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1824

La Mariée de Trécesson

Légende, conte et croyance

La légende de la Mariée de Trécesson a été l’objet de nombreuses publications. Dès la première parution en 1824, elle apparait comme inspirée d’une histoire locale véridique. Elle a par la suite pris des formes littéraires diverses, poésie, épisode romanesque ou conte populaire. Progressivement incorporée aux traditions de la forêt de Paimpont, cette légende sans lien avec l’imaginaire arthurien a inspiré un culte des reliques ainsi que la croyance en une « Dame blanche » hantant les abords du château.

Une première publication en 1824

La première version de la légende de la Mariée de Trécesson a été publiée en 1824 dans la revue romantique nantaise le Lycée Armoricain. Son auteur, qui signe sous le pseudonyme de A., écrit l’avoir collectée auprès du concierge du château.

[...] cet antique manoir est moins célèbre aujourd’hui par les tournois et les faits d’armes dont, sans doute, il a été le théâtre, que par le souvenir d’un événement extraordinaire dont la tradition subsiste encore parmi les habitans du pays. Le voici tel qu’un vieux concierge me l’a raconté.

Selon ce récit anonyme, le seigneur de Trécesson était un homme bienveillant pour ses vassaux. Il existait cependant une exception à sa bonté concernant la chasse pour laquelle il était dur et inflexible. Une nuit, un braconnier embusqué dans le parc du château entendit un bruit qui le mit sur ses gardes. Il jeta précipitamment son fusil et grimpa dans un arbre. C’est alors qu’il aperçut une voiture attelée de deux chevaux noirs et suivie de plusieurs domestiques portant des flambeaux. Le cortège s’arrêta et des hommes se mirent à creuser une fosse. Deux gentilshommes sortirent de la voiture et en firent violemment descendre une jeune femme vêtue d’une robe de soie blanche, la tête couronnée de fleurs et portant sur son sein un bouquet. Les deux hommes la poussèrent ; les yeux pleins de larmes et d’effroi, la jeune femme les suppliait en les appelant « frères ».

— Que me voulez-vous, disait-elle, et pourquoi m’avez vous conduite ici ?
— Vous le saurez , Madame.
— La solitude et l’obscurité de ces lieux m’épouvantent.
— Nous y sommes avec vous.
— Pourquoi cet appareil lugubre ? Mes frères , mes amis, ne me faites point de mal.
— Vos frères ; non. Madame, nous ne le sommes plus ; vous avez cessé d’appartenir à une famille que vous déshonorez.
— Au nom de Dieu, ne me tuez pas. Faut-il mourir si jeune ! Au moment d’atteindre au bonheur, ah ! que la mort est affreuse !
— II faut pourtant vous y décider , Madame ; les pleurs sont inutiles , votre heure est venue : il ne vous reste plus qu’a mourir.
— Arrêtez, de grâce arrêtez ; un moment, un seul moment pour m’y préparer !
— Il n’est plus tems : cessez vos plaintes, nous n’avons pas le loisir de les écouter.

Anonyme (1824) op. cit., p. 7

Après ce dernier échange, elle fut précipitée dans la fosse et recouverte de terre. L’attelage et ses domestiques s’éloigna et le silence revint sur le parc du château. Le braconnier encore effrayé par la scène qu’il venait de voir n’osa secourir la jeune femme. Il rentra précipitamment chez lui, raconta son incroyable aventure à sa femme qui lui reprocha sa lâcheté. Les époux se rendirent sur les lieux du crime mais, pris à nouveau de terreur, se résolurent à alerter le seigneur de Trécesson. Les portes du château étaient closes et après un long moment ils purent parler au concierge qui réveilla le seigneur. Ils exposèrent les faits à M. de Trécesson qui s’empressa de se rendre sur les lieux afin de secourir la jeune femme. Les gens du château la déterrèrent et un court moment l’espoir de la sauver courut dans l’assistance. Elle poussa un long soupir et trépassa dans l’instant.

La Mariée de Trécesson
— CALVEZ, Léone et CAOUISSIN, Herri, Légendes de Bretagne pour la jeunesse, Pleyber-Christ, Ronan, 1937 —

Le texte du Lycée Armoricain présente l’histoire de la Mariée de Trécesson comme un fait historique qui se serait déroulé quelques années avant la Révolution.

