1634-1980
Du bois de la Montre au bois de la Moutte
D’abord propriété de l’abbé de Paimpont (1634-1792), le bois de la Montre devient à la Révolution bien national sous le nom de bois de la Moutte. Il est vendu à la Restauration (1817) et connait successivement trois propriétaires au cours du 19e siècle.
1634 — L’acquisition du bois de la Montre par l’abbaye de Paimpont
1236-1467 — Les droits des abbés de Paimpont en forêt de Brécilien
Les seigneurs de Lohéac et de Montfort, possesseurs de la forêt de Brécilien, donnent aux abbés, dès l’origine de l’abbaye Notre-Dame de Paimpont, des droits d’usage et même de chasse. Ces droits leur sont confirmés plusieurs fois, notamment en 1236, 1267 et 1273.
En 1467, dans la charte des Usemens et coutumes de la forêt de Brécelien, Guy XIV de Laval met en forme les droits des abbés de Paimpont sur la forêt.
Droit d’usage complet dans les quartiers de la forêt dits Haute-Forêt et Lohéac, tant pour construction et réparation de l’abbaye et des moulins que pour son chauffage, ses clôtures et vignes [...] Il peut également y tenir son bétail de toute nature, sans l’inscrire, ni rien payer, pourvu qu’il le fasse garder par ses gens et valets […] L’abbé a même le droit de tenir haras de chevaux et juments domestiques ou sauvages dans ces cantons. Il est à noter qu’anciennement le bétail de l’abbé était, dit-on, marqué (merché) d’un fer (merc) en forme de crosse, afin qu’on le reconnût des autres bêtes pâturant dans la forêt, mais actuellement [en 1467] ce bétail n’est pas marqué. L’abbé de Paimpont, outre cet usage, a le droit d’interdire (tenir défensable) aux ventes de bois quatre cantons (brieux) de haute futaie, nommée Legal, Legallet, Tremeleuc et la Chapelle, dans lesquels Monseigneur ne peut vendre ni donner aucun bois sauf le bois tombé (chéast) dont il peut faire ce qu’il veut. Dans ces cantons (brieux) Monseigneur peut aussi vendre ou donner le bois dit mort-bois, tel que le charme (charmier) et le bouleau (boul). Dans ces cantons, Monseigneur et l’abbé peuvent prendre du bois pour construction et réparations, mais l’abbé ne peut rien vendre ni donner, pas même du bois tombé ni du mort-bois 1.
Les droits des abbés de Paimpont octroyés par les seigneurs de Laval s’étendent sur l’ensemble de la forêt de Brécilien et plus spécifiquement sur les quatre cantons de haute futaie, nommés Legal, Legallet, Tremeleuc et la Chapelle
.
L’accord de 1634
Lorsqu’en 1623, Henri III de La Trémoille, seigneur du comté de Montfort, commence à vendre la forêt de Brécilien. En 1634, comprenant que la vente de la forêt est inéluctable, l’abbé de Paimpont accepte de passer un accord avec Henri III. Ses droits en forêt de Brécilien sont alors échangés contre la propriété des quatre cantons de haute futaie, nommés Legal, Legallet, Tremeleuc et la Chapelle, regroupés sous le nom de bois de la Montre.
Lorsque le duc de la Trémoille, seigneur de Montfort, voulut vendre la forêt de Brécilien, les chanoines de Paimpont s’opposèrent vivement à cette vente ; à la fin cependant ils acceptèrent, en 1634, la propriété complète du bois de la Montre, en échange de leurs droits dans toute la forêt, et laissèrent le duc vendre celle-ci.
1653-1688 — Arrangements entre les propriétaires des Forges et l’abbaye de Paimpont
1653-1675 — Rentes et compensations
En 1649, la réforme génovéfaine est introduite à l’abbaye Notre-Dame de Paimpont. Les nouveaux religieux entreprennent de nombreux travaux parmi lesquels la construction du Grand Logis et de l’hôtellerie du porche. La propriété du bois de la Montre - d’une contenance de 300 journaux - leur permet d’utiliser le bois qui s’y trouve mais aussi le grès armoricain nécessaire à leurs projets architecturaux.
Le 29 août 1653, Jacques de Farcy, sieur de Paisnel, et François d’Andigné, sieur de La Chasse achètent la forêt de Brécilien à la duchesse de La Trémoïlle pour la somme de 220 000 livres avec le droit d’y faire bâtir des forges
. Très rapidement, les nouveaux propriétaires découvrent que les principales réserves en minerai de fer se trouvent dans le bois de la Montre. Ils proposent alors un arrangement aux religieux de Paimpont.
