Le minerai de fer en forêt de Paimpont
À partir des indications fournies par les notices des feuilles géologiques, l’article décrit le contexte géologique de la formation du minerai de fer aux Ères primaire et tertiaire. Il indique enfin des sites intéressants concernant cette thématique. Attention : ces sites sont sur des terrains privés et leur accès est réglementé.
Notre ami Yves Quété nous a quitté le 2 octobre 2020.
Il nous a laissé huit articles (dont celui-ci) en attente de validation par le comité de lecture. Nous avons choisi de les mettre directement en ligne. Ces articles constituent une contribution inestimable au contenu de l’Encyclopédie de Brocéliande.
Outre la rédaction d’articles, Yves a organisé pendant cinq ans, de 2015 à 2019, trente-cinq sorties géologiques sur l’ensemble du massif de Brocéliande et sa périphérie. Son but était de faire découvrir aux encyclopédistes la diversité des formations géologiques et la complexité de cette discipline, à travers des exemples observés sur le terrain.
La synthèse de ces excursions est accessible ici.
Le minerai de fer en forêt de Paimpont - Contextes géologiques complémentaires (Ménéac)
Cet article se divise en quatre parties : A : Les indications fournies par les notices des feuilles géologiques, B : Le minerai de fer – Contexte géologique à l’Ere primaire, C : Le minerai de fer - Contexte géologique à l’Ere tertiaire, D : Sites à visiter : Péronnette (Paimpont ferricrète 1), Bois du Ferron (Mauron, cuirassement ferrugineux), Le Verger (Ménéac, dalle silicifiée-silcrète) et Bégnon (Ménéac, ferricrète).
A - Les indications fournies par les Notices des feuilles géologiques
Au-delà des références citées, ce texte s’appuie principalement sur les notices des feuilles géologiques (Guer 2009, Ploërmel 2004, Montfort-sur-Meu 1999 et Bain de Bretagne 1989).
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- — THOMAS, Éric, BRAULT, Nicolas, CARN, Anne, [et al.], « Notice explicative de la feuille 351 - Ploërmel », Orléans, BRGM - Service géologique national, 2004, (« Carte géol. France (1/50 000) »), Voir en ligne. —
- — THOMAS, Éric, OUTIN, Jean-Marie, RIVIÈRE, Jean-Marie, [et al.], « Notice explicative de la feuille 316 - Montfort-sur-Meu », Orléans, BRGM - Service géologique national, 1999, (« Carte géol. France (1/50 000) »), Voir en ligne. —
- — DADET, Paul, HERROUIN, Yves, LAVILLE, P., [et al.], « Feuille 388 - Bain-de-Bretagne », Orléans, BRGM - Service géologique national, 1989, (« Carte géologique de la France à 1/50000 »). —
— Les minerais de fer bretons ont alimenté depuis l’Antiquité une importante sidérurgie régionale et en particulier les célèbres Forges de Paimpont situées sur la feuille de Guer, à 3 km au Sud-Ouest de Plélan-le-Grand. Les Forges de Paimpont furent actives de la fin du 17e à la fin du 19e siècles (fermeture des hauts fourneaux en 1884).
— Le minerai de fer traité dans ces forges était extrait (au moins partiellement car des approvisionnements extérieurs se sont avérés nécessaires) dans des minières (excavations peu profondes à ciel ouvert) ouvertes sur la Formation du Grès armoricain et situées dans la forêt de Paimpont à :
- La Prée : [1] (ou Lande de Paimpont) à 1,5 km au Nord du bourg de Paimpont actuellement occupée par l’Étang Bleu (carte géologique à 1/50 000 de Ploërmel) ;
Selon L. Davy (1911), la coupe observée en 1901 à la minière de la Prée (l’Etang-bleu), ouverte sur une vingtaine de m, était la suivante, en partant du haut :3 à 4 m de sables argileux jaunes à blancs et d’argiles jaunes à vertes en stratification irrégulière, à blocs ou amas de minerai disséminés, parfois volumineux ;
— 4 à 5 m de bancs réguliers et durs de minerai séparés par des lits argileux friables (sidérite blanc sale, au centre de certains blocs) ;
— plus de 12 m de couches épaisses massives d’argile brune très siliceuse enveloppant du minerai phosphoreux.