Attendri par son malheur et sa beauté, M. de Trécesson donna des larmes à cette jeune inconnue, et, ne pouvant témoigner autrement l’intérêt qu’il prenait à son sort, il lui fit rendre les honneurs funèbres, avec une pompe digne du rang qu’elle paraissait avoir occupé dans le monde. Après s’être acquitté de ce premier devoir, il mit tout en œuvre pour en accomplir un second qui lui semblait aussi sacré, et il n’épargna ni soins, ni démarches pour découvrir les meurtriers, afin de venger la victime ; mais toutes ses recherches furent inutiles, on ne put savoir ni le nom de cette jeune dame qui avait disparu d’une manière si étrange, ni la cause du sort cruel qu’on lui avait fait subir, et, jusqu’à ce jour, cet événement extraordinaire est resté enveloppé de ténèbres impénétrables. Cependant, le souvenir s’en est perpétué par des signes certains. M. de Trécesson avait consacré à l’ornement de la chapelle du Château, la robe nuptiale, le bouquet et la couronne de fleurs de la jeune fiancée, et jusqu’au moment de la révolution, ils sont demeurés sur l’autel, exposés à tous les regards.

Anonyme (1824) op. cit., p. 9

On peut cependant se demander si les « preuves matérielles » avancées à la fin du texte ne sont pas des artifices littéraires créés pour donner plus de vraisemblance à un conte qui présente toutes les caractéristiques du « roman gothique ».

1829-1834 — Poésies romantiques

La légende de Trécesson a inspiré trois poèmes romantiques. Le premier est l’œuvre de l’écrivain Ernest Fouinet. Les deux autres sont des œuvres de jeunesse de Jules du Boisbaudry et d’Alphonse Guérin.

1829 — La forêt de Trécesson

Ernest Fouinet (Nantes, 1798 - Paris, 1845) romancier, poète et collaborateur du Lycée Armoricain, est l’auteur d’une version versifiée de la légende. Ce poème, composé de vingt-huit couplets de huit vers chacun, parut en 1829 dans La Psyché, revue romantique parisienne. —  FOUINET, Ernest, « La forêt de Trécesson », La Psyché, Vol. 9, 1829, p. 24-36, Voir en ligne. —

Dans la chapelle du manoir
La messe célébrée,
Son corps fut sous un marbre noir
Mis en terre sacrée.

En trophée on mit sur l’autel
Sa robe nuptiale :
Un ange emporta dans le ciel
Son âme virginale.

1833 — Le Val de Trécesson

Jules du Boisbaudry (Augan, 1808 - Rennes, 1834), étudiant en droit à Rennes, est l’auteur d’une ballade de dix-sept strophes de six vers en alexandrins, intitulée Le Val de Trécesson. Ce poème, daté du 25 janvier 1833, a été retrouvé parmi d’autres poésies manuscrites dans l’appartement de la rue Bourbon à Rennes au moment de sa mort.

Au plus épais du bois, sans tarder davantage,
Le bûcheron se cache en un tas de feuillage
Et la troupe bientôt s’arrête près de lui.
En voyant des poignards briller à leur ceinture,
Le malheureux tremblait sous son faix de verdure : il était mort s’il avait fui.

De leur haut destrier les seigneurs descendirent,
Et sans paraitre émus l’un à l’autre se dirent :
« Assouvissons ici notre longue fureur » ;
« Dans ce vallon désert il faut qu’elle succombe » ;
« Nul ne saurait nous voir ; creusons ici la tombe »
« Et passons-nous du fossoyeur. »

Le Marquis de Bellevüe a publié une version intégrale de cette ballade en 1913. —  BELLEVÜE, Xavier de, « Château de Trécesson, histoire, seigneurs, légendes », Revue Morbihannaise, Vol. 17, 1913, p. 5-32. —

1834 — La Légende de Trécesson

Alphonse Guérin (Ploërmel, 1816 - Paris, 1895) est l’auteur de La Légende de Trécesson, longue poésie romantique composée à l’âge de 18 ans, son seul poème connu à ce jour.

