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1929

Le Val sans Retour

Un roman de Rachilde et de Jean-Joë Lauzach

Le Val sans Retour est un roman de Jean-Joë Lauzach et de Rachilde, publié en 1929.

Un roman écrit à deux mains

Le Val sans Retour est un roman écrit à deux mains par Rachilde et Jean-Joë Lauzach. Il est publié aux éditions parisiennes G. Crès & Cie en 1929.

Le Val sans Retour de Rachilde et Jean-Joë Lauzach
—  RACHILDE, et JEAN-JOË LAUZACH, Le Val sans Retour, Paris, G. Crès & Cie, 1929, 238 p., (« La Moisson »), Voir en ligne. —

1860-1953 — Rachilde

Rachilde est le pseudonyme choisi par Marguerite Eymery pour signer plus de soixante-cinq ouvrages publiés entre 1877 et 1947. Cofondatrice du Mercure de France avec son mari Alfred Vallette en 1893, elle est une figure majeure du monde littéraire français jusqu’à 1925. Cette année-là, elle met un terme à son activité critique comme collaboratrice du Mercure de France responsable de la rubrique "Les romans" créée tout spécialement pour elle, en 1896, par son époux.. —  CANOVAS, Frédéric, « Chats perdus et chiens enragés » : Rachilde mémorialiste », Critiquer au féminin au XIXe siècle, Fabula, 2023, Voir en ligne. —

Passée au second plan à la fin des années 20, l’œuvre de Rachilde tombe dans l’oubli jusqu’à sa redécouverte dans les années 1990.—  SANCHEZ, Nelly, « Rachilde, critique littéraire au Mercure de France », Femmes et critique(s) Lettres, Arts, Cinéma, Presses universitaires de Namur, 2009, Voir en ligne. —

1897-1983 — Jean-Joë Lauzach

Ange Jacques Malo Bossard, dit Bossard du Clos est né le 29 août 1897 à Saint-Malo (Ille-et-Vilaine). Il est apparenté à la famille Bossard du Clos propriétaires du château du Bois-de-la-Roche (Morbihan) de 1885 à 2005.

En 1915, âgé de 18 ans, il devance l’appel sous la pression de son père et se porte volontaire pour combattre dans l’armée française.

Musicien et poète dans les années 20, il publie des romans sous le pseudonyme de Jean-Joë Lauzach, patronyme emprunté au nom d’un village du Morbihan situé à proximité de Questembert. Remarqué par Rachilde, il est édité au Mercure de France pour son roman Le jardin de Jacquinot en 1928.—  JEAN-JOË LAUZACH, Le jardin de Jacquinot, Paris, Mercure de France, 1928. —

Il collabore une seconde et dernière fois avec Rachilde pour leur roman L’aérophage publié en 1935. —  RACHILDE, et JEAN-JOË LAUZACH, L’aérophage, Paris, les Ecrivains associés, 1935, 191 p. —

Jean-Joë Lauzach meurt le 20 juin 1983 à Paris.

Une double écriture

À partir de 1923, à la recherche d’un succès qui s’estompe, Rachilde multiplie les collaborations avec de jeunes hommes de lettres 1.

Et même si elle cherche des sujets toujours plus racoleurs, sa prose est de plus en plus mal accueillie par la critique, et de plus en plus difficilement rééditée. Rachilde a bien compris qu’elle ne pourra plus revenir seule sur le devant de la scène littéraire aussi multiplie-t-elle les collaborations.

SANCHEZ, Nelly, Images de l’homme dans les oeuvres romanesques de Rachilde et de Colette, Université Michel de Montaigne, 2001, 360 p., Voir en ligne. [page 42]

Après avoir écrit avec Francisco de Homem Christo (1860-1943) en 1923 et 1927 2, puis André David (1899-1988) 3 en 1928, elle entame une collaboration avec Jean-Joë Lauzach pour le Val sans Retour.

Rachilde évoque dans sa préface le procédé utilisé pour l’écriture de ce roman à deux mains.

Jean-Joë Lauzach, l’auteur du « Val sans Retour ». Je ne dis pas mon collaborateur, car je n’ai fait, dans ce roman, qu’indiquer une marche à suivre, me semblant plus dans les moyens de ses réalisations que les psychologies compliquées, les états d’âmes à la mode chez les snobs de notre époque.

