14 floréal an II (3 mai 1794)
Le combat des landes de Beignon
Une victoire des chouans de Puisaye
Un combat opposant les chouans commandés par Joseph de Puisaye à des troupes républicaines a lieu le 17 floréal de l’an II (3 mai 1794) dans les landes de Beignon. Cette victoire des chouans marque l’entrée de la région de Paimpont dans la première chouannerie.
Printemps 1794 — Les débuts de la première chouannerie
Du 11 au 20 mars 1793, l’Ouest se soulève contre l’application de la loi de conscription du 24 février concernant la levée de 300 000 hommes. Un an plus tard, au printemps 1794, la première chouannerie débute. Elle s’appuie sur les nombreux déserteurs, prêtres réfractaires et rescapés de la Vendée militaire 1 qui vivent depuis des mois dans la clandestinité. Elle commence tout d’abord dans les pays de Vitré et de Fougères puis gagne la région de Paimpont en mai 1794, avec le passage de la troupe armée de Joseph de Puisaye.
La troupe armée de Puisaye
Au printemps 1794, Joseph de Puisaye (1755-1827) est alors l’un des principaux chefs chouans. À la tête d’une troupe armée constituée dans les pays de Vitré et de Fougères, il convainc Louis Hubert, commandant des chouans de Vitré de l’imminence d’un soulèvement du Morbihan et de la possibilité de constituer une armée de 12 000 hommes.
Pour réaliser le dessein de rassembler les chouans d’Ille-et-Vilaine et du Morbihan, il part de Saint-Didier (Ille-et-Vilaine) en direction de Vern-sur-Seiche le 10 floréal an II (29 avril 1794) avec 700 hommes mal armés. Bientôt rejointes par quelques ex-officiers vendéens et une soixantaine de leurs hommes, ses troupes quittent le château de Vern au milieu de la nuit et gagnent Noyal-sur-Seiche, Châtillon-sur-Seiche puis Chartres-de-Bretagne en faisant partout de nouvelles recrues. L’ordre est donné de rallier le château de Cicé et de se séparer en bandes pour ne pas donner l’éveil. L’armée s’y regroupe dans la matinée du 11 floréal (30 avril 1794). Puisaye fait alors saisir quatre bateaux chargés de sel qui remontaient la Vilaine vers Rennes, avec lesquels il forme un pont. Les troupes traversent le fleuve vers quatre heures de l’après-midi et sont passées en revue par Puisaye dans les « prairies du Pourson » en Chavagne. Vers sept heures du soir, les troupes repassent la Vilaine pour engager un combat avec des éclaireurs républicains qui les avaient suivis jusque là. Quatre républicains trépassent. Les chouans se rendent alors au château de Blossac puis traversent à nouveau la Vilaine et arrivent à Goven dans la nuit.
Un combat s’engage avec la garde républicaine qui, débordée après une heure de résistance, prend la fuite. Les chouans mettent le feu aux maisons patriotes, abattent l’arbre de la liberté et pillent la maison commune.
Ils prennent alors la route de Mordelles et se reposent dans les bois durant la journée du 12 Floréal (1er mai 1794) où ils sont ravitaillés par les habitants des paroisses voisines. La nuit venue, ils partent vers Baulon où, bien accueillis, ils passent la journée du 13 Floréal (2 mai 1794). Ils en partent à deux heures de l’après-midi pour Maure-de-Bretagne. Un des gendarmes voulant leur interdire l’entrée du bourg est tué.
Les troupes de Puisaye quittent Maure vers six heures du soir pour gagner un bois voisin et y passer la nuit. Le matin du 14 Floréal (3 mai 1794) elles se dirigent vers Guer, puis Beignon où elles arrivent à une heure de l’après-midi. — DEMOTS, André, Brigands et Patauds en Ille-et-Vilaine, Rennes, Le Thabor éditions, 2007. [pages 36-37] —
Les évènements de Beignon
L’arrivée de l’armée de Puisaye à Beignon le 14 Floréal (3 mai 1794) marque le début d’évènements qui culmineront avec le combat victorieux engagé au « Pont-du-Secret » contre des troupes républicaines. Ces évènements ont été commentés par de nombreux témoins directs ou indirects, chouans ou républicains 2.
