1850
La légende du menhir de Coulon
La légende de la pierre de Coulon, publiée pour la première fois en 1850, a fait l’objet de plusieurs versions.
1850-1858 — Premières mentions de la légende
1850 — Paul de la Bigne de Villeneuve
La légende de la pierre de Coulon est mentionnée par un érudit rennais, Paul de la Bigne de Villeneuve (1813-1899), en 1850. Ce dernier écrit notamment qu’elle est sœur du menhir du Vau Savelin
autrement dénommé Pierre Longue d’Iffendic.— BIGNE DE VILLENEUVE, Paul de la, « Notes manuscrites d’un érudit rennais », 1850. —
1858 — L’abbé Oresve
En 1858, l’abbé Oresve mentionne une dizaine de mégalithes de la région de Montfort dont le menhir de Coulon et la légende qui s’y rapporte.— ORESVE, abbé Félix Louis Emmanuel, Histoire de Montfort et des environs, Montfort-sur-Meu, A. Aupetit, 1858, Voir en ligne. —
Une tradition singulière rapporte que lorsqu’on bâtissait le château de Montfort, une fée portait cette pierre dans sa devantière en filant sa quenouille, et que les filets s’étant rompus, la pierre tomba et fut abandonnée là. D’un petit volume, elle pourrait bien être un peulvan dont le sommet aurait été brisé ; elle paraît assise sur un tas de petits cailloux concassés, tels qu’on en voit à Locmariaquer et à Carnac.
En 1896, Félix Bellamy, reprenant la citation de l’abbé Oresve, évoque à son tour cette légende 1.
1895 — Édouard Vigoland
Édouard Vigoland donne une version amplifiée de la légende de la pierre de Coulon, tombée du tablier d’une fée, dans son ouvrage sur Montfort paru en 1895.— VIGOLAND, Edouard, Montfort-sur-Meu : son histoire et ses souvenirs, Rennes, Hyacinthe Caillière, 1895. [pages 194-195] —
La version intégrale d’Édouard Vigoland
La lisière de cette forêt, Lasnière, était disaient les anciens, le séjour privilégié des fées du bon vieux temps. Demandez-le aux vieillards, et ils vous raconteront qu’elles ont aidé à construire le château de Montfort. On exécutait alors des travaux si gigantesques que le seigneur du pays, découragé, crut un instant qu’il ne pourrait les achever. Mais heureusement il avait, comme en ces temps lointains, une bonne fée pour marraine. Elle était belle, habile, quoique un peu distraite, ce qui ne surprend pas. Chaque soir, elle apportait dans les plis de sa longue robe une énorme pierre qu’elle plaçait elle-même, et les travaux, dit-on, avançaient à vue d’œil.
Or, un soir d’été, elle traversait rapidement, comme à son habitude, la vallée du Meu, quand elle aperçut vers l’abbaye, la lueur vacillante des cierges dans les jardins du monastère. Les chants qu’elle entendit lui parurent si beaux, qu’elle écouta malgré elle. Rêveuse et distraite, elle voulut voir, mais elle s’oublia dans sa contemplation... et la pierre... s’échappa de sa robe... Depuis lors, nul ne revit plus la petite fée de Lasnière, et ce fut avec peine que l’on acheva les travaux du château.
Si vous doutez de la légende, demandez aux anciens de vous la raconter, et ils vous diront gravement que la pierre était naguère encore visible sur le chemin même de l’abbaye, et ils recommenceront pour vous l’histoire de la fée, qui se perdit, hélas ! parce qu’elle était fille d’Eve et qu’elle aussi fut curieuse une fois de trop en sa vie.
Un commentaire sur la version d’Édouard Vigoland
La légende de la pierre perdue par la fée lors de la construction du château de Montfort est initialement associée au menhir de Coulon. La version d’Édouard Vigoland, qui ignore cette association, crée l’ambiguïté sur la localisation de la pierre perdue. La fin de la légende évoque une pierre naguère encore visible sur le chemin même de l’abbaye
, probable référence à un autre mégalithe, détruit vers 1850, la Pierre Longue de l’abbaye.
La version d’Édouard Vigoland de la légende de Coulon est reprise par Jean-Pierre Ducloyer dans son ouvrage sur Montfort paru en 2019. Ce dernier en donne une synthèse intitulée La fée de la pierre de l’abbaye
. Il dissocie lui aussi cette légende du menhir de Coulon initialement cité par Paul de la Bigne de Villeneuve et l’abbé Oresve.
Cette pierre oubliée serait la partie supérieure d’un menhir qu’un habitant de Breteil a retrouvé en 1989 dans un fossé près du village de Magois.
Une version de Xavier Lesèche
Une autre version de la légende du menhir de Coulon a été créée par le conteur Xavier Lesèche. Elle est reprise dans un article de la revue de l’Écomusée de Montfort daté de 1994. — ROBERT, Philippe, « Les mégalithes à Montfort ou proximité », Glanes en pays pourpré, Vol. 36, 1994, p. 6-11. —
Cette version est l’objet d’une adaptation par Jean-Pierre Ducloyer 2
dans son ouvrage sur Montfort paru en 2019. — DUCLOYER, Jean-Pierre, Montfort : une petite ville en Bretagne, Vol. 2, Montfort-sur-Meu, autoédition, 2019. 2 vol. [ page 10] —
1994 — La version intégrale de Xavier Lesèche
Il était une fois une fée qui avait enterré son trésor au pied du menhir de Vaussavelin en Iffendic. Elle décida de le transférer à Montfort. Toutes les nuits, elle en transportait une partie dans son tablier. Comme toutes les fées, elle avait bien sûr des pouvoirs magiques et elle se déplaçait dans les airs. Un homme demeurant au village de la lande de Coulon la voyait passer ainsi tous les soirs et il s’en étonnait.
Un soir enfin, il se décida à lui parler
— Bonsoir, Noble Fée
— Bonsoir, mon brave
— Oh, vous semblez porter un bien lourd fardeau.
— Bien lourd en effet, mais il faut que je le fasse.
— Je pourrais peut-être vous aider ?
— Oh non, aucun homme ne peut toucher au trésor des fées ! laissa échapper la fée.
Saisi alors d’une idée diabolique, l’homme n’insista pas.
— Alors tant pis ! je vous souhaite un chemin aisé.
— Merci mon brave
Notre homme était avare et envieux. Il se dit qu’en dissimulant adroitement un filet entre les arbres il arriverait bien à capturer la fée et à s’emparer du trésor. Il passa la journée à préparer son piège. Le soir venu, il se dissimula sous les buissons. Déjà, il se frottait les mains et croyait voir l’or couler entre ses doigts.
De son vol léger, la fée arriva. Elle se sentit prise dans le piège et comprit le traquenard : « Par mon pouvoir magique, que cet or se transforme en pierre ! » s’écria-t-elle. La pierre ainsi créée écrasa l’individu malfaisant. Cette pierre est toujours visible sur le chemin de la lande de Coulon.