RACHILDE, « Préface », in Le Val sans Retour, Paris, G. Crès & Cie, 1930, (« La Moisson »), p. I-IX, Voir en ligne. [page VI]

Brocéliande dans le roman

Le Val sans Retour est un roman régional empreint de fantastique dont l’intrigue est centrée dans le Tréhorenteuc de la fin des années 20.

Il regarda l’horizon, puis, derrière lui, il aperçut le clocheton de Tréhorenteuc, le village des sorciers et des rebouteux, dont les rues sont de petites rivières bordées d’un minuscule trottoir.

Rachilde et Jean-Joë Lauzach (1929) op. cit. p. 14

Le personnage principal, Jean Trégor, avocat au barreau de Brest, est tiraillé entre une vie professionnelle et mondaine dénuée de signification et des aspirations à l’art et à la musique. Venu en forêt de Brocéliande pour visiter le Val sans Retour, il rencontre Marie Ragon de la Sallute, vieille femme mystérieuse dans l’attente d’un héritier à qui transmettre ses connaissances spirituelles.

Le roman de Rachilde et Jean-Joë Lauzach oscille entre une perception réaliste de son époque et un monde dans lequel le surgissement du fantastique est encore possible. Le Val sans Retour y est mis en scène comme le lieu du passage, du basculement dans le monde du fantasme, du cauchemar, de la transgression ou de l’initiation spirituelle.

Manoirs et châteaux de légende

Charles le Goffic (1863-1932) évoque Le Val sans Retour dans son dernier ouvrage, Brocéliande, paru à titre posthume. L’académicien écrit apprécier dans ce roman la mise à distance du légendaire arthurien au profit des légendes populaires propres à la région de Paimpont.—  LE GOFFIC, Charles et DUPOUY, Auguste, Brocéliande, La Renaissance du Livre, 1932, (« L’épopée de la Terre de France. »). —

Ce roman qui parut il y a trois ans sous la double griffe de Rachilde et de Jean-Joë Lauzach - Breton de Ploërmel, si je ne m’abuse - c’est « Le Val sans retour », Brocéliande encore, une Brocéliande légendaire et réelle, où il me semble reconnaitre davantage le frémissement de nos feuillées, le silence de nos landes, l’inquiétude de nos chaumières.

Le Goffic Charles (1929) op. cit. p. 16-17

Deux légendes de la forêt de Paimpont sont particulièrement mises à l’honneur dans ce livre, une légende du manoir de Gurwan en Tréhorenteuc et celle de la mariée du château de Trécesson en Campénéac.

Le manoir de Gurwan

Marie Ragon de la Sallute - patronyme inspiré de celui des Magon de La Balüe, châtelains du Bois-de-la-Roche - vieille femme rencontrée dans le Val, mène Jean Trégor dans sa demeure hors du temps, le manoir de Gurwan.

[...] au détour d’une haie, apparut le porche monumental de Gurwan, flanqué de sa tourelle, dans son galbe inaltérable de vieux château héroïque.

Rachilde et Jean-Joë Lauzach (1929) op. cit. p. 21-22

Le manoir, comme toute la contrée est habité par des légendes qui y maintiennent une atmosphère fantastique.

Les restes curieux d’un vieux manoir Louis XIII avec ses machicoulis, ses meurtrières, ses toits à pans de coupés et son immanquable légende à lui aussi. Maintes fois on lui avait raconté que certaines nuits sans lune on entendait le roulement d’une chaise de poste et le galop des chevaux sur la route ; juste devant le porche de Gurwan, l’attelage faisait halte, et les paysans des chaumières voisines, transis de peur, blottis sous leurs couettes, entendaient cet étrange appel qui se répétait trois fois dans le silence nocture, et auquel aucun écho ne répondait :
— Monsieur de Ker-Kado est-il là ? ...
Puis c’était à nouveau le galop des chevaux, et le roulement de la voiture qui s’éloignait dans la campagne.

Rachilde et Jean-Joë Lauzach (1929) op. cit. p. 21-22

Le château de Trécesson

Parcourant la région dans tous les sens au volant de sa voiture, Jean Trégor se rend au château de Trécesson sur lequel plane une des légendes charmeuses de la région, la légende de la mariée de Trécesson.