Un des principaux témoins de ces journées est le citoyen Joseph Durand, agent national provisoire de Beignon 3. Le 17 floréal an II (6 mai 1794), alors que l’armée de Puisaye a quitté les lieux, il consigne dans le cahier des délibérations du Conseil municipal les événements qui ont marqué la commune.
Séance du 17 Floréal, an 2° de la République, une et indivisible et où étaient les citoyens Pierre Fleury, Maire, Louis Fleury, Jean Frinault, René Morin, Jean Berthault, officiers municipaux présents. Le citoyen Joseph Durand, agent national provisoire a dit : Citoyens, Nous venons d’éprouver les fléaux de la guerre. Une bande de brigands est entrée samedi dernier, 1er du précédent, en cette commune et ont exercé leur brigandage particulièrement sur des patriotes prononcés : le citoyen Boisgontier 4 et moi ont été particulièrement pillés et volés. Cette horde de brigands a nécessité la descente de troupes républicaines qui ont séjourné jusqu’à ce jour dans notre commune. Il me paraissait intéressant de constater les différents mouvements et événements qui ont eu lieu, n’ayant pu le faire jusqu’à ce jour, ayant été continuellement en activité et occupé à faire exécuter les réquisitions à nous données verbalement par les commandants des troupes républicaines et a signé : Durand, agent national provisoire.
D’après le citoyen Durand, la municipalité de Beignon est en alerte depuis déjà une semaine.
Le 10 de ce mois le citoyen Herviault, courrier de dépêche venant de Plélan annonça en passant par le bourg qu’une horde brigantine menaçait Plélan et les environs. De suite, la Municipalité, s’assemble, fit battre la caisse et rassembler les citoyens qui se portèrent vers Plélan ; parvenus au Vau du Loup, à un quart de lieu du bourg de Beignon, ils rencontrèrent le citoyen Cogranne s’en revenant de Plélan avec lequel ils rentrèrent après avoir assuré qu’il n’y avait rien à craindre à Plélan. Rentrés à Beignon, il fut établi des avants postes au moulin de Le Quihoux et au village du Plessis et on bivouaque toute la nuit sans avoir aucune découverte. On mit aussi trois chevaux en réquisition pour porter les dépêches.
La réaction républicaine
Les autorités républicaines de Rennes, très attentives aux déplacements de la troupe de Puisaye, demandent au général Avril, commandant à Vannes de regrouper ses forces et de venir au-devant des chouans afin de les empêcher de se joindre aux forces contre-révolutionnaires du Morbihan. Un courrier républicain informe Ploërmel, Josselin, Pontivy et enfin Loudéac et le général Canuel du passage de Puisaye à Baulon — ADM L 1232 —. Le général Lacombe, basé à Ploërmel, rappelle le bataillon de Loir-et-Cher cantonné à Josselin, ne laissant que trente hommes avec la garde nationale pour défendre la prison de Ploërmel. — ADM LDj 103 — MONTGOBERT, Gilles, Eclats en Brocéliande : le Pays de Mauron 1789-1800, les mutations du monde rural, Saint-Léry (56), Office Culturel du District de Mauron, 1993. [page 374] —
Dans le cahier des délibérations du Conseil municipal, le citoyen Durand rapporte que l’armée de Puisaye campe à Guer dans la journée du 13 floréal (2 mai 1794).
Le 14, un courrier venant de Plélan dit chez le citoyen Cogranne où il descendit vers cinq heures du matin que les brigands avaient pris la route de Maure et semblaient diriger leur marche vers Carentoir. Des commissaires furent envoyés à Plélan et ils apprirent de la municipalité de ce lieu que les brigands avaient couché au Tertre dans la commune de Guer et qu’ils étaient à cuire du pain.
Le pillage des maisons de Durand et Boisgontier à Beignon
A leur arrivée à Beignon, les chouans, bien renseignés, recherchent les citoyens Durand et Boisgontier avant de piller leurs maisons.
Vers 10 heures le même jour, on annonce que les brigands arrivaient et, au même instant, ils entrèrent dans le bourg en criant : « Vive le Roy et la religion catholique ! » ; ils se répandirent dans les différentes maisons du bourg ; forcèrent la porte du citoyen Durand, entrèrent aussi chez le citoyen Boisgontier, forcèrent toutes les fermetures et les pillèrent, brisèrent à coup de hache la porte de la maison commune, y prirent cinq à six mauvais fusils, coupèrent l’arbre de la Liberté en quatre morceaux.