Au moins trois contrats - datés de 1653, 1656 et 1675 - sont conclus entre les maitres de Forges et les génovéfains. Au terme de ces accords, les religieux, confirmés dans leur possession du bois de la Montre 2, obtiennent des compensations pour son exploitation.
Les propriétaires des forges leurs donnent, d’une part une rente annuelle de dédommagement de 600 livres pour les minières du bois de la Montre, d’autre part la possession d’un bois de 18 journaux, en contrepartie des 20 journaux d’emprise de ces minières. — BRETON, Yves, Les génovéfains en Haute-Bretagne, en Anjou et dans le Maine aux XVIIe et XVIIIe siècles, Editions Hérault, 2006. [page 237] —
Le bois de la Montre dans des actes de 1679 et 1688
Le bois de la Montre est mentionné dans la déclaration de l’abbé François Robert du 24 avril 1679, faite à l’occasion de la réformation (inventaire) du domaine royal de Ploërmel.
[...] le bois futaie dit « Futaye de la Montre de Painpont », contenant environ trois cents journaux, divisés en quatre breils : le « breil de Trécilien », le « breil du Gast », le « breil du Gallet », le « breil de la Chapelle », plus un autre canton d’environ dix-huit journaux.
Un acte de 1688 détaillant les propriétés de l’abbaye de Paimpont mentionne les conditions d’acquisition du canton de 18 journaux.
« Davantage un autre canton de bois contenant [...] journaulx qui a esté relaissé à la dite abbaye desinteressement de la mine que les seigneurs propriétaires de la dite forest font tirer dans l’estendue de la dite montre de Paimpont pour l’uzage de leurs forges. »
Le bois de la Montre au 18e siècle
La visite de 1705
En 1705, Jean de Lapierre, à la demande des religieux de l’abbaye Notre-Dame, dresse un procès verbal des boys dépendant de l’abbaye de Penpont
pour le compte de son abbé François Robert (1672-1722). Ce procès verbal donne notamment les limites bornées du bois de la Montre ainsi que la nature exacte de son boisement.
[...] on nous a montré une autre borne sur le bord du chemin qui mène à la fanderie et advenue au canton du Vallée à l’entrée duquel le dit forestier nous a montré une autre pierre bornalle de laquelle descendu jusqu’au bord du ruisseau qui reflue de l’estang de laditte abbaye aux forges que l’on nous dit faire la séparation desdit bois et fustaye avec ceux de Trecelien appartenante aux messieurs des Forges jusqu’au pas Chappin, sommes arrivés au canton nommé le Grand Gallet, ravine duquel avons remarqué plantes et Chénée en fousteaux (charmes) d’une meilleure qualité et nature que la précédente [...]
1726 - Le registre des dépenses de l’abbaye
La gestion du bois de la Montre est à la charge de l’économe de l’abbaye. En 1726, celui-ci écrit dans son registre des dépenses que le bois de la Montre produit le bois de chauffage de l’abbaye ainsi qu’un surplus qui est vendu.
« [il y a] un nombre presque infini de testards de charniers propres à y faire des cordes et des fagots. Ainsi travaillera-t-on à la gloire spirituelle et au bien temporel de la Religion. »
1751-1769 — Les abus de Jacques Le Breton de Beauregard
En plus de la rente annuelle donnée par les propriétaires des Forges, la possession du bois de la Montre permet aux religieux de Paimpont de bénéficier d’avantages dont certains prieurs ont pu abuser.
Jacques Victor Le Breton de Beauregard, prieur claustral de l’abbaye Notre-Dame est pourvu de la cure de Paimpont le 26 mai 1751. Sa famille - les Lebreton de Beauregard, de Ranzégat, du Breil et de la Perrière - occupe des charges d’avocat et de régisseur pour le compte de grands aristocrates bretons, en particulier les Rohan, entre Rennes et Vannes.
En janvier 1766, il procède à la coupe illégale de 85 arpents de forêt. La maitrise de Vannes le condamne à une amende de 20 livres et à la restitution de 725 livres, correspondant à la valeur des bois qu’il a fait abattre. L’abbé le soupçonne de fraude avec son neveu, Monsieur de Ranzégat.
Un document récemment trouvé montre que le prieur s’est arrangé avec son cousin Lebreton de Ranzégat pour l’exploitation d’une coupe de bois dans la forêt de Paimpont, laquelle association a été jugée frauduleuse par la maitrise de Vannes qui les a condamnés à 6000 livres de dommages et intérêts au profit d’un troisième associé qu’ils auraient essayé d’abuser.
