2500 à 2000 av. J.-C.
L’allée couverte du Tombeau de Merlin
Les vestiges d’une allée couverte du Néolithique
Le Tombeau de Merlin, situé sur la commune de Paimpont, est mentionné pour la première fois en 1820. C’est une allée couverte du Néolithique, édifiée entre 2500 et 2000 av. J.-C. et ruinée depuis le 19e siècle.
1820 — La première mention du mégalithe
L’allée couverte du Tombeau de Merlin est mentionnée pour la première fois par Jean-Côme-Damien Poignand en 1820. Cet antiquaire montfortais pense avoir fait une découverte archéologique de première importance en révélant la présence des tombeaux de l’enchanteur et de son épouse Viviane en forêt de Paimpont.
C’est à de tels signes, que j’ai cru reconnaître le tombeau de Merlin et celui de son épouse, proche l’abbaye de Tel’hoet, au bord de la forêt de Brécilien.
La description du monument est rapportée par Félix Bellamy qui s’est procuré des notes manuscrites, non publiées, de Poignand.
[...] (les détails suivants sont extraits des notes de M. Poignand) : « A la distance d’une portée de fusil l’un de l’autre, se voient deux vieux tombeaux druidiques. Les pierres de ces deux tombeaux que j’ai encore vues debout, il y a moins de quarante ans, formaient des espèces de cellules en carré long, entourées de pierres colossales, plantées verticalement et recouvertes de pareilles pierres transversalement couchées sur le haut. Elles ont été renversées pendant la révolution, et cela, pour chercher dessous des trésors, d’après les explications que j’ai obtenues dans une nouvelle visite que j’ai faite, il y a quelques années. Toutefois, l’on n’a pas pu les enlever, à cause de leur énorme volume, et il est encore possible de les voir dans leur emplacement. »
Descriptions du mégalithe au 19e siècle
À partir du milieu du 19e siècle, Le Tombeau de Merlin est mentionné dans diverses publications peu soucieuses de réalités archéologiques.
1846 — Le Magasin Pittoresque
En 1846, Le Magasin Pittoresque en donne une représentation fantaisiste pour amateur d’étrangeté et de celtisme. — CHARTON, Edouard, « Le tombeau de Merlin », Le Magasin Pittoresque, Vol. 14, 1846, p. 87-88, Voir en ligne. pp. 87-88 —
La description du Magasin Pittoresque est reprise en 1854. — FOUQUET, Alfred, Guide des touristes et des archéologues dans le Morbihan, Vannes, Libraire-Editeur A. Cauderan, 1854, Voir en ligne. [page 83] —
1858 — L’abbé Oresve
En 1858, l’abbé Oresve, antiquaire de la région de Montfort, recense trois mégalithes dans la paroisse de Saint-Malon, dont le Tombeau de Merlin.
Sur la lande dite la Landelle, près de la forêt, il existe plusieurs pierres dont quelques-unes sont debout et les autres jetées à terre. Elles formaient un carré long. M. Poignand, de Montfort, ayant écrit qu’il les regardait comme les tombeaux de Merlin et de Viviane son épouse, des curieux, guidés par cette indication, sont venus visiter ces pierres et mesurer le terrain. Les paysans voisins, voyant beaucoup d’étrangers venir pour les examiner, se sont imaginé qu’il y avait là quelque trésor caché, et ils ont renversé les pierres, pensant le trouver.
1868 — Le guide premier guide touristique
En 1868, le « Tombeau de Merlin » est à nouveau mentionné dans le premier guide touristique consacré à la forêt de Paimpont. Son auteur souligne le vandalisme des propriétaires du Tombeau près de Saint-Malon.
[Le tombeau consiste en] une large pierre plate et sonore encadrée à gauche de deux touffes de houx.[...] Voilà du moins ce qu’il était il y a peu d’années ; car hélas ! Nous ne savons qui l’a modifié récemment, d’une façon peu heureuse, dans son point essentiel. La large dalle a été soulevée et renversée, ce qui ôte à l’endroit une partie de son prestige mystérieux et poétique. Sous la pierre existait une cavité peu profonde, où l’on n’a rien trouvé.