Le minerai de fer est ici placé au sein de couches argileuses sans lien visible avec le Grès armoricain ;
- La Gelée [2] à 1 km à l’Ouest de Paimpont où l’on peut encore voir des fosses d’extraction ;
- La Moutte [3], le Pas Chapin (ou Pas Chagrin) [4] et le Grand Minerai, le long de la vallée entre l’Étang de Paimpont et l’Étang de la Fenderie ;
- Le Nouveau Minerai, à Trudeau [5], au sud de l’Étang du Pas du Houx ;
- Coëtquidan [6], une minière y fut ouverte à environ 8 km au sud des forges.
Selon Fernand Kerforne (1908) :
Le minerai s’y présente en couches presque horizontales, d’une puissance de l’ordre de 2 m, reposant sur des bancs gréseux rosés et surmontés par quelques mètres de grès blanc à tigillites (tubes de vers appelés aussi skolithes). Cette couche serait ici située à la base de la Formation du Grès armoricain et composée d’hématite (Fe2O3) rouge parfois terreuse, le plus souvent grenue. Elle paraît formée de petits grains aplatis, à patine noire, noyés dans un minerai plus fin, rouge, assez riche en grains de quartz. […] Le minerai de fer de l’Ordovicien inférieur est généralement constitué de magnétite (Fe3O4), oligiste appelé aussi hématite et sidérite (FeCO3 avec des traces de Mg ; Mn ; Ca ; Co ; Zn).
Les derniers stades d’évolution du minerai sont liés, durant le Tertiaire, aux phénomènes d’altération superficielle se traduisant par une transformation de la magnétite en hématite et la formation d’hydroxydes.
Le minerai de fer est ici placé à la base du Grès armoricain.
B - Le minerai de fer - Contexte géologique à l’Ère primaire
En 1908, F. Kerforne, dans le cadre d’une visite du camp militaire de Coëtquidan, relative à l’alimentation en eau potable (inventaire des sources – creusement de tranchées pour reconnaitre la roche en place), indique :
Coëtquidan est constitué par des schistes rouges cambriens presque horizontaux avec un léger pendage N.O, reposant en discordance sur des schistes précambriens en couches très redressées. Le Cambrien se termine par des intercalations de schistes rouges et de bancs gréseux quelquefois assez épais et rosés… Au-dessus de ces intercalations de schistes et de grès vient le minerai de fer puis quelques mètres de grès blancs à tigillites ayant le même pendage que le Cambrien subordonné. Ces quelques mètres de grès peuvent être rapporté au grès armoricain.
Le minerai de fer est ici placé à la base du Grès armoricain.
Selon J.J. Chauvel (1974) ,
Au début du Paléozoïque, la Bretagne est émergée. Le relief de pénéplaine est alors caractérisé par la présence de deux moles surélevés : au Sud la Ligéria (la cordillère ligérienne) et au Nord l’ensemble Domnonea-Mancellia (Domnonéa La cordillère normanienne et la Mancellia) L‘ensemble septentrional se raccorde à la zone déprimée centrale par la ride de Rennes.
La Ligéria est bordée au Nord par les reliefs de la ride de Lanvaux. Dans l’axe de la dépression centrale la ride de Bain-de-Bretagne est le siège d’une activité volcanique aérienne. La transgression paléozoïque envahit d’abord la dépression centrale puis elle s’étend au cours de l’Arénig en envahissant des zones de plus en plus septentrionales.
Durant la période d’émersion qui précède le début du Paléozoïque, la chaîne cadomienne est soumise à des phénomènes d’érosion et d’altération intenses et acquiert la morphologie d’une pénéplaine dans laquelle une zone déprimée centrale est bordée au Nord et au Sud par deux régions surélevées.Pendant cette période, les conditions climatiques et le couvert végétal primitif sont tels que l’altération produit une couverture épaisse d’arène rubéfiée surmontant des arènes décolorées correspondant à la zone de départ du fer.
La transgression paléozoïque qui atteint la Normandie au Cambrien inférieur et la Vendée au Cambrien moyen atteint la dépression centrale armoricaine et les zones les plus basses de la pénéplaine à une période qu’il est impossible de préciser.
Les arènes rubéfiées sont alors étalées par la mer et constituent la série rouge rapportée en Bretagne au Cambro-Trémadocien.
Le développement de la transgression conduit à l’envahissement de terres nouvelles et à la reprise de zones de plus en plus profondes des vieux profils continentaux rubéfiés si bien qu’à l’Arénig les zones profondes décolorées sont atteintes et fournissent un matériel sableux qui donne naissance au grès armoricain.
Pendant cette période, dans les zones encore émergées et particulièrement sur les reliefs situés au Nord de la Ride de Rennes, les conditions climatiques sont telles que les processus d’altération météorique conduisent à une importante libération de fer et à des cuirassements locaux.