Boisgontier n’a pas porté plainte pour les préjudices encourus au contraire de Durand qui détaille comment les chouans ont pillé sa demeure.
Plus riche en patriotisme que par les dons de la fortune, le pillage que les brigands firent chez moi lors de leur passage dans ce chef lieu de ma commune le 14 Floréal dernier me force à réclamer le bénéfice du décret de la Convention nationale. Si j’ai échappé à leur fureur, ce n’est pas qu’ils n’aient essayé de me tenir entre leurs griffes, mais l’Être Suprême qui veille au salut de la République et de ceux qui lui sont attachés lui a encore conservé ses défenseurs. Le certificat des autorités constituées que je joins à cette pétition avec le mémoire des personnes que j’ai éprouvées de la part de ces brigands vous justifieront de leurs bonnes intentions pour moi. Si la prudence ne m’avait pas obligé de me soustraire à leur rage et à leur cruauté…
Le combat du 14 Floréal (3 mai 1794)
Le combat entre l’armée de Puisaye et la colonne républicaine du colonel Doré, de Montfort-sur-Meu, débute l’après-midi du 14 floréal (3 mai 1794) dans les landes de Beignon et sur les coteaux de la Vieille-Ville.
Environ une heure de l’après midi, les brigands se portèrent sur la lande du bourg où il fut livré un combat entre eux et les gardes nationaux des différentes communes. Le combat fini, les brigands rentrèrent dans le bourg en chantant des hymnes et disant le chapelet et rentrèrent dans les maisons des différents particuliers où ils se mirent à boire et à manger. Vers deux heures et demie trois heures de l’après midi, les brigands se portèrent vers la lande de Coëtquidan jusqu’au domaine de Loulaye après avoir traversé le Pourpris d’où ils durent apercevoir les troupes républicaines descendant ladite lande de Coëtquidan et venant vers Beignon. Ils se retirèrent dans la forêt de Paimpont par le chemin de la chaussée. Les troupes républicaines venant de Guer arrivèrent au bourg une demi-heure après la sortie des brigands, rencontrèrent deux à la porte d’Echelard qu’ils immolèrent à leur juste courroux. Ils firent des perquisitions dans le bourg et, après s’être rangés en bataille, ils se mirent à la suite des brigands et les poursuivirent jusqu’au Pâtis du Chenot où ils bivouaquèrent toute la nuit.
Godefroy, vice-président du district de Rennes, vient à Plélan-le-Grand pour rendre compte de la réalité des faits aux administrateurs de la République. Son procès-verbal de la journée du 14 Floréal contredit les chiffres élevés des auteurs royalistes.
Le 14 ; un détachement d’environ 400 hommes, composé des gardes nationales de Paimpont, Saint-Malon, Iffendic, Romillé, Saint-Méen et Plélan, partit de ce dernier lieu vers neuf heures et demie du matin.
Arrivés à la hauteur du bois du Plessis, ils détachèrent quatre gendarmes qui se rendirent au Tertre en Guer. Ils rapportèrent qu’ils (les chouans) avaient fait boulanger à la métairie du Tertre appartenant à la citoyenne Legall, qu’ils y tuèrent un cochon et achetèrent un fut de cidre ; qu’à leur retour, le citoyen Doré de Montfort, commandant le détachement, le fit avancer jusqu’à Saint-Malo-de-Baignon où il distribua sa troupe en deux colonnes de tirailleurs à l’approche des brigands qui se rangèrent en bataille, la cavalerie qui devait les charger se replia, tout le détachement se mit en route ; les brigands les chargèrent et en ont tué environ quinze dans la vallée de Baignon et sur la grande route. Le détachement rentré à Plélan environ les deux heures, le citoyen Doré, commandant, s’en retourna à Montfort avec les gendarmes qu’il emmena avec lui malgré les invitations de la municipalité de rester à Plélan.
Le colonel Toussaint-Marie Du Breil de Pontbriand (1776-1844), chouan défavorable à Puisaye, n’a pas vécu les événements de Beignon mais décrit cependant le combat du Pont-du-Secret avec force détails.