Peu après l’époque de la Révolution, un drame obscur avait eu comme décor le petit château si paisible maintenant ; cela s’était passé en dehors des larges douves, au cours d’une nuit de pleine lune, dans le verger voisin, au moment précis où le jardinier y cueillait des fruits en maraude. Le bruit d’un carrosse roulant précipitamment et qui s’arrêta brusquement de l’autre côté du mur, le fit se nicher dans un pommier touffu qui le dissimulait. Alors, il vit des hommes masqués franchir la clôture, puis d’autres hommes restés du côté du chemin leur passèrent une longue forme blanche qui se débattait éperdument. Ce fantôme blanc, d’un bleu livide sous la lune, était une femme en toilette de mariée, bâillonnée et ligotée.

RACHILDE, et JEAN-JOË LAUZACH, Le Val sans Retour, Paris, G. Crès & Cie, 1929, 238 p., (« La Moisson »), Voir en ligne. [pages 41-42]

Le Val sans Retour

Le Val sans Retour est - comme le titre l’indique - au centre de l’intrigue romanesque. Jean Trégor s’y rend comme un touriste venu visiter un site dont il a entendu parler, parce que c’était à voir. — Rachilde et Jean-Joë Lauzach (1929) op. cit. p. 6 —

Mais le site touristique et ses légendes arthuriennes, évoqués dans le second chapitre, sont très vite évacués au profit de descriptions du Val en tant qu’autre monde séparé du reste du monde. La nature, sauvage, presque hostile, vit sa vie en propre, à l’écart du temps des humains.

Il atteignit le sommet de cette colline et, en face, à peine séparée par une raie noire qu’on eut dit un ruban de velours, une autre colline se montrait comme à portée de la main... et c’était encore les mêmes ajoncs d’or hérissés d’épines de fer, les mêmes mousses grises, puis encore des pins, des sapins clairsemés qui fuyaient sous la gaze verte des hautes herbes ou des branches duvetées de leur premiers bourgeons. Mais il y avait une coupure, une faille entre les deux collines et, à pic, tombaient, pêle-mêle, des rochers, des pierres noires, des ardoises bleues, de plus en plus bas, de plus en plus petites, s’écrasant jusqu’à l’eau ténébreuse d’une rivière immobile, ou celle d’un lac étroit, une bande terne d’étain fondu qu’on ne voyait pas couler, qui ne faisait pas de bruit. C’était l’endroit mystérieux qu’on appelait le Val-sans-Retour.

Rachilde et Jean-Joë Lauzach (1929) op. cit. p. 7-8

Au fil du roman, le Val prend une aura d’étrangeté de laquelle Jean Trégor n’arrive plus à s’arracher.

Je n’ai jamais rien vu de plus étrange que cet endroit, disait Jean Trégor à la dame de Gurwan en désignant, très loin au dessous-d’eux le Val-sans-Retour, où la verdure des arbres semblait de cette hauteur un mystérieux liquide figé en plein bouillonnement .[...] Je voudrais maintenant vivre ici, madame Ragon, au centre de cette paix somptueuse, dans ce silence chargé de souvenirs, en m’assimilant à tout ce prodigieux décor avant de me mélanger un jour à la terre qui le porte...

Rachilde et Jean-Joë Lauzach (1929) op. cit. p. 72-73

Les incendies

Un incendie embrase les landes surplombant le Val sans Retour, amplifiant l’atmosphère fantastique et dramatique de l’intrigue. Causé par les tirs d’artillerie du camp de Coëtquidan, il contraste avec l’intemporalité sauvage du Val sans Retour et ancre le récit dans son époque, celle de l’après guerre 14-18.

Jean Trégor, silencieux, est là qui regarde au loin l’horizon, où une lueur rose s’affirme, s’empourpre et se précise de languette d’or, gros joyau serti entre des griffes mouvantes. Ce feu, là-bas, est un incendie de forêt en pleine Brocéliande, un des accidents quasi quotidiens à l’époque des tirs d’entrainement (écoles à feu !) qui ont lieu tous les étés au camp de Coëtquidan. Celui-là flambe depuis trois jours, s’étalant invincible et vorace, barrant l’espace d’une fumée grise très dense. Pendant la journée, Jean Trégor a facilement situé l’endroit du sinistre à l’aide de jumelles. L’embrasement a lieu au-dessus du Val sans Retour, dans la direction de l’Ouest, mais il n’y a aucun danger à craindre pour [Le manoir de] Gurwan et ses habitants, aussi leur ami contemple-t-il cette nappe de feu sans trop s’inquiéter. En plein jour, cela a l’air d’une ville qui flambe, et il se souvient avoir eu cette même vision pendant la guerre : se dressant, immense et lugubre en rideau gris frangé de pourpre et d’or : l’incendie de Noyon. L’homme œuvre comme il peut !