En janvier 1769, Jacques Victor Le Breton de Beauregard reçoit les remerciements de l’intendant de Rennes pour le gibier livré par ses soins.
Je suis extrêmement sensible au compliment que vous me faite sur le renouvellement de l’année, je vous la souhaite parfaitement heureuse et je désire qu’elle me procure des occasions de vous assurer de toutes ma reconnaissance. Recevez tout mes remerciements du gibier qu’on m’a apporté de votre part.
1790-1792 — La vente par adjudication du Bois de la Moutte
Le décret du 2 novembre 1789 met les biens de l’Église à la disposition de la Nation. Il faut cependant attendre la naissance de la commune de Paimpont en avril 1790, pour que les terres et les biens de l’abbaye deviennent biens nationaux
Pourtant, le 24 juin 1790, les propriétaires des Forges s’acquittent encore - et pour la dernière fois - de la rente de 600 livres à l’abbaye de Paimpont pour l’usage du bois de la Montre.
Recette des biens dépendants de la manse [mense] conventuelle [de l’abbaye de Paimpont] - Paroisse de Paimpont. 14. Reçu de Messieurs les propriétaires des forges l’année échue à la St Jean 1790 : 600 livres.
Vingt-trois lots de bâtis et de terres, dépendant de l’abbaye, sont mis en vente nationalement par adjudication le 7 novembre 1791. Deux de ces lots intéressent particulièrement les sociétaires des Forges. Le lot 10, trois moulins à eau et le grand étang pour 18 000 livres ainsi que le lot 11, les bois-taillis de la forêt de Brécilien pour 12 000 livres. — BELLEVÜE, Xavier de, Paimpont, Rééd. 1980, Marseille, Lafitte Reprints, 1912. [page 76] —
Les propriétaires des Forges se portent acquéreurs du Bois des Moines (ou bois de la Montre) et de l’étang voisin de l’abbaye, mais la commune de Paimpont est elle aussi intéressée par ces biens. M. de Farcy entend s’opposer par tous les moyens aux prétentions de la commune sur cet ancien triage : Il serait insensé de les lui laisser à vil prix, la conservation de notre forge en dépend
. Le sociétaire des Forges a en effet calculé Qu’en vendant plus de 30 000 l. de bois, cette acquisition [lui procurerait] aisément 20 000 l. de rentes
— A.D.I.V 2 ER 21 —.
Finalement, les biens mis en vente n’ayant pas trouvé preneur, ils sont vendus définitivement le 30 mai 1792, par adjudication du tribunal de Montfort.
Deux lots sont cependant exclus de la vente à cette occasion : un terrain nommé les litières qui est le chemin qui conduit à l’église et sur lequel les boutiques sont construites
; la forest de la Moute et autres pièces de terre
. — Acte de 1792 cité dans la délibération du CM de Paimpont du 16 décembre 1832 in TIGIER, Hervé, Terroir de Paimpont, Auto-édition, 2016. —
1792-1817 — Le bois national de la Moutte
Au début du 19e siècle, le bois de la Montre change de nom et devient bois de la Moutte. Le plus ancien document en notre possession attestant ce changement de toponyme est un acte du tribunal de Montfort daté de 1806 3.
Gabrielle Macé, 38 ans, veuve de Julien Crosnier marchand de cuir au Cannée. Condamnée "solidairement et par corps" avec deux autres habitants du Cannée le 3 juillet 1806 à 59 francs 26 centimes d’amende et aux dépens pour le pacage le 26 mai 1806 d’un cheval chacun dans le bois de la Moutte, canton de la Croix Rouge, son cheval sous poil cendré. Voir Anne Morice, veuve Desbois, pour la mainlevée du sequestre du cheval.
1792-1814 — Une propriété nationale
Un document daté de 1806 indique que le canton de la Moute
est propriété nationale.
Honoré Macé, 36 ans, propriétaire à l’abbaye. Audience du 2 mai 1806 renvoyant les parties devant le conseil de préfecture pour juger de la propriété du Champ Hayé dans le canton de la Moute entre les deux avenues menant à l’abbaye. Le 17 juillet 1807, ce terrain est reconnu comme appartenant bien au domaine national et le prétendu propriétaire est assigné le 6 novembre pour se voir condamner à payer 12 francs pour l’indue jouissance.
Le 14 novembre 1810, Louis Florent Thierry prête serment comme garde forestier à cheval du bois de la Moute
.