[...]
« Au secours ! au secours ! Ah ! je meurs innocente.
Je vous le dis, bourreau, la vengeance est bien lente, Craignez-la cependant ! Oh ! lâche ! Dieu puissant,
Nul ne m’entendra donc et ma plainte dernière
Ne pourra trouver un seul écho sur terre. »
Elle pleure, elle saigne, et se traine en hurlant
Aux pieds de son bourreau, qui sans un mouvement, La regarde, froid, sombre et tout à sa vengeance.
Soudain un cri strident traverse le silence
De la nuit et du bois, le cruel chevalier
Sent son cheval fléchir ses jarrets d’acier. [...]

Le Marquis de Bellevüe a publié une version intégrale de ce poème en 1913. —  BELLEVÜE, Xavier de, « Château de Trécesson, histoire, seigneurs, légendes », Revue Morbihannaise, Vol. 17, 1913, p. 5-32. —

1840-1900 — Le succès d’une légende

Dès le début des années 1840, la légende de la Mariée de Trécesson est reprise et commentée par des auteurs allant bien au-delà de la sphère des poètes romantiques. La grande majorité de ces écrits présentent cette légende comme une histoire véridique attestée par la présence de preuves matérielles dans la chapelle.

1843 — Le dictionnaire d’Ogée-Marteville

La légende de la Mariée est évoquée à l’article Campénéac de l’édition du Dictionnaire d’Ogée, complété et réédité par A. Marteville et P. Varin. Cette mention donne une certaine audience à cette légende jusqu’ici confinée dans la sphère romantique 1.

On voyait avant 1789, dans la chapelle du château de Trécesson, une robe nuptiale, un bouquet et une couronne de jeune mariée exposés sur l’autel. Une touchante tradition apprenait que ces vêtements avaient appartenu à une jeune femme qui avait été enterrée vivante dans le parc du château, et que M. de Trécesson n’avait pu assez tôt arracher à son horrible sort.

OGÉE, Jean-Baptiste, Dictionnaire historique et géographique de la province de Bretagne, dédié à la nation bretonne : A-L, Vol. 1, Réédition par A. Marteville et P. Varin, 1843, Rennes, Molliex, 1780, Voir en ligne. p. 136
Carte postale de la chapelle de Trécesson
Carte postale (début du 20e siècle)

1847 — Cayot-Delandre

En 1847, François-Marie Cayot-Delandre donne une version de la légende de Trécesson très largement inspirée de celle du Lycée Armoricain. Il écrit cependant l’avoir entendu lui même dans les environs de Campénéac.

Ce fut vers la fin d’une journée de courses fatigantes que je quittai Beignon et m’acheminai vers Campénéac. Au lieu de me rendre au bourg, je quittai la route royale un peu avant d’y arriver, et je me dirigeai vers le château de Trécesson, que je voulais visiter le soir même. Ce vieux manoir est situé à 3,000 mètres du bourg. Tout le monde savait autrefois dans le pays l’étrange et tragique aventure dont ce lieu fut le théâtre il y a à peu près un siècle, et quelques vieillards en conservent encore la tradition. En m’approchant du château, les circonstances de cet événement me revinrent à la mémoire dans toute leur horreur et telles que je les avais apprises dans un autre voyage aux environs.

CAYOT-DELANDRE, François-Marie, Le Morbihan, son histoire et ses monuments, Vannes, A. Caudéran, libraire éditeur, 1847, Voir en ligne. pages 310-314

1865 — Aurélien de Courson

L’historien Aurélien de Courson (1808-1889) 2 inclut la légende de la Mariée de Trécesson dans son inventaire des sites pittoresques, monuments, costumes, scènes de mœurs, histoire, légendes, traditions et usages des cinq départements de la Bretagne. Sa mention consiste en une synthèse de l’article de 1824 du Lycée Armoricain.