Rachilde et Jean-Joë Lauzach (1929) op. cit. p. 121-122

Jean-Joë Lauzach, marqué par son expérience de la guerre est à dix-huit ans précipité dans les tranchées, dans la boue affreuse que vous savez, parce que son père n’avait pas compris, faisant la guerre lui-même, que son fils ne fut pas un des premiers à devancer l’appel : Bretagne oblige ! Rachilde voit en lui un mouton enragé qui proteste contre l’abattoir dont il est sorti à peu près indemne. Le Val sans Retour ravagé par les incendies ranime en lui les cauchemars de la guerre.—  RACHILDE, « Préface », in Le Val sans Retour, Paris, G. Crès & Cie, 1930, (« La Moisson »), p. I-IX, Voir en ligne. [page VII] —

Grâce à trois jours de pluie continue, le feu fut éteint et Brocéliande délivrée du fléau ravageur. Sous le clair de lune, le Val sans Retour, presque entièrement brûlé, paraissait recouvert d’un énorme crêpe. De place en place, dans le creux de la vallée, émergaient des troncs calcinés, lugubres jalons charbonneux parsemés le long de ce chemin autrefois paradisiaque. [...] Le Val portait le deuil de son charme de vie ; un charme de mort et d’anéantissement lui succédait. Dans ce décor d’enfer, tout devenait si sombre qu’au-dessus la nuit en était livide. Au milieu de cette désolation, Jean Trégor allait, effritant sous ses pas des brindilles cendreuses, des morceaux de branches cassées, brûlées, déchiquetées, aux formes d’os saillant, sous des chairs rongées. Une odeur montait de ce charnier de plantes, de cette incinération sans limite, un relent âcre de mort végétale qui serrait la gorge.

Rachilde et Jean-Joë Lauzach (1929) op. cit. p. 158-159

Le loup-garou

Le blou ou loup-garou, au cœur de l’intrigue principale, est le thème fantastique dominant du roman.

[...] cette aventure d’homme loup a de l’accent, ce fantastique ne m’est pas étranger, et je le trouve opportunément discourtois, ce vieux lai de « Bisclaveret » auquel les auteurs ont fait le meilleur sort.

LE GOFFIC, Charles et DUPOUY, Auguste, Brocéliande, La Renaissance du Livre, 1932, (« L’épopée de la Terre de France. »). [page 16-17]

Cherchant des explications à sa rencontre nocturne avec un homme-loup dans le Val sans Retour, Jean Trégor questionne la propriétaire du manoir de Gurwan. Cette dernière lui révèle que ce loup-garou n’est autre que son neveu Gilles, innocent du village de Tréhorenteuc hanté par une malédiction familiale.

Il n’y a pas d’animal plus féroce que l’homme. Celui que vous avez vu fuir l’autre jour dans la nuit était, à n’en pas douter Gilles ; le loup qui hurlait et « l’innocent » jaloux ne faisaient qu’un !
— Vous comprendrez mieux la terreur de Gaude à l’évocation de ces choses pénibles et ma propre répugnance à les raconter lorsque vous saurez que Gilles et Gaude sont cousins, descendants comme moi d’une même lignée maudite, engendrée voilà près de trois siècles, par un évêque de Vannes, infidèle à ses vœux et marié. L’innocent et la petite muette sont ses derniers louveteaux !

Rachilde et Jean-Joë Lauzach (1929) op. cit. p. 146-147

Comme dans nombre de ses romans, Rachilde aime à parsemer son œuvre de nombreux éléments autobiographiques. On retrouve ici ses origines familiales fantasmées autour du délire liant sa mère à la lycanthropie .