« Audience extraordinaire » : prestation de serment de Louis Florent Thierry suite à la commission accordée par le conseiller d’état, directeur général de l’administration des eaux et forêts le 30 octobre comme garde forestier à cheval pour la surveillance des forêst et bois de la Musse, de la Moute, Pinguily, la Perchais, St Méen, la Crolle et Forêt Neuve.
En 1814, le revenu de la forêt de la Moutte
est estimé par les sous-inspecteur et garde général forestier
.
28 novembre 1814
Du 16 novembre [1814], procès-verbal descriptif du bois de la Moutte par MM. Richelot et Baudrillart, sous-inspecteur et garde général forestier. Du 19 novembre, procès-verbal estimatif de la forêt de la Moutte fixant le revenu à [...] principal de 19793,58 francs par les mêmes.
1814-1817 — Une propriété royale
Un délit forestier du 3 janvier 1817 fait mention du bois royal de la Moutte
.
Après audition des deux témoins présentés par Marie Foulon, veuve de Jean Thomas, à l’appui de sa plainte contre Jean Bellouard, marchand de fil au Canneix, disant « qu’elle avait quinze cens de fagots dans le bois royal de la Moutte proche le bourg de Paimpont que Jean Bellouard a enlevé et fait enlevé par ses enfants », fait entièrement nié par ledit Bellouard, celui-ci est condamné par le juge de paix à verser les 50 francs auxquels la demanderesse a réduit son estimation du dommage, demandant 90 francs avant cette audition ; dépens liquidés à 8,60 francs.
M. Tetiot propriétaire du bois de la Moutte
En 1817, le gouvernement
vend la forest de la Moutte
et la pièce de terre
de 18 journaux. — Délibération du CM de Paimpont du 16 décembre 1832 in TIGIER, Hervé, Terroir de Paimpont, Auto-édition, 2016. —
Un document de 1821 atteste sa propriété par le Sr. Tetiot junior, demeurant à Rennes
.
À cette époque, le bois de la Moutte, distinct du Domaine des Forges, n’est pas sous l’autorité du garde général de la forêt de Brécilien. En 1822, son propriétaire nomme lui-même un garde chargé de sa surveillance.
4 janvier 1822
Le tribunal de Montfort reçoit le serment de Pierre François Chevalier. « M. le substitut du procureur du roi a dit : Messieurs le Sr. Tetiot junior, demeurant à Rennes, propriétaire du bois de la Moutte, situé commune de Paimpont, sous cet arrondissement, a nommé le 29 novembre 1821, garde dudit bois, le Sr. Pierre François Chevalier. La commission a été visée pour approbation par l’inspecteur principal des forêts du 14e arrondissement le 15 décembre dernier et enregistré à Plélan le 23 janvier 1822 pour un franc dix centimes, ledit Sr. Chevalier est présent à votre audience et demande à prêter serment conformément à la loi [...] ».
Au cadastre de 1823, M. Tetiot, rentier à Rennes
est encore mentionné en tant que propriétaire du taillis
de la Moute
.
1824-1850 — Pierre de Moncuit de Boiscuillé
Le 11 septembre 1824, Pierre de Moncuit de Boiscuillé, détenteur de 10 % des actions de la Société des Forges, achète à titre personnel le bois de la Moutte à M. Tétiot.
Le 14 décembre 1832, lors d’un jugement en audience publique, Jean Fiacre Chapon, garde de la Moutte pour Pierre de Moncuit, reçoit une commission de garde forestier 4. — 3U 2 3003 in TIGIER, Hervé, Terroir de Paimpont, Auto-édition, 2016. —
Le 28 novembre 1834, le même Jean Chapon garde du bois de la Moutte
reçoit une commission des co-propriétaires.
des forges de Paimpont — 3U 2 3003 in TIGIER, Hervé, Terroir de Paimpont, Auto-édition, 2016. —
La propriété de la Moutte rapporte à Pierre de Moncuit une rente annuelle versée par la Société des Forges, en paiement de l’extraction du minerai de fer qui s’y trouve.
En 1838, elle lui rapporte 561,60 fr.
Payé à Mlle Hurot, à Mr le Baron de Moncuit, une année de la rente assise sur les minerais et l’étang de Paimpont, échue le 24 juin 1838 :
— ARCHIVES DU S.I.V.U. « FORGES ET MÉTALLURGIE EN BROCÉLIANDE », « Dossier 67 : Compte des recettes et dépenses des forges de Paimpont Du 1er juin 1838 au 1er juin 1839 », 1839, Voir en ligne. —
En 1840, elle lui rapporte 2731,625 fr répartis comme suit.