On montre en la paroisse de Campénéac le château de Trécesson, dont un étang baigne les murs et dont le portail, composé de deux portes à cintre bissé est flanqué de deux tours rondes, à la droite desquelles s’élève une troisième en forme polygonale. Les murailles polygonales de ce manoir, en schiste d’un bleu sombre, son isolement au milieu d’un pays dont la population est très clair semée, tout prédispose l’imagination à recueillir avec émotion une tragique histoire, dont le souvenir est resté vivant dans le pays. On raconte qu’un soir, dans le parc de Trécesson, une jeune fille, vêtue de blanc, portant encore une couronne nuptiale, fut jetée vive, malgré ses cris, dans une fosse que ses frères avaient fait creuser d’avance. Un braconnier, témoin par hasard de cette horrible scène, courut prévenir le châtelain qui fit aussitôt déterrer la victime, mais celle-ci, revenue un instant à la vie, rendit bientôt le dernier soupir, et l’on assure que la robe nuptiale, la couronne et le bouquet de la mariée restèrent exposés dans la chapelle de Trécesson jusqu’à la Révolution

COURSON, Aurélien de, COURCY, Pol de, DU MOTTAY, Gaultier, [et al.], La Bretagne contemporaine : Le Morbihan, Vol. 1, Nantes, H. Charpentier, 1865. [page 116]

1885 — Gustave de Closmadeuc

Armand René du Châtellier (1797-1885), membre de la Société Polymathique du Morbihan et membre fondateur de l’Association bretonne est apparenté aux propriétaires du château de Trécesson. À sa mort, Gustave de Closmadeuc (1828-1918) 3 publie son éloge dans lequel on apprend que, vieillard, il racontait les légendes de Trécesson à ses proches.

On gagne Ploërmel avec peine et énormément de fatigue. Puis le père et le fils s’embarquent dans une carriole couverte d’une bâche en toile. Ils s’en vont au château de Trécesson, en Campénéac, où habite un oncle des du Chatellier. Ils restent huit jours dans ce manoir délabré du XVIe siècle, écoutant, à chaque repas, les récits interminables d’une vieille cousine sur les histoires d’autrefois et les légendes du château de Trécesson. [...] Naïve légende dont l’écho bourdonnait encore dans le souvenir du vieillard à l’âge de 88 ans et qu’il nous a racontée ! Il y avait aussi l’histoire tragique d’une jeune mariée que son mari, dans un accès de jalousie, avait enterrée vivante. Sa robe et sa couronne nuptiale étaient conservées sur l’autel de la chapelle du lieu.

CLOSMADEUC, Gustave Thomas de, « Éloge de M. du Châtellier », Bulletin de la Société Polymathique du Morbihan, 1885, p. 71-92, Voir en ligne. p. 74

1891 — Joseph-Marie Le Mené

Le chanoine Joseph-Marie Le Mené (Saint-Nolf, 1831-1923), auteur d’une monumentale Histoire des paroisses du diocèse de Vannes, est le premier auteur à mettre en doute la véracité de l’histoire. Il apparente le voile de la mariée exposé dans la chapelle par M. de Trécesson à un ex voto déposé là par une des châtelaines.

La chapelle est également de style ogival ; la fenêtre est ornée de meneaux formant une fleur de lys. Dans cet édifice on voyait exposés, avant la révolution, une robe nuptiale, un bouquet et une couronne de jeune mariée. C’était une offrande, un souvenir, ou un ex voto de quelqu’une des châtelaines. Mais le peuple, qui aime le merveilleux et le tragique, prétend que c’était la dépouille d’une jeune femme, enterrée vivante, par des étrangers, dans le parc du château, et que M. de Trécesson n’aurait pu sauver assez vite.

LE MENÉ, Joseph-Marie, Histoire archéologique, féodale et religieuse des paroisses du diocèse de Vannes, Vol. 2, Vannes, Impr. Galles, 1894, 536 p.