Le colonel Doré de Montfort réunit de suite aux garnisons qui se trouvaient dans les lieux voisins, une multitude d’hommes, qu’il fit partir de force. Ainsi, un corps d’environ douze cent hommes, trois brigades de gendarmerie, douze prêtres constitutionnels et quelques patriotes à cheval lui formèrent un peloton de quarante cavaliers. Ce fut avec ces forces qu’il marcha sur Beignon où il avait appris que les royalistes s’étaient déjà arrêtés.[...] La troupe approchait du bourg, lorsqu’un homme bien monté et en uniforme - qu’on a su depuis être un royaliste - se présenta à la tête de la colonne « presque tous ivres morts, gisent dans les rues de Beignon, avançons rapidement et c’en est fait d’eux ». Les républicains hâtent leur marche et ils aperçoivent les royalistes en bon ordre. Le colonel s’avance, tire deux coups de pistolet et s’enfuit vers Montfort. L’infanterie se débanda sans tirer un seul coup de fusil. Les royalistes voyant ce désordre extraordinaire se mirent à leur poursuite. Une partie des fuyards qui prirent la direction de la forêt de Paimpont n’eurent aucun mal, mais ceux qui s’enfuirent vers la rivière de l’Aff, eurent quarante-cinq hommes de tués dont MM. Champion, curé constitutionnel de Montauban et Jan de la Hamelinais, juge de paix de Montauban.
Ce combat a laissé des traces dans la mémoire locale. Un chemin proche du Pont-du-Secret, sur la commune de Plélan aurait porté le nom de « Chemin des barricades ».
Le contact fut violent, l’armée républicaine se replia sur le coteau de la Vieille-Ville, dont l’un des chemins gagnant la grand route de l’époque, porte depuis, le nom de chemin des barricades.
Le repli stratégique des chouans vers Concoret
Après cette victoire, Puisaye rassemble ses troupes, les conduit de nouveau au bourg de Beignon où elles passent le reste du jour. Elles se replient devant l’arrivée de trois colonnes républicaines.
Vers six heures de l’après midi du même jour, il arriva dans la lande du Mete par le village de Treslan un détachement de cavalerie républicaine venant du côté de Ploërmel ; ils furent à la découverte du côté de la forêt. Vers deux heures de l’après midi, une troupe d’infanterie avec un canon venant aussi de Ploërmel vint se rallier au détachement de cavalerie dans la lande du Mete où la plus grande partie resta toute la nuit. Il fut envoyé un détachement à la découverte dans le village du Cannée vers lequel les brigands avaient dirigé leur marche. Vers neuf à dix heures du soir, il arriva à Beignon un régiment de recrues venant par la commune de Saint Malo de Beignon. Ils furent cantonnés dans le bourg. Le même soir on fit délivrer du foin et avoine que la troupe requit.
Ce repli stratégique des troupes de Puisaye est confirmé par d’autres sources qui indiquent un départ précipité le soir du 14 floréal (3 mai 1794).
On aperçut une colonne qui arrivait du côté du moulin de l’aiguillon, alors tous se rallièrent, sortirent du bourg de Beignon et s’acheminèrent sur la lande du bois de Langa.
Le lendemain, 15 floréal (4 mai 1794), le citoyen Durand mentionne l’arrivée de nombreuses troupes républicaines à Beignon qui commencent la répression à l’encontre des habitants ayant aidé les chouans.
Le 15, les troupes restèrent à Beignon et vers les huit heures, les commandants demandèrent un cheval et un guide qui leur furent sur le champ fournis.
Quelques temps après, ils demandèrent les officiers municipaux, Maire et Agent National, et ils les accusèrent d’avoir signé une proclamation donnée à eux par les brigands. Cette proclamation devait exister dans la maison commune ; ils menacèrent de les fusiller s’ils ne la présentaient pas. Les inculpés répondirent qu’ils n’avaient ni vu ni entendu de proclamation, qu’ils n’avaient même pas parlé aux brigands. Ils furent conduits deux à deux à la maison commune puis, après avoir perquisitionné dans le bourg sans rien trouver, ils forcèrent l’armoire dont ils n’avaient pas la clef. N’ayant rien trouvé, ils conduisirent les officiers municipaux et agent national devant les généraux à l’auberge du Lion d’Or. Après plusieurs interrogations, ils les renvoyèrent vers six heures du soir.