Payé à Mad. Hurot et à Mr le baron de Moncuit une année de la rente assise sur l’étang et les minerais de Paimpont : 561.40
393.75 [cordes] dans la Moutte pour Mr de Moncuit dont 5.75 faites à 6.30 et 388 à faire à 5.50 (1839 et 1840) : 2170.225
— ARCHIVES DU S.I.V.U. « FORGES ET MÉTALLURGIE EN BROCÉLIANDE », « Dossier 56 : Compte des recettes et dépenses des Forges de Paimpont du 1er juin 1840 au 1er juin 1841 », 1841, Voir en ligne. —
1841 — Étienne de Formon
En 1841, Étienne de Formon devient l’unique propriétaire des Forges et de la forêt de Paimpont.
Le tribunal de Montfort qui a procédé à la vente par adjudication l’avait notamment informé de l’état des minières dont dépendent les Forges pour se fournir en minerai de fer.
Le minerai de la Gelée a été abandonné depuis un an à cause des difficultés que présente son extraction. Nous croyons cependant qu’il n’est pas épuisé et qu’au moyen d’écoulements assez faciles on pourrait le remettre en exploitation ; il pourrait en être de même pour celui de Trudo [Peronnette] si sa qualité permettait de l’utiliser avec avantage, ce que nous ne croyons pas. Quant à celui de la Moutte, sans le croire épuisé, nous pensons qu’il faudrait faire de grandes dépenses pour le remettre en exploitation. Les deux minerais de la Prée et de Spihant [Psihan] sans être épuisés ne sont pas maintenant exploités.
Dans une lettre adressée à l’inspecteur des forges Félix Guillotin cette même année, Étienne de Formon s’interroge sur les accords passés avec M. de Moncuit concernant le bois de la Moutte.
Veuillez comprendre dans votre note les bois de la Moutte, et me répéter les raisons qui vous feraient penser que je ne devais pas passer sur ces bois-là de marché de durée. Aussi pourquoi je devais me refuser à la proposition de débornement si elle m’était faite. J’ai cherché à me rappeler vos motifs, pour les consigner dans mes notes, ils ont absolument échappé à mon […].
1842-1846 — Frédéric de Moncuit
Pierre de Moncuit conserve la propriété de la Moutte après la vente des Forges et de la forêt à Étienne de Formon en 1841. À partir de 1842, c’est son fils Frédéric qui s’occupe de la gestion de ses affaires paimpontaises.
Le 6 mai 1842, Frédéric de Moncuit, agissant pour son père, baron de Moncuit, a donné une commission de garde forestier et particulier du bois de la Moutte et de sa propriété du Bois Joly en Plélan au Sieur Godefroy Mahault, domicilié de Plélan.
— 3U 2 3005 in TIGIER, Hervé, Terroir de Paimpont, Auto-édition, 2016. —
Le 9 mai 1845, il fait engager Pierre Glot en tant que garde de la Moutte : Serment du Sieur Pierre Glot, ex-sergent au 35e régiment d’infanterie de ligne, demeurant à Treffendel suite à la commission donnée par le baron de Moncuit pour la surveillance de son bois nommé le bois de la Moutte ».
— 3U 2 3006 in TIGIER, Hervé, Terroir de Paimpont, Auto-édition, 2016. —
Le testament de 1846
Selon son testament rédigé le 17 août 1846 à Paris, Pierre de Moncuit possède en Paimpont :
La partie de la forêt de Brécilien, commune de Paimpont, dite la Moutte exploitée par le propriétaire. Ce bois fut acquis de Mr Tétiot par le décédé et son épouse De Ravenel de Boistilleul suivant acte du onze septembre 1824 et forme un acquêt de communauté [...] par acte du huit thermidor an IV, Pocquet notaire à Rennes, les époux De Moncuit se donnèrent réciproquement par premourant au survivant tout ce que possederait le prémourant en mobilier et acquêts plus l’usufruit des propres qu’il lesserait ; la naissance postérieure de deux enfants [...]