1896 — Mademoiselle de Breuilpont

Mademoiselle de Breuilpont 4 publie une version de la légende de la Mariée de Trécesson dans la revue illustrée Les veillées des chaumières. —  BREUILPONT, Émilie de, « La mariée de Trécesson », Les veillées des chaumières, 1896.  —

1900-1942 — La Dame Blanche et le culte des reliques

1913 — Le marquis de Bellevüe

Le marquis de Bellevüe s’est intéressé de près à la légende de la Mariée de Trécesson. Sa première publication sur le sujet est un long poème daté de 1893 5. —  BELLEVÜE, Xavier de, « La légende de Trécesson », L’année des poètes / morceaux choisis, réunis par Charles Fuster, Vol. 4, 1893, p. 72, Voir en ligne. —

En 1913, il publie un article sur le château de Trécesson dans lequel il revient sur les légendes de Trécesson et plus encore sur celle de la Mariée. Il est le premier auteur à réunir une liste des nombreuses références bibliographiques sur le sujet. Il y publie notamment les versions intégrales des poèmes d’Ernest Fouinet, de Jules du Boisbaudry et d’Alphonse Guérin. —  BELLEVÜE, Xavier de, « Château de Trécesson, histoire, seigneurs, légendes », Revue Morbihannaise, Vol. 17, 1913, p. 5-32. —

1914 — Clément Rochel

Le 15 mars 1914, Clément Rochel publie une version inédite de la légende de la Mariée de Trécesson dans la rubrique Un conte par semaine de l’Ouest-Éclair. Ce conte intitulé La Dame de Trécesson propose de révéler l’origine du fantôme venu hanter le château au commencement du 18e siècle.

Voici l’aventure extraordinaire qui arriva à Artus, vers la quarantième année de son âge, c’est-à-dire vers 1286. Le seigneur de Campénéac, sous la bannière du duc Jean Il, de la maison de France revenait d’une expédition contre les Anglais, quand il songea à se marier. L’un de ses cousine. Conrad, de Coatleven, avait une fille Jeanne-la-Crollée, qui venait d’atteindre ses vingt ans et que son père songeait à établir Elle convint à Artus qui la demanda et l’obtint en mariage.

Or, le jour de la cérémonie nuptiale, pendant que son futur époux l’attendait pour lui passer l’anneau au doigt, elle disparut mystérieusement, en vêtements de noces, couverte de tous ses atours ; l’aumônière à la taille, le missel en main, le hennin en tête et, ajoute-t-on ce qui semble plus douteux la couronne d’oranger à la naissance du hennin. Toutes les recherches pour retrouver Jeanne-la-Crollée demeurèrent infructueuses Et Artus de Campenéac-Trécesson-Carné, inconsolable, en mourut de douleur une dizaine d’année plus tard...

ROCHEL, Clément, « La dame de Trécesson », L’Ouest-Eclair, 15 mars, 1914, p. 11, Voir en ligne.

1932 — Charles Le Goffic

On doit à l’académicien Charles Le Goffic (1863-1932) une référence à la Mariée de Trécesson dans son ouvrage consacré à Brocéliande, écrit l’année de sa mort. Après avoir résumé la légende, il y décrit la naissance d’un culte autour des reliques de la Mariée et y fait la première allusion à la « Dame Blanche » revenant hanter les abords du château de Trécesson 6.

Il conserva le voile, la couronne et le bouquet de la malheureuse mariée sur l’autel de cette chapelle où ils demeurèrent jusqu’à la Révolution. Entretemps, nombreuses furent les jeunes filles qui s’y rendirent en pèlerinage ; en effet, toucher ces reliques leur permettait, croyait-on, de trouver un mari dans l’année. De nos jours encore, les gens du pays racontent que certaines nuits la silhouette fantomatique d’une dame blanche flotte autour des douves du château de Trécesson. Serait-ce l’esprit de cette jeune mariée dont le crime est resté impuni ? Son apparition annonce, dit-on, une mauvaise nouvelle...

LE GOFFIC, Charles, Brocéliande, 1932, Terre de Brume, 1995, 163 p., (« Bibliothèque celte »). pages

1933 — René Herval

René Herval (1880-1972) donne une version de la légende de la Mariée de Trécesson dans la deuxième partie de Quelques contes de Brocéliande, publié en 1933 dans un recueil de la collection Nos provinces. —  HERVAL, René, « Quelques contes de Brocéliande », in Contes de Brocéliande, Elbeuf, Paul Duval éditeur, 1933, (« Nos provinces »), p. 9-20. —