1882 — Adolphe Orain
Adolphe Orain donne dans sa Géographie pittoresque du département d’Ille-et-Vilaine quelques indications sur les monuments mégalithiques des communes du département. C’est dans ce contexte qu’il décrit le Tombeau de Merlin en 1882. — ORAIN, Adolphe, Géographie pittoresque du département d’Ille-et-Vilaine - Histoire et Curiosités des 357 communes - Personnages célèbres, Littérateurs, Poètes, Artistes, etc. - Agriculture, Commerce, Industrie.., Rennes, Imprimerie Alph. le Roy fils, 1882. [page 441] —
1883 — Paul Bézier
Il faut cependant attendre la fin du 19e siècle pour trouver mention d’un véritable intérêt archéologique pour le site mégalithique. Le Tombeau de Merlin est décrit en 1883 dans le premier inventaire des mégalithes du département d’Ille-et-Vilaine.
Deux pierres debout et une autre renversée sont les seuls vestiges du monument que les gens du pays continuent d’appeler le Tombeau de Merlin. Il y a une vingtaine d’années, ces trois pierres étaient encore fichées en terre, deux sur une ligne, l’autre sur une autre, et réunies par leur sommet. Ce sont des lames de schiste rouge terminées en pointe. Elles ont 1m 50 de haut, 0m 70 de large et 0m 20 d’épaisseur.
Ce monument ruiné a été fouillé, il y a bien longtemps, par des chercheurs d’un trésor supposé enfoui en ce lieu. Les dernières fouilles remontent à trente ans. Elles furent faites par le fils du propriétaire, qui, par ce fait, froissa très vivement dit-on, la population de la commune.
Cette description du Tombeau de Merlin ne correspond pas à celle donnée quelques années plus tard par Félix Bellamy. L’érudit a en vain tenté de retrouver le mégalithe décrit par Paul Bézier sous le nom de Tombeau de Merlin.
1889-1892 — La description de Félix Bellamy
En 1889, Félix Bellamy donne une description très détaillée du site mégalithique qui diffère notablement de celles du Magasin Pittoresque et de celle de Paul Bézier.
La seule inspection de ce mégalithe suffit à démontrer que ce sont les ruines d’une allée couverte. On y voit en effet une rangée formée de quatre grandes pierres plates, plantées debout sur une même ligne, bord à bord, mais il y a des places vides. L’autre rangée parallèle n’est plus représentée que par une seule pierre qui est debout. Entre les deux lignes se voient deux rangées transversales qui sont tombées sur le sol, et qui primitivement devaient former le dessus, le toit, de l’allée couverte. [...] Le monument dit Tombeau de Merlin se compose donc encore aujourd’hui (1889) de six pierres debout ; une septième est la transversale inclinée qui s’appuie sur la pierre debout de la ligne de gauche ; enfin la huitième est celle qui est étendue sur le sol de l’allée. Il mesure dix mètres et demi de long. [...] leur nature c’est du schiste rouge [...]
Bellamy qui a pris une précieuse photographie du monument mégalithique en 1889, sait de source sûre que le monument a déjà été ravagé au cours du 19e siècle.
La pierre debout, n°3 du rang de droite, est celle qui a les plus grandes dimensions ; elle a de hauteur au dessus du sol 1m 50 et de largeur 3 mètres. Une ancienne femme du village voisin m’a raconté ce fait que, autrefois, cette pierre n’était point plantée debout, mais était une de celles qui étaient transversales. Elle fut renversée dans la position actuelle par des ravageurs qui opérèrent, il y a une cinquantaine d’années, pour découvrir un trésor. C’était le propriétaire aidé d’un empirique d’une bourgade voisine, lequel s’est acquis un grand renom dans tout le pays par son habileté à juger des maladies à l’iau.
Félix Bellamy retourne sur les lieux en 1892 et constate avec stupeur que l’allée couverte dévastée ne consiste plus qu’en un amas de pierres.
Mais quel fut mon désappointement, quels furent mes regrets quand j’arrivai sur le lieu, en voyant que depuis quelques mois à peine, le monument avait été ravagé de fond en comble. On avait creusé et fouillé, assurément pour chercher le trésor. On avait renversé trois ou quatre, c’est à dire la plupart des pierres qui étaient debout, et on avait cassé en petits blocs celles qu’on ne pouvait déplacer à cause de leur masse. Au lieu d’une terre vierge, c’était un sol retourné et jonché de menus fragments de schiste. Les deux pieds du houx subsistaient encore. Je m’éloignais navré, vouant à tous les diables les Vandales passés et futurs, sans oublier les contemporains, dont certains furent charitablement recommandés d’une façon spéciale à leur bon soins.
En 1894, l’œuvre de destruction était achevée : les deux houx étaient déracinés, les pierres restantes avaient été renversées et cassées aussi en petits blocs et tous ces débris de pierres étaient amoncelés en un tas, à quelques pas à droite du monument détruit, contre la haie du landier.
