d’un garde en forêt de Paimpont (1979), Amis de la Bibliothèque de Paimpont, 2002.

LE LOUARN, Geneviève, « Usine métallurgique dite forges de Brécilien, puis forges de Paimpont. », 1982, Voir en ligne.

LEVESQUE, Jérôme, Les Levesque de la fin du XVIIe siècle à nos jours, Les Forges de Lanouée, 2004.

TIGIER, Hervé, Mauvais coups et Coups du sort de Paimpont et du canton de Plélan au Tribunal de Montfort, Auto-édition, Paimpont, 2012, Voir en ligne.

TIGIER, Hervé, Terroir de Paimpont, Auto-édition, 2016.


↑ 1 • 

La forêt de Brécilien située commune de Paimpont, sous l’arrondissement de Montfort, département d’Ille-et-Vilaine, contient environ sept mille hectares, sous taillis, essence de chênes, charmes et bouleaux, cinquante hectares de futaye, chêsnes et hêtres, de cent cinquante à deux cents ans, réservés pour les besoins de la forge. Cette forêt, la plus grande de l’ancienne Bretagne a environ sept myriamètres et demi de tour (quinze lieues) y compris les landes, vagues et villages enclavés. Douze gardes et un garde général veillent à sa conservation. En 1653, elle fut aménagée en vingt coupes pour l’affouage des forges qu’on établit alors. Chaque coupe produit annuellement environ vingt cinq mille six cent vingt sept stères ou (dix mille cordes) de bois (la corde de trois mètres un tiers de mètre longueur, un mètre un tiers de mètre hauteur, les hanoches de quatre vingt quatre centimètres) qui sont convertis en charbon. L’extraction des divers minerais se fait aussi dans la forêt où l’on a établi plusieurs étangs pour le service des forges.

Description de juillet 1813 in TIGIER, Hervé, Terroir de Paimpont, Auto-édition, 2016.

↑ 2 • Formon Étienne Joseph, propriétaire de l’usine et forêt de Paimpont. Paris. Premier délit forestier condamné sur sa requête le 7 janvier 1842.

  • Macé Rose, 21 ans, fille de Jean, fille de labour au Canée. Paimpont. Condamnés le 7 janvier 1842 pour enlèvement de bruyère le 24 décembre dernier à 6 francs d’amende, 6 francs de dommages et intérêts et solidairement aux dépens par corps montant à 53 francs 53 centimes, "ayant menacé de le frapper [le garde] avec sa faucille".
  • Macé Marie Gabrielle, 23 ans, fille de labour au Canée. Paimpont. Condamnés le 7 janvier 1842 pour enlèvement de bruyère le 24 décembre dernier à 3 francs d’amende, 3 francs de dommages et intérêts et solidairement aux dépens par corps montant à 53 francs 53 centimes.
  • Roulle Marie Reine, 18 ans, fille de Pierre, au Cannée. Paimpont. Condamnés le 7 janvier 1842 pour enlèvement de bruyère le 24 décembre dernier à 2 francs d’amende, 2 francs de dommages et intérêts et solidairement aux dépens par corps montant à 53 francs 53 centimes.

—  TIGIER, Hervé, Mauvais coups et Coups du sort de Paimpont et du canton de Plélan au Tribunal de Montfort, Auto-édition, Paimpont, 2012, Voir en ligne. [page 146] —

↑ 3 • Le poste du garde général est déplacé aux Forges à partir de 1891.

↑ 4 • Ces biens comprennent l’agglomération dite des Forges et Forges-Basses, la Fenderie avec sa scierie et son moulin, les fermes du Brûlis, des Chênes, du Château du Bois et le moulin de la Chèvre. D’autre part, les neuf postes de garde.

↑ 5 • Le balivage est l’action de repérer et sélectionner les plus beaux arbres, les baliveaux, afin de favoriser leur croissance optimale le plus souvent par éclaircie.

↑ 6 • Le panneautage est une technique traditionnelle de chasse au filet qui permet de capturer le gibier vivant.

↑ 7 • 

Sous toutes réserves, je crois que les premiers acheteurs, des marchands de biens, la Société Nathan, devaient revendre le lot à d’autres un peu plus tard. Il fut enfin revendu à un certain Mr Laniel qui devait prendre la charge de l’exploitation à son compte personnel. Pour les propriétaires, la vente des 3500 ha fut un marché de dupes plutôt désavantageux. Les clauses étaient pour la plupart favorables aux acheteurs, qui obtinrent toutes facilités dans l’exploitation, par le découpage des coupes à leur gré, en opérant des percées à travers bois pour l’abattage de quelques beaux sujets de valeur : chênes, hêtres, sapins etc... Bref, un dépeçage, véritable gâchis.

D’après les termes du marché, l’exploitation ne devait durer au-delà de 10 ans. Mr Laniel n’en fut l’exploitant que pendant 4 à 5 ans. Sans compétence pour diriger une affaire de cette importance, sa gestion grevée d’une moralité assez douteuse fut déplorable. Les ressources s’amenuisant rapidement, il fut contraint de céder l’exploitation à d’autres. L’affaire prise en mains par Mr Menet, exploitant forestier par profession, prit le nom de “Société Forestière de Bretagne”. Sous ce titre, elle continuera jusqu’à l’expiration du marché. Au cours de son exploitation, elle se consacrera surtout aux bois de mine, destinés aux mines du nord de la France, détruites pendant la guerre.

GERNIGON, Armand, Mémoires et souvenirs d’un garde en forêt de Paimpont (1979), Amis de la Bibliothèque de Paimpont, 2002.

↑ 8 • François Sentier prend la suite de Leroux en 1931 pour Adolphe [Le Gualès] comme pour Louis [de Clerville], [il est] le fidèle entre les fidèles, grand chasseur de bécasses et plus qu’un serviteur irréprochable, un véritable ami. —  LEVESQUE, Jérôme, Les Levesque de la fin du XVIIe siècle à nos jours, Les Forges de Lanouée, 2004. [page 164]. —