Le château de Trécesson
—  AUBERT, Octave-Louis, « La forêt de Brocéliande », in Légendes traditionnelles de la Bretagne, 1970, Saint-Brieuc, Editions Louis Aubert, 1928.
[page 129] —
E. Daubé

1937 — Léone Calvez

Léone Calvez a publié pour la jeunesse une version de la légende sous le titre La mariée de Trécesson. La légende, introduite par des allusions aux châteaux hantés et aux revenants bretons, comprend de nombreuses illustrations d’Herri Caouissin. —  CALVEZ, Léone et CAOUISSIN, Herri, Légendes de Bretagne pour la jeunesse, Pleyber-Christ, Ronan, 1937, Voir en ligne. pp. 40-44 —

La Mariée de Trécesson
— CALVEZ, Léone et CAOUISSIN, Herri, Légendes de Bretagne pour la jeunesse, Pleyber-Christ, Ronan, 1937 —

Cette version de la légende se conclut sur le culte rendu par les jeunes femmes des environs à la robe de la mariée conservée dans la chapelle du château.

Les jeunes filles de Guer, Paimpont, Ploërmel et de tous les environs, venaient dans l’attente d’un mari, suivant leur cœur, baiser la robe blanche de la jeune femme, qui ne fut épouse qu’un jour et s’endormit dans son éternité le soir même de ses noces.

Calvez, Léone (1937) p. 44
La Mariée de Trécesson
— CALVEZ, Léone et CAOUISSIN, Herri, Légendes de Bretagne pour la jeunesse, Pleyber-Christ, Ronan, 1937 —

1942 — Loeiz Herrieu

La merveilleuse dame de Trécesson est un conte de Loeiz Herrieu (1879-1952) extrait d’un recueil de contes et d’histoires pour la veillée de Noël intitulé De hortoz kreisnoz (En attendant minuit). Dans cet ouvrage écrit en breton vannetais, paru en 1942, l’auteur partage les illustrations avec Xavier De Langlais, Xavier Haas et Raoul Perrin.—  HERRIEU, Loeiz, « Intron burhudus Treùison (La merveilleuse dame de Trécesson) », in De hortoz Kreisnoz (En attendant minuit), Lorient, Ed. Dihunamb, 1942, p. 102-119, Voir en ligne. —

1976-2000 — Roman et contes populaires

1976 — Juliette Benzoni

La romancière Juliette Benzoni 7 a intégré cette légende à son roman historique intitulé Le Gerfaut, premier tome d’une série de quatre romans, Le Gerfaut des brumes. La troisième partie de ce roman est intitulé La mariée de Trécesson. Gilles Goëllo, le héros de cette aventure romanesque, demande à parler à la dame du château de Trécesson. Celle-ci l’amène à la chapelle où est enterrée la mariée pour savoir s’il mérite qu’elle lui révèle son nom et le fait qu’elle a survécu. Gilles, persuadé que son aimée est morte, part sans apprendre qu’elle vit toujours. —  BENZONI, Juliette, Le Gerfaut, Édition de Trévise, 1976. —

Le Gerfaut est né de l’attrait qu’exerce sur moi la Bretagne, de la légende célèbre de la mariée enterrée vivante de Trécesson.

Juliette Benzoni (1976) op. cit.

Son roman Le Gerfaut a été adapté à la télévision en 1987 par Marion Sarraut.

1961-1996 — Jean Markale

En 1961, Jean Markale (1928-2008) publie une version de cette légende sous le titre La dame blanche de Trécesson. Il réécrit l’histoire de la Mariée sous la forme d’un conte populaire local.

Alain, le braconnier, venait de Beauvais. Sur la hauteur, près de la chapelle Saint-Jean, il prit un sentier à peine tracé dans la lande et descendit vers les bois de Trécesson. Là au cours de la nuit précédente, il avait caché de nombreux collets et il avait maintenant hâte d’aller les relever.

MARKALE, Jean, Contes et légendes de Brocéliande, Ploërmel, Les Éditions du Ploërmelais, 1961, 48 p. [page 9]

En 1977, il fait l’objet d’une réédition dans un recueil de contes bretons dans lequel Jean Markale donne une explication sur son origine et évoque le fantôme de la mariée.