Rachilde reprend et amplifie à loisir toute une imagerie propre à sa famille [...] avec aussi l’évocation du sort réservé aux prêtres qui avaient pris femme et sur lesquels s’abattait, poursuivant « jusqu’à la cinquième génération » les familles qui comptaient parmi leurs membres un prêtre défroqué. [...] La mère de Rachilde, qui achèvera sa vie dans un asile d’aliénés de la région parisienne, entendait, au Croc, si on en croit sa fille, les hurlements de ses ancêtres transformés en loups-garous pour avoir fauté à la Révolution. [...] « La fille du louvetier » retrace une de ces battues en mêlant la réalité à un fantastique qui prend sa source dans les propos que lui tenait sa mère : « Fais ce que tu voudras, Marguerite, tu n’échapperas jamais à la malédiction qui pèse sur nous. Tu es la dernière des loups-garous, et tu feras le malheur de tous ceux qui t’approcheront. »

SILVE, Edith, « Le troisième sexe », in Alfred Jarry : Le surmâle de lettres, 1928, ‎ Arléa, 2007, p. 7-23. [pages 9-10]

Initiation dans le Val sans Retour

Alors que Jean Trégor cherche dans la nature sauvage du Val sans Retour une réponse à son mal être existentiel, Marie Ragon lui propose un dépassement intérieur.

— C’est peut-être bien ici, au milieu de ce chaos splendide et désert que l’on pourrait trouver le bonheur de vivre. Ma part à moi, c’est la cohue des villes, la vaine rumeur des foules agitées loin de toute paix.
Il se tut, redevenu triste devant le prodige immobile du décor qui les entourait puis il conclut :
— Oui, le bonheur doit être ici !
— Il n’y a pas d’endroits de bonheur, trancha Marie Ragon, le bonheur est un état que l’on transporte avec soi comme un vase d’or sur sa tête !

Rachilde et Jean-Joë Lauzach (1929) op. cit. p. 80-81

Au cours d’un rendez-vous, le samedi de la nouvelle lune, à neuf heures du soir, sur la crête de Rocco, Marie Ragon lui révèle les connaissances transmises dans sa famille par la parole, de génération en génération depuis des siècles. Reconnaissant en Jean l’enfant qui lui a toujours manqué, elle l’initie aux mystères des bardes.

Je vous demande d’être, ainsi que je le suis, l’un des maillons d’une chaine qui remonte dans le temps, au-delà de deux mille ans. Les bardes d’alors étaient initiés par les druides ; vingt siècles plus tard, j’ai le droit, j’ai le devoir envers vous qui êtes prédestiné à grandir, de vous faire hériter de leur étrange et lourde science.

Rachilde et Jean-Joë Lauzach (1929) op. cit. p. 163

A l’issue de cette initiation Jean Trégor peut quitter la Bretagne et vivre sa vie de musicien, habité par les révélations de son initiation druidique.

Après un dernier adieu, il la quitta et s’engagea sur la route qui passait par le Val. Sitôt qu’il fut seul, la nuit le surprit, comme par enchantement, mais il continua à avancer dans l’ombre en suivant ce rude chemin montant dont elle lui avait révélé l’existence.

Rachilde et Jean-Joë Lauzach (1929) op. cit. p. 196

Charles le Goffic, connaisseur de Brocéliande et critique averti, voyait déjà dans cette conclusion bardique du roman sa principale faiblesse.

Un peu trop de bardisme peut-être et de druidisme. J’ai goûté cela : j’en reviens.

LE GOFFIC, Charles et DUPOUY, Auguste, Brocéliande, La Renaissance du Livre, 1932, (« L’épopée de la Terre de France. »). [page 16-17]

Bibliographie

CANOVAS, Frédéric, « Chats perdus et chiens enragés » : Rachilde mémorialiste », Critiquer au féminin au XIXe siècle, Fabula, 2023, Voir en ligne.

SANCHEZ, Nelly, Images de l’homme dans les oeuvres romanesques de Rachilde et de Colette, Université Michel de Montaigne, 2001, 360 p., Voir en ligne.

SANCHEZ, Nelly, « Rachilde, critique littéraire au Mercure de France », Femmes et critique(s) Lettres, Arts, Cinéma, Presses universitaires de Namur, 2009, Voir en ligne.