Selon ce même rapport Pierre Foulon, de Treslan, fut jugé sommairement et exécuté sans délai devant la chapelle Sainte-Reine de Beignon.
Le même jour, les généraux requirent la municipalité de leur fournir six couples de bœufs et de faire enterrer les morts qui se trouvaient au nombre de 16 (sans y comprendre les brigands). Vers dix heures du matin, lesdits officiers furent requis de la part du citoyen commandant Sabatier de lui fournir un guide de cheval pour les conduire au village de Treslan à la demeure de Pierre Foulon, ce qui fut fait et quelque temps après, ledit Foulon fut amené au bourg et conduit devant les généraux et officiers assemblés. Après quoi ledit Foulon fut conduit dans le champ du Pourpris où il eut la tête tranchée.
Les troupes républicaines se retirent le 17 floréal (6 mai 1794).
Le 17 et le jour les troupes se sont retirées de notre commune vers trois heures de l’après midi et pendant tout le temps qu’elles y ont séjourné, elles ont disposé des bois de chauffage, écorces d’arbres, paille appartenant aux différents particuliers de notre commune.
Puisaye à Concoret
Guidées par un habitant de Paimpont nommé Joseph Gérard, les troupes de Puisaye quittent Beignon le soir du 14 floréal.
Il « les conduisit par un ancien chemin au dessus de la maison du Tertre en travers la forêt et de là dans les avenues de la ci-devant abbaye de Paimpont. » Arrivé sur la chaussée du moulin, Gérard refuse de les conduire plus loin si Jacques Focard ne lui verse pas quinze livres qu’il lui a promis. Mais sur l’affirmation qu’il aura son dû, il reprend la tête des troupes « et les conduit par le village de la Ville-Danet jusqu’au lieu du Roz en Concoret. Là les chouans prirent un second guide du nom de Pierre Duros qui les conduisit au Bran, y burent, y mangèrent, il était 9 heures, partirent à 10 heures pour la métairie du Reuchal en Concoret ».
En précieux témoin de la vie de Concoret durant la Révolution, l’abbé Guillotin relate l’arrivée des chouans.
Le samedi 3 mai 1794, un détachement d’environ 800 Vendéens armés, venant du côté de Guer et de Guignen, est attaqué dans la lande de Beignon par une troupe de patriotes qui est mise en fuite et dont plusieurs sont tués ; entr’autres le curé constitutionnel de Montauban et le juge de paix dudit lieu. Le lendemain matin, ce détachement paraît au Moulin à papier, et vers dix heures arrive aux Trois-Roches proche Trébran, où il s’arrête pour dîner. De là, instruit qu’il y a un dépôt de fusils dans la sacristie de Concoret, M. de Puisaye, le commandant, envoie un certain nombre d’hommes pour enlever ces armes. Arrivés au bourg, ils crient : Vive le roi, abattent les deux chênes de la liberté, s’emparent de 52 fusils et des pistolets de M. Viallet et s’en retournent aux Trois-Roches. Vers 3 heures après midi, ils partent en chantant les vêpres et allant vers St-Malon. Plusieurs habitants du pays les accompagnent jusqu’à la croix au Blanc. Cette troupe paie généreusement tout ce qu’elle prend, montre beaucoup de piété, n’insulte personne, n’attaque point la première et dit ne s’assembler ainsi que pour le rétablissement de la religion et de la royauté.
L’arrivée de l’armée républicaine à Concoret
Le lundi 5 mai, les premières troupes républicaines arrivent à Concoret. La première victime de la répression républicaine est un ivrogne de Telhouët qui n’a pas compris assez vite à qui il avait affaire.
Le lundi, 5 mai 1794, dix-sept cavaliers armés, venant de Ploërmel, passent à Concoret pour aller à la poursuite des royalistes ; mais ils ne furent qu’à Comper, où ils se saisirent d’un nommé Martin, de Thelouët, homme ivre qui, par erreur, avait crié : Vive le roi, à leur aspect. Ils le traînent à la queue des chevaux, et il a été fusillé à Beignon.