J’ai entendu ce récit plusieurs fois dans la région de Tréhorenteuc et de Campénéac. Il s’agit vraisemblablement du souvenir d’un fait divers remontant aux environs de 1750, mais on n’en trouve aucune trace dans les documents d’époque. Et le mystère continue de rôder sur cette étrange dame blanche, enterrée vive, et que parait-il, on rencontre parfois sur la lande, les soirs de pleine lune.

MARKALE, Jean, Contes populaires de toutes les Bretagne, Rennes, Ouest-France, 1977. [pages 127-133]

Jean Markale est revenu à plusieurs reprises sur cette légende. Il est notamment l’auteur d’une théorie, que nous ne défendrons pas.

Cette histoire a pourtant une résonance symbolique. Il s’agit du sacrifice en quelque sorte rituel d’une « Dame en Blanc ». Or, on sait que les fées sont souvent qualifiées de « dames blanches ». N’y a-t-il pas là un souvenir de l’époque lointaine où les fées étendaient leurs pouvoirs sur toute la forêt de Brocéliande ? La dame Blanche de Trécesson ne serait-elle pas l’image de Viviane, la Dame du Lac, qui est une sorte de fée des eaux, surgie de la plus lointaine mythologie celtique que l’esprit rationaliste a voulu faire disparaitre de la culture contemporaine ? Le fait de l’enterrer vivante est significatif : c’était la refouler dans les ténèbres de l’inconscient collectif. Mais elle peut ressurgir à tout moment, et si, pour reprendre le récit légendaire, elle s’est redressée quand on a ouvert la fosse et qu’elle a poussé un grand cri, c’était peut-être pour dire que les fées pouvaient mourir, mais que le message qu’elles laissaient au monde était celui du rêve et de la beauté. À Brocéliande rien n’est jamais neutre, et le quotidien lui-même n’a jamais dissocié le profane et le sacré.

MARKALE, Jean, Guide spirituel de la forêt de Brocéliande, Monaco, Éditions du Rocher, 1996. [page 146]

1999 — Xavier Lesèche

Le conteur Xavier Lesèche a publié une version de cette légende sous le titre La dame Blanche de Trécesson dans un ouvrage collectif édité par le Carrefour de Trécélien. Il présente lui aussi l’histoire de la Mariée sous l’aspect d’un conte populaire local. Le gars Lucas, habitant du hameau de La Touche Guérin, et journalier au château voisin de Trécesson est le braconnier qui voit, caché dans un fossé, l’enterrement de la mariée. —  CARREFOUR DE TRÉCÉLIEN, Contes et légendes de Brocéliande, Terre de Brume, 1999. [pages 170-174]  —

Le conte se termine par la référence à une croyance selon laquelle les jeunes femmes de Campénéac allaient prier devant le voile de la mariée conservé à la chapelle du château afin d’obtenir un bon parti.

M. de Trécesson a toujours conservé en sa chapelle la robe de mariée, l’offrant aux regards de qui croyait savoir, de qui voulait voir. Bientôt ce n’étaient que curieux... et même surtout curieuses qui venaient admirer la richesse de l’étoffe. Peu à peu, on lui accorda même un étrange pouvoir : les femmes en mal de mari la visitaient et serraient dans leurs mains la dentelle « sacrée », pour obtenir d’elle un bon gars, bien travailleur et point trop licheur.

CARREFOUR DE TRÉCÉLIEN, Contes et légendes de Brocéliande, Terre de Brume, 1999. page 174

Xavier Lesèche a publié une version plus courte de ce conte en 2012. —  LESÈCHE, Xavier et MANDRAGORE, Merlin en Brocéliande, Terre de Brume, 2012, 101 p. [page 39] —

2002 — Marie Tanneux

Marie Tanneux a écrit un conte inspiré de cette légende, intitulé La mariée de Trécesson. —  GLOT, Claudine et TANNEUX, Marie, Contes et légendes de Brocéliande, Ouest-France, 2002, 248 p. [pages 25-28] —


Bibliographie

ANONYME, « Le château de Trécesson », Le Lycée Armoricain, Vol. 4, 1824, p. 5-9, Voir en ligne.