Durant les périodes de stabilisation de la transgression, les apports d’éléments détritiques dans le bassin de sédimentation diminuent et le fer mis en solution dans les plateaux émergés et transporté par les eaux de ruissellement précipite en atteignant les eaux marines pendant que les boues ferrifères floculent.
Lors des périodes de reprise de I ’érosion, on voit s’accumuler des débris provenant de la destruction des cuirassements continentaux et des sédiments plus riches en détritiques correspondant à la reprise des arènes. Peu après la dernière période d’accumulation de sédiments riches en fer, la zone littorale est le siège d’un envasement local qui aboutit à la formation des schistes intermédiaires.
Dans les zones de dépôt des sédiments ferrifères, le fer peut précipiter sous des formes variées suivant les conditions locales : hématite, magnétite, silicate, sidérite et plus rarement pyrite. Au sein du sédiment les phénomènes de la diagenèse précoce aboutissent à la transformation des minéraux primaires et à la formation d’une seconde génération de minéraux ferrifères à partir des eaux interstitielles.
J.-J. Chauvel décrit une pénéplaine briovérienne émergée, oxydée en surface et marquée par des reliefs résiduels qui dessinent des gouttières orientées Est-Ouest soumises à l’érosion.
La transgression marine paléozoïque s’effectue progressivement depuis la série rouge jusqu’au grès armoricain. Les sédiments d’abord systématiquement rubéfiés (la série rouge) du fait de l’érosion d’un continent briovérien oxydé en surface deviennent plus clairs (grès armoricain) mais enregistrent encore quelques apports ponctuels de fer (reprise d’arène et cuirassement sur les relief résiduels du Grès armoricain).
Le fer est apporté par les eaux douces continentales, il précipite au contact de l’eau salée en milieu marin 2. sous la forme d’hématite, magnétite, sidérite, en fonction des conditions de profondeur et d’oxygénation du dépôt.
Sur le territoire de Brocéliande, la formation du Grès armoricain est moins épaisse (200 à 400 m) que plus à l’Est sur la même structure synclinale paléozoïque (Bain de Bretagne : 400 à 800 m, voir Fig. 5).
— BALLÈVRE, Michel, BOSSE, V., DABARD, M.-P., [et al.], « Histoire géologique du Massif armoricain : actualité de la recherche. », Bulletin de la Société géologique et minéralogique de Bretagne, (D), Vol. 10-11, 2013, p. 5-96. —
Dans sa plus grande épaisseur (par exemple coupe de la Vilaine), la Formation du Grès armoricain possède trois membres distinctifs. Il s’agit du Membre du Grès armoricain inférieur, du Membre de Congrier ou « Schistes intermédiaires » et du Membre du Grès armoricain supérieur. Les « Schistes intermédiaires », constitués des pélites micacées n’ont pas été reconnus sur la feuille Ploërmel (2004).
- Le minerai de fer, correspond à des dépôts épisodiques situés dans le Grès armoricain à divers niveaux. Ce minerai est représenté à Coëtquidan en 1908, par Kerforne F. à la base du Grès armoricain. Ailleurs il est situé plus haut 3.
Au sein du Grès armoricain le minerai correspond à des sédiments gréseux ou gréso-quartzitiques fins formés de grains de quartz unis par un ciment où se développent les minéraux ferrifères.
En Bretagne centrale (là où le grès armoricain est le plus épais – voir Fig. 5 Coupe Bain de Bretagne), quatre couches de minerai de fer sont interstratifiées dans le membre inférieur du Grès armoricain, elles sont désignées par les lettres A, B, C et D (A étant la plus récente).
Seules les deux couches supérieures, qui présentaient un intérêt économique, sont bien connues.
La puissance de la couche unique A varie de 1,3 à 4,2 mètres (moyenne 2,5 m environ) d’épaisseur. La couche B, d’une puissance moyenne de 5,9 m environ, est en réalité subdivisée en trois couches totalisant une épaisseur moyenne minéralisée d’environ 1,9 mètres. — CHAUVEL, Jean-Jacques, Contribution à l’étude des minerais de fer de I’Ordovicien inférieur de Bretagne, Thèse de doctorat en Sciences de la Matière, Rennes 1, 1968. —.
A retenir
La Forêt de Paimpont, qui recouvre en partie le Grès armoricain, est susceptible de recéler des couches de minerai de fer natifs interstratifiées dans le Grès armoricain.
Les observations faites par Davy et Kerforne au début du 20e siècle, confirment de visu qu’ici le Grès armoricain est la formation géologique hôte du minerai de fer.