À cette victime arbitraire de la République répond l’assassinat d’un républicain par les chouans de Puisaye. : M. Puisaye fait fusiller près St-Malon un nommé Pollet, qui refusa de dire : Vive le roi.
— Abbé Guillotin op. cit., pp. 19-20 —
Le lendemain, le gros des troupes républicaines arrive à Concoret, s’en prenant violemment aux soutiens des chouans, aux déserteurs et aux symboles de l’Église.
Le mardi après midi, 6 mai, arrivent à Concoret cent dragons et deux mille soldats républicains poursuivant la troupe royaliste. Ils étaient conduits par un particulier de Gaillarde qui fit au commandant (au général Lacombe) toutes sortes de mauvais rapports contre les habitants de Concoret, en sorte que ce commandant fut sur le point de faire fusiller la municipalité. Cette troupe coucha dans l’église, au presbytère et chez les particuliers du bourg et des villages. Elle acheva de dévaster l’église, brisant tabernacle, confessionnaux, etc., mit en pièces la belle croix de pierre de grain du cimetière qu’on avait négligé de mettre en terre, après l’avoir descendue, déracina la croix des Chenots et la fendit pour faire du feu, brûla publiquement une grande partie de la bibliothèque de M. le recteur, déposée chez Mathurine Guillotin, au bourg, fit beaucoup de blasphèmes contre Dieu et ses ministres, contre le temple, la croix, les images, etc. Elle fit déraciner un chêne dans le semis du Rox, Ie planta dans le cimetière pour chêne de la liberté et fit une danse à l’entour. Elle fit la recherche par la paroisse des garçons de 18 à 25 ans qui avaient déserté ou qui n’étaient pas partis, et le commandant fit prendre vingt bouteilles de vin au château du Rox. Elle s’en retourna le lendemain, mercredi, vers Ploërmel, emmenant prisonniers quelques parents des garçons déserteurs. Une partie des dragons fut jusqu’à Saint-Malon prendre connaissance de l’armée royaliste, qu’on apprit avoir couché à la Châsse le dimanche au soir, et le lundi au château Saint-Gilles-Peronet, en Romillé.
L’arrestation de soldats de Puisaye
Entre le 14 et le 23 floréal, six chouans sont arrêtés dans les environs de Paimpont par les forces républicaines. Ils sont tous de condition sociale modeste et viennent des régions de Fougères et de Vitré. Une partie d’entre eux a profité de la retraite en forêt de Paimpont pour déserter.
- Mathieu Monnier, laboureur âgé de 40 ans, originaire de Bourgbarré (35)
Il est arrêté le 14 floréal (3 mai 1794) dans la forêt de Paimpont au canton de Trégouët, situé entre le bourg de Beignon et la section de la Révolution. Conduit devant la municipalité et le comité de surveillance de Paimpont pour y être interrogé, il comparait le lendemain devant le Directoire de Montfort-la-Montagne 5. Le même jour, il subit un interrogatoire devant la commission militaire qui le condamne à la peine de mort pour son attachement à la religion catholique et au roi. — Demots, André (2007) op. cit., pp. 158-159 —
[...] en ses conclusions, la commission considérant que Mathieu Monnier, est aussi de la horde infâme des chouans, qu’outre qu’il est appris qu’il est auteur ou complice d’attroupements séditieux et d’attentat à la sureté intérieure de la République, il convient lui-même avoir formellement énoncé le vœu du rétablissement de la royauté...Condamne le dit Mathieu Monnier à la peine de mort, ordonne que le présent jugement sera exécuté dans les 24 heures et déclare ses biens acquis et confisqués au profit de la République.
- Julien Jouaud de Bourgbarré, âgé de 28 ans, cousin du chef chouan Jean Jouaud
Il est arrêté aux environs de Plélan le 15 floréal (4 mai 1794), vers 10 heures du matin. Interrogé par le comité de surveillance de Plélan, il affirme n’avoir pas pris part au combat de Beignon, n’ayant pour arme qu’un bâton, avouant qu’il a servi avec eux pour la religion et sur les instances de son cousin.
Conduit à Rennes le lendemain, il est enfermé à la prison de la Tour la Montagne. Réclamé comme bon citoyen par les membres du comité de surveillance de Bourgbarré et le conseil municipal, il est remis en liberté après quelques mois de détention. — Demots, André (2007) op. cit., p. 160 —
S’agit-il d’un des deux chouans mentionnés par l’abbé Guillotin dans son Registre ?