BELLEVÜE, Xavier de, « La légende de Trécesson », L’année des poètes / morceaux choisis, réunis par Charles Fuster, Vol. 4, 1893, p. 72, Voir en ligne.

BELLEVÜE, Xavier de, « Château de Trécesson, histoire, seigneurs, légendes », Revue Morbihannaise, Vol. 17, 1913, p. 5-32.

BENZONI, Juliette, Le Gerfaut, Édition de Trévise, 1976.

BREUILPONT, Émilie de, « La mariée de Trécesson », Les veillées des chaumières, 1896.

CALVEZ, Léone et CAOUISSIN, Herri, Légendes de Bretagne pour la jeunesse, Pleyber-Christ, Ronan, 1937, Voir en ligne.

CLOSMADEUC, Gustave Thomas de, « Éloge de M. du Châtellier », Bulletin de la Société Polymathique du Morbihan, 1885, p. 71-92, Voir en ligne.

COURSON, Aurélien de, COURCY, Pol de, DU MOTTAY, Gaultier, [et al.], La Bretagne contemporaine : Le Morbihan, Vol. 1, Nantes, H. Charpentier, 1865.

CAYOT-DELANDRE, François-Marie, Le Morbihan, son histoire et ses monuments, Vannes, A. Caudéran, libraire éditeur, 1847, Voir en ligne.

FOUINET, Ernest, « La forêt de Trécesson », La Psyché, Vol. 9, 1829, p. 24-36, Voir en ligne.

GLOT, Claudine et TANNEUX, Marie, Contes et légendes de Brocéliande, Ouest-France, 2002, 248 p.

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SÉBILLOT, Paul, « Les petites légendes locales », Revue des traditions populaires, Vol. 12, 1897, p. 140, Voir en ligne.


↑ 1 • Cette référence bibliographique a été abondamment citée, notamment par le folkloriste Paul Sébillot (1843-1918) en 1897 —

LA MARIÉE ENTERRÉE VIVANTE On voyait avant 1790, dans la chapelle du château de Trécesson [...] et que M. de Trécesson n’avait pu assez tôt arracher à son horrible sort.

SÉBILLOT, Paul, « Les petites légendes locales », Revue des traditions populaires, Vol. 12, 1897, p. 140, Voir en ligne.

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↑ 2 • Historien - Avocat publiciste - Directeur de la Revue archéologique - Secrétaire de la Société archéologique du Finistère - Conservateur sous-directeur adjoint à la Bibliothèque Nationale

↑ 3 • Gustave Thomas de Closmadeuc est né le 12 novembre 1828 à la Roche-Bernard (56). Brillant élève, il décrocha son doctorat de médecine en 1855. Très engagé dans le causes humanistes et politiques, il participe à la révolution de 1848 dans les rangs républicains. Homme aux multiples passions, il s’intéresse notamment à l’archéologie et devient membre de la Société Polymathique du Morbihan en 1858. Il en sera élu président à huit reprises. Ses principaux travaux porteront sur la classification des haches polies celtae, et à la fouille des sites de Carnac et de Locmariaquer. Afin de la protéger, il devint propriétaire de l’île de Gavrinis. Il y découvrira un étonnant crucifix byzantin, le seul connu en Bretagne (datant du 12e siècle).

↑ 4 • S’agit-il d’Émilie de Breuilpont (1833-1896), fille du Marquis de Breuilpont, mort à Paimpont en 1837, propriétaire des Forges et apparenté aux d’Andigné ?

↑ 5 • Ce poème a été publié dans la revue Souche en 2005.—  BELLEVÜE, Xavier de, « Légende de la mariée de Trécesson », Souche, Revue du Cegenceb, Mauron, Vol. 10 - 2e trimestre, 2005, p. 7, Voir en ligne. —

↑ 6 • L’appellation « Dame Blanche » s’applique à des mythes universels. Ce sont des êtres surnaturels : fées, sorcières, spectres, annonciatrices de mort prochaine ou fantômes de femmes hantant les châteaux. Voir aussi

↑ 7 • Juliette Benzoni, née le 30 octobre 1920 à Paris, avenue de La Bourdonnais, est un écrivain de romans historiques à succès et une scénariste française.