1929-1931 — Le Tombeau de Merlin dans les années 30
Le Tombeau de Merlin, mentionné en 1929 — BANÉAT, Paul, Le Département d’Ille-et-Vilaine. Histoire, archéologie, monuments, Vol. 4, Rééd. 1973, Librairie Guénégaud, 1929. [page 13] —, a fait l’objet d’un examen archéologique détaillé publié en 1931.
Dolmen ruiné, dit Tombeau de Merlin. [...] C’est évidemment un ancien dolmen. Il en reste deux supports en schiste pourpré, placés dans deux plans perpendiculaires, l’un Nord-Est-Sud-Ouest, l’autre Sud-Est-Nord-Ouest ; son ouverture n’était donc pas au Sud-Est comme d’ordinaire. P. Bézier signale trois pierres fichées en terre ; il n’y en a plus que deux, mais une troisième pierre rectangulaire de plus grandes dimensions (elle a 2 m. 50 de long sur 1 m. 20 de large) gît contre le talus du champ (dalle de recouvrement). Les dimensions indiquées dans le guide du touriste (0 m. 60 pour la hauteur des supports) sont plus exactes que celle indiquées par P. Bézier. Il parait qu’autrefois il y avait un autre dolmen maintenant détruit (même ouvrage). Ce Tombeau de Merlin en schiste pourpré est formé d’une roche locale et les nombreux affleurements de ces schistes aux environs ont évidemment fourni la pierre nécessaire à sa construction. Il n’y a donc pas eu de transport ; sa construction n’a pas non plus exigé un bien grand travail, car les pierres sont petites et il n’y a ni ornements ni sculptures.
L’allée couverte et l’archéologie contemporaine
Le Tombeau de Merlin est répertorié en tant qu’allée couverte du néolithique final dans un rapport de la Direction des Antiquités de Bretagne daté de 1988.— LEROY, Damien, « Rapport de prospection inventaire du canton de Plélan-le-Grand (Ille-et-Vilaine) », Direction des Antiquités de Bretagne - Service Régional de l’Archéologie, 1988, p. 89, Voir en ligne. [pages 48-50] —
Les vestiges de l’’allée couverte du Tombeau de Merlin n’ont jamais fait l’objet de fouilles archéologiques. L’archéologue Jacques Briard a cependant pratiqué une prospection en surface, lui permettant d’y découvrir quelques outils en silex pressigniens 1, pouvant signifier des contacts culturels, sinon économiques entre la région de Brocéliande et celle de la Loire. L’archéologue, qui a daté le monument du Néolithique de 2500 à 2000 av. J.-C., constate une logique dans la répartition des allées couvertes de Brocéliande.
Les allées couvertes se situent le plus souvent en bordure du massif forestier. On retrouve ainsi les allées couvertes des Brousses Noires ou du Tombeau de Merlin à la lisière de la Basse Forêt de Brocéliande. [...] On peut se demander si cette répartition frontière des allées couvertes n’est pas liée à la proximité en plaine de terres plus cultivables que celles des zones à dominantes schisteuses cambriennes.
Jacques Briard a donné une dernière description de l’allée couverte dans un inventaire paru en 2004.
D’après Félix Bellamy, il y avait deux allées couvertes à peu de distance. Mais on ne dispose que de la description du Tombeau de merlin (L= 10,50 m, l= 1,50 m environ) qui existait encore dans les années 20, à l’état de ruines. Il se composait de quatre supports d’un côté et d’un seul support de l’autre, un sixième support formant le fond. Deux dalles de recouvrement étaient renversées. Toutes ces pierres étaient en schiste pourpré. Les supports atteignaient de 0,90 m à 1,50 m de hauteur, 1,25 m à 1,60 m de largeur et de 0,25 à 0,40 m d’épaisseur. Aujourd’hui, deux pierres debout et une autre renversée en sont les seuls vestiges. Les seuls documents graphiques du monument avant sa destruction sont deux gravures du XIXème siècle et une carte postale de 1900.
Notons enfin la forte densité de vestiges néolithiques dans ce secteur de la forêt. De nombreuses cupules couvrent les affleurements rocheux situés à une centaine de mètres à l’Ouest du monument. Le Tombeau de Viviane, mentionné par Poignand et à ce jour encore non identifié, les menhirs de la Ville Guichais, l’allée couverte des Brousses Noires ainsi que le Tombeau de la duchesse d’Angoulême sont tous situés dans un rayon d’un kilomètre à vol d’oiseau du Tombeau de Merlin.