C - Le minerai de fer - Contexte géologique à l’Ère tertiaire
— MENIER, David, Morphologie et remplissage des vallées fossiles sud-armoricaines : Apport de la stratigraphie sismique. Minéralogie, Thèse Université, Rennes 1, 2003.- BRAULT, Nicolas, Ressources du sous-sol et environnement en Bretagne - Genèse, géométrie et propriétés de différents types d’aquifères, Thèse d’université, Rennes 1, 2002, 187 p. —
Au début de l’Ere tertiaire, les terres émergées du Massif armoricain forment un plateau en relief de 100 à 150 m par rapport au niveau marin 4. Ce plateau est aussi appelé « Surface éocène », il est dû à la poussée tectonique pyrénéenne 5 .
Les terres sont occupées par des zones marécageuses littorales de type mangrove 6. ou lagune 7 , bordées à l’intérieur par une végétation dense identique à celle des zones tropicales humides actuelles (Ollivier-Pierre, 1980).
Du fait du climat tropical chaud et humide, (chimiquement hydrolysant et agressif), ces paysages vont enregistrer une altération profonde (jusqu’à 30 à 40 m d’épaisseur), de type latéritique .
Fonctionnement des profils latéritiques actuels – Construction des cuirasses ferrugineuses
Cette partie est largement inspirée du document : — ANONYME, « BRGM/RP-57737-FR Régolithe : substrat d’un développement durable – état de la connaissance sur les formations géologiques de surface – rapport phase 1 - décembre 2009 », BRGM - Service géologique national, 2009. —
–Ce document rassemble la définition des formations géologiques le plus souvent citées dans les notices/Légendes de la carte géologique de France.]]
Sous les climats tropicaux actuels (voir Fig 9), le flux continu et important d’eau de pluie infiltrée (peu minéralisée), entraîne l’altération intense des minéraux (feldspath, biotite…) des sols superficiels et du substrat rocheux.
L’altération progresse per descensum de la surface vers la profondeur. La limite inférieure soit le contact avec le substrat rocheux non altéré, correspond au "front de l’altération"
Les ions les plus solubles Na, K, Ca et Mg sont ainsi rapidement exportés (1 sur la Fig. 9) par lessivage 8.
Les éléments moins solubles Al, Fe, Si sont évacués plus lentement et peuvent ainsi se réorganiser en partie sur place, pour constituer des minéraux néoformés (2) 9 :
- Dans la partie inférieure du profil saturé en eau, l’aluminium se combine à la silice, pour former de la kaolinite (Al2Si2O5(OH)4) ;
- Dans l’horizon superficiel, le fer peu mobile s’accumule sous la forme d’une cuirasse latéritique, composée d’un mélange d’hématite (Fe2O3) et de goethite (α Fe+3O(OH)) si la cuirasse est imbibée par l’eau de pluie.
- La cuirasse (Estéoule-Choux, 1967) présente une structure feuilletée (plaquettes brunes ou ocres alternées) ou scoriacée (partie durcie ocre à rouge englobant des zones argileuses ocres à blanches).
Ces cuirasses de « fer résiduel » se construisent "par défaut", du fait du départ des autres éléments chimiques du profil, par le lessivage intensif.
Ce processus de latérisation dure tant que de l’eau peu minéralisée s’infiltre en abondance et en continu dans le profil.
— Concernant les accumulations/dépôts de fer s.l. , L’expérience prouve que de nombreuses « cuirasses latéritiques » observées en Afrique…ne se sont pas formées in situ, mais résultent aussi du remaniement du matériel issu d’anciennes cuirasses latéritiques maintenant érodées (3)
— BRGM/RP-57737-FR —.
Ceci montre qu’une fois attaquées par l’érosion, les cuirasses alimentent des écoulements latéraux enrichis en fer dissous. Ces écoulements étant ensuite piégés ou accumulés sur n’importe quel contexte topographique favorable (replat, cuvette, barrage…).
Une cuirasse latéritique en place, non remaniée (latérite s.s) repose sur une couche épaisse argileuse constituée de kaolinite, la cuirasse ferrugineuse en place est composée d’hématite ou de goethite, les deux minéraux cohabitent en fonction de l’humidité qui conditionne l’altération de la cuirasse.
Une cuirasse latéritique altérée/remaniée (latérite s.l) produit des jus enrichis en fer, qui se déposent à distance (ferricrètes) et en aval de la cuirasse originelle (endommagée ou détruite), sur n’importe quel substrat y compris de la roche dénudée.