SANCHEZ, Nelly, « Francisco de Homem Christo, le poussin fasciste de Rachilde », Reflexos, 2019, Voir en ligne.

SILVE, Edith, « Le troisième sexe », in Alfred Jarry : Le surmâle de lettres, 1928, ‎ Arléa, 2007, p. 7-23.

Œuvres de Jean-Joë Lauzach et Rachilde

RACHILDE, et JEAN-JOË LAUZACH, Le Val sans Retour, Paris, G. Crès & Cie, 1929, 238 p., (« La Moisson »), Voir en ligne.

RACHILDE, et JEAN-JOË LAUZACH, L’aérophage, Paris, les Ecrivains associés, 1935, 191 p.

Œuvres de Rachilde

RACHILDE, Alfred Jarry : Le surmâle de lettres, 1928, ‎ Arléa, 2007, 172 p.

Œuvres de Jean-Joë Lauzach

JEAN-JOË LAUZACH, Les jeunes filles mortes, Paris, Essor belge, 1928.

JEAN-JOË LAUZACH, Le jardin de Jacquinot, Paris, Mercure de France, 1928.

JEAN-JOË LAUZACH, La Maîtresse blanche, Paris, J. Ferenczi et fils éditeurs, 1929, 223 p.

LAUZACH, Jean-Joë, « Enquête entre deux slips », Jazz, 1931, p. 9-10.

JEAN-JOË LAUZACH, Mademoiselle de Rocaulion affranchie, Paris, les Ecrivains associés, 1932.

JEAN-JOË LAUZACH, Les cris de la nuit, Paris, sans date.


↑ 1 • En 1884, elle collabore avec Francis Talmann pour l’écriture d’un roman érotique intitulé Monsieur Vénus. Par la suite, elle coécrit avec Francisco de Homem Christo - Le Parc du mystère (1923) et Au seuil de l’enfer (1927) - André David - Le Prisonnier (1928) - Nel Haroun - Mon Étrange plaisir (1934) - et Jean-Joë Lauzach - Le Val sans Retour (1929) et L’aérophage (1935) - à qui elle fait profiter de sa notoriété et de son entregent
—  RACHILDE, Monsieur Vénus / Madame Adonis, Paris, Gallimard, 2024, 512 p., (« Folio »). —.

↑ 2 • Rachilde a coécrit deux romans avec Francisco de Homem Christo - Le Parc du mystère (1923) et Au seuil de l’enfer (1927). Figure mal connue de la scène européenne de l’entre-deux-guerres, il défraye la chronique portugaise et française par ses frasques politiques et journalistiques. Anarchiste, royaliste puis fervent admirateur de Mussolini, rédacteur en chef, éditeur, conférencier… Homem Christo est également un proche de Rachilde dont il fréquente le salon au Mercure de France. —  SANCHEZ, Nelly, « Francisco de Homem Christo, le poussin fasciste de Rachilde », Reflexos, 2019, Voir en ligne. —

↑ 3 • Rachilde a collaboré avec André David (1899-1988) pour l’écriture de leur roman Le Prisonnier, paru en 1928.

Né et décédé à Paris, André David est le fils de Jean-Jacques Edgard David, négociant en pierres précieuses, et de Goldina Grunberg. Après des études de lettres, il se consacre à une carrière littéraire. Auteur de poésie, roman, essai et critique il entretient des relations amicales avec Geneviève Tabouis et de Paul Léautaud. Également peintre, il expose dans les années 1930 à la galerie Bernheim-Jeune ainsi qu’à la galerie Alfred Poyet. Il fonde en 1931 les "Conférences des Ambassadeurs", dont l’objectif est de faire rayonner la culture française en Europe et aux États-Unis. Au début de la Seconde Guerre mondiale, André David s’expatrie en Amérique, la Gestapo étant venue l’arrêter à deux reprises. De 1941 à 1945, il dirige l’Institut français créé par Charles Boyer à Hollywood. De ces années datent aussi les versions françaises des six films documentaires de Frank Capra et Anatole Litvak, commandités par le ministère états-unien de la Guerre aux services cinématographiques, sous le titre général Pourquoi nous combattons. Après la guerre, il devient producteur d’émissions radiophoniques et critique dramatique. Il codirige avec son frère Guy David et Jean Epstein la Collection des grands discours français et internationaux.