Depuis 1825 jusqu’à 1844, ce bois divisé en vingt coupes réglées a produit :
Total : 165 ha 82 a 80 ca et 42069,09 francs, moins 9800,55 francs de baliveaux (le receveur divise la différence par 19 pour obtenir 1698,35 qu’il appelle le « revenu des bois en coupe », 2° plus 3000 francs pour les baliveaux et mille francs d’une carrière de 50 francs de revenu (là il divise par 20 pour obtenir 200 francs), d’où 1898,35 francs. Reçu : 934,50 francs. Le contrôleur fait un calcul différent en marge en estimant que le revenu annuel moyen des coupes est 2103,05 correspondant au vingtième, soit à payer 460,80 et non 379,80 francs. — 3Q 27 328 - 30 novembre 1850 - La Moutte in TIGIER, Hervé, Terroir de Paimpont, Auto-édition, 2016. —
Pierre Moncuit de Boiscuillé meurt à Saint-Lô le 13 février 1850 à l’âge de 89 ans. Son fils Frédéric (1799-1884) devient alors propriétaire du bois de la Moutte. — FRATERNELLE, « Généalogie de Pierre de Moncuit de Boiscuillé », 2018, Voir en ligne. —
Une carte du Domaine de Paimpont datée de 1867 détaille l’organisation en coupe de la forêt. Le bois de la Moutte y est figuré en rouge, couleur utilisée pour indiquer les cantons forestiers exploités pour les forges mais ne faisant pas partie de la propriété du Domaine de Paimpont.
Une annonce datée du 8 septembre 1868 propose l’acquisition de la forêt de la Moutte.
1880-1934 — Les Levesque, propriétaires du bois de la Moutte
Louis Auguste Levesque (1809-1888), propriétaire du Domaine de Paimpont à partir de 1875, réalise de nombreuses acquisitions afin d’unifier son domaine et d’en supprimer les enclaves. En 1880, il acquiert le bois de la Moutte (170 hectares) à Frédéric de Moncuit. — LEVESQUE, Jérôme, Les Levesque de la fin du XVIIe siècle à nos jours, Les Forges de Lanouée, 2004. [page 112] —
À la mort de son père en 1888, Donatien Levesque (1842-1908) hérite de la gestion de l’ensemble du Domaine. En 1896, M. Gadeceau, botaniste, visite la forêt en sa compagnie et écrit un article dans lequel il décrit les particularités du bois de la Moutte, notamment l’admirable avenue de pins sylvestres
, portant le nom d’Allée aux moines.
Le lendemain matin, la voiture de M. Levesque [Donatien] me prend à la Cantine des Forges et nous suivons la route de Paimpont. Au carrefour de la Moutte, nous trouvons d’admirables avenues de Pins sylvestres (Pinus silvestris) formant la croix sur 2 ou 3 rangs de chaque côté et sur une longueur de plus de 2 kilomètres. Très beaux troncs élancés droits, de 20 à 25 mètres de haut, semblables à une nef de cathédrale.
À la mort de Donatien Levesque en 1908, le Domaine de Paimpont est partagé entre les héritiers de deux des trois fils de Louis Auguste Levesque : les héritiers de Louis-Arthur (1832-1895) d’une part et les héritiers de Donatien (1842-1908) d’autre part.
Le premier lot revient aux enfants de Louis-Arthur. Le second, revenant aux héritiers de Donatien, est mis en vente. Louis Donatien Levesque (1862-1910), fils de Louis-Arthur et son beau frère Adolphe de Clerville (1852-1931) en achètent une partie, soit 1120 hectares en indivision comprenant le bois de la Moutte 5.
Entre 1933 et 1934, les propriétaires en indivision de la forêt de Paimpont optent pour une gestion séparée de leurs lots respectifs et se répartissent les 4800 hectares en pleine propriété 6. Adolphe Leguales (1846-1944), héritier de la part de Louis Donatien Levesque, depuis son mariage avec sa fille Gilberte (1892-1970) en 1912, entre en possession de 1800 hectares de forêt dont le bois de la Moutte. Ce bois, ainsi que les 1811 hectares de forêt de la part de Louis Donatien, restent propriété de la famille Leguales jusqu’à nos jours 7. — LEVESQUE, Jérôme, Les Levesque de la fin du XVIIe siècle à nos jours, Les Forges de Lanouée, 2004. [pages 163] —
1951 et 1971 — La carrière de la Moutte
En 1951, Jean Chevrel ferme la carrière de Jacob et commence l’exploitation d’une nouvelle carrière de grès armoricain dans la vallée de la Moutte, destinée à l’empierrement des routes. La carrière est à nouveau exploitée par la Société Pigeon, basée à Argentré-du-Plessis (35), à partir du 15 mars 1971. Elle ferme dans les années 1980.
La partie orangée au centre de la carte d’orientation représente l’emprise de cette carrière.