Intégration des cuirasses ferrugineuses (latérites s.l.) dans un modèle d’organisation des altérations - le cas particulier des ferricrètes et des silcrètes.
— Le modèle d’organisation des altérations
Wyns et al. (2002) — WYNS, R., « Climat, eustatisme, tectonique : quels contrôles pour l’altération continentale ? Exemple des séquences d’altérations cénozoïques en France », Bulletin d’Information des Géologues du Bassin de Paris, Vol. 39 / 2, 2002, p. 5-16. —proposent un modèle d’organisation topographique des altérations.
— WYNS, R., QUESNEL, F., SIMON-COINCON, R., [et al.], « Major weathering in France related to lithospheric deformation », Géologie de la France, Vol. 1, 2003, p. 79-87. —
- Les zones hautes du paysage correspondent à des sites d’altérations soustractives du fait de l’exportation hors site des ions, du fait du lessivage à grande profondeur par les eaux infiltrées.
- Les zones basses, où la nappe phréatique est peu profonde, constituent des lieux d’accumulation (altérations additives) des eaux de percolation (sursaturées en éléments chimiques dissous) issues des zones hautes.
Durant les saisons sèches le confinement amène la précipitation des éléments dissous par l’évaporation (sursaturation).
Ils se forment de nouvelles minéralisations dont le type dépend de la nature des éléments chimiques apportés : Silice SiO2 : Silcrètes – Calcaire, CaCO3 : Calcrètes – Dolomie, Ca Mg(CO3)2 : Dolocrètes – Gypse, CaSO4(2H2O) : Gypscrètes.
Les transferts entre ces deux zones suivent des mouvements de l’eau gravitaires, par le biais des nappes phréatiques puis du réseau hydrographique qui les prolongent.
Ce schéma reprend le système exposé plus haut pour l’organisation des cuirasses latéritiques, distinguées suivant leur lieu d’origine en amont et leurs reliquats dissous précipités, transportés plus en aval.
Entre les deux étapes, le contexte climatique évolue puisqu’on passe d’un lessivage intense relié à un climat chaud et humide à une situation de confinement / précipitation en climat à alternances humides et sèches.
Le cas particulier des silcrètes et des ferricrètes
— Il y a deux types de silcrète suivant le mode de déplacement de la silice : des infiltrations verticales (silcrètes pédogénétiques) ou des transferts latéraux (silcrètes de nappe).
- Les silcrètes pédogénétiques témoignent à l’échelle des sols et altérites, de percolations hydriques verticales enrichies en silice, mobilisée et redistribuée de haut en bas :
Les matériaux illuviés 10, qui constituent le critère majeur d’identification des silicifications pédologiques, présentent un gradient vertical particulier :
— au sommet du profil, les éléments fins sont soutirés et les éléments résiduels forment un amas granulaire ;
— en base du profil, seules les particules fines sont présentes et accumulées en fines couches sur les parois des fentes et à la base des vides.Les silicifications pédologiques […] ont d’abord une signification climatique.
Le moteur de la silicification (accumulation de la silice) est la concentration des sols sous l’effet de l’évaporation. La nécessité d’approvisionner les horizons silicifiées en silice amène à considérer les climats comme semi-arides à saisons alternées (humide : lessivage de la silice -sèche : accumulation de la silice).
Ces silicifications pédologiques indiquent aussi des paléopaysages plats à dépressions plus ou moins endoréiques et stables sur une longue période.
— THIRY, Médard, Sédimentation continentale et altérations associées : calcifications, ferruginisations et silicifications. Les argiles plastiques du Sparnacien du Bassin de Paris, Mém. Sci. Géol., 64, 1981, 173 p. - THIRY, Médard, KOENIGUER, J.C. et MENILLET, F., « Les silicifications de surface : La typologie et les outils de leur interprétation », Bull. Inf. Géol. Bassin parisien, Vol. 25 / 4, 1988, p. 5-14. - THIRY, Médard, « Diversity of continental silicification features : examples from the Cenozoic deposits in the Paris Basin and neighbouring basement », in Paleoweathering, Paleosurfaces and Related Continental Deposits. Inter. Ass. Sediment. Special Publications, 27, Vol. 25, Thiry M. & Simon-Coinçon R. (eds), 1999, p. 87-127. —
- Les silcrètes de nappe impliquent la migration de la silice depuis des aires de production (le plateau) vers des dépressions. Cette migration s’opère suivant le trajet des nappes phréatiques ou des écoulements fluviatiles.
Un des exemples les plus connus est représenté dans le Bassin parisien, par les grès de Fontainebleau. La genèse de ces grès