Deux des leurs sont arrêtés par les habitants de la Ville-Danet qui les conduisent à Plélan pour être fusillés.
- Pierre Bourdais, Pierre Viellet et Pierre Bouillaud
Ils sont arrêtés aux environs de Paimpont le 15 floréal (4 mai 1794) puis conduits devant la municipalité afin d’être interrogés.
Pierre Bourdais, âgé de 26 ans, laboureur, est originaire de Vern-sur-Seiche. Il déclare qu’une troupe de 300 chouans l’a forcé à les suivre à Cicé, Goven, Baulon, La Chapelle-Bouexic, Guer et Beignon. Après avoir dormi dans une métairie de Paimpont, il a réussi à quitter la troupe au matin avec pour projet de retourner chez lui. Conduit à Rennes le 24 thermidor (11 août 1794) devant la commission Frey-Vaugeois et sur bon de certificat de sa municipalité, il est remis en liberté le même jour.
Pierre Viellet, âgé de 26 ans, résidant à la grande Erbrée, district de Vitré, natif de Saint Mhervé est domestique d’un laboureur. Interrogé par la municipalité de Paimpont, il déclare avoir quitté Erbrée il y a quinze jours pour aller courir les champs, voyageant toujours seul, ne se mêlant pas aux chouans. Envoyé à Rennes, il est acquitté par la commission militaire après quelques mois de prison.
Pierre Bouillaud, âgé de 40 ans, natif de Janzé, domicilié à Corps-Nuds est journalier et fossoyeur. Désigné par la municipalité de Corps-Nuds pour aller combattre les chouans il fut forcé par eux de les rejoindre et les a suivis jusqu’à Paimpont. Il est lui aussi libéré par la commission militaire après quelques mois de prison. — Demots, André (2007) op. cit., pp. 161-164 —
- Pierre Brossault, filassier, soldat de la garde nationale de Vern
Il est arrêté à Montfort le 17 floréal. Il déclare le 23 floréal devant la municipalité de Montfort-la-Montagne avoir été obligé de suivre les chouans depuis quinze jours. Témoin du combat de Beignon, il gagne la forêt de Paimpont dans laquelle il arrive à s’enfuir. Il se rend le lendemain à la garde de Bovel. Conduit aux prisons de Rennes, il est reconnu bon citoyen et acquitté le 14 fructidor (31 août 1794) — Demots, André (2007) op. cit., p. 164-165 —
La fin de l’équipée de Puisaye
L’équipée de Puisaye en 1794 marque le début de la première chouannerie. La tactique de « guérilla » mise en œuvre par Puisaye montre à la fois son efficacité et ses limites. Dès le départ de la région de Fougères et Vitré, certains chouans mal armés, conscients de la situation, commencent à déserter sur le parcours de la troupe à Lassy, Plélan, Baulon, Paimpont. Malgré la victoire des « landes de Beignon », Puisaye comprend qu’il ne peut résister aux nombreuses troupes républicaines lancées à la poursuite de son armée.
Puisaye se résout donc à regagner le pays de Vitré et Fougères où il avait constitué la plus grande partie de son armée. Le 17 floréal (6 mai) ses troupes gagnent La Mézière où après avoir abattu l’arbre de la liberté elles se dirigent vers la forêt de Liffré. Le 18 floréal (7 mai), surprises par un fort parti républicain, elles engagent le combat dans les « landes de Beaugé ». Les restes de l’armée de Puisaye sont écrasés et Jacques Focard, son aide de camp, est fait prisonnier. Le chef chouan Jean Jouaud est à son tour arrêté le 19 floréal dans les « landes du papillon » et emmené à Rennes sous bonne escorte. Puisaye quant à lui arrive à s’enfuir. En vendémiaire an III (septembre 1794), il rejoint l’Angleterre où il se fait reconnaitre lieutenant-général de l’Armée catholique et royale de Bretagne par le comte d’Artois, futur Charles X. — DEMOTS, André, Brigands et Patauds en Ille-et-Vilaine, Rennes, Le Thabor éditions, 2007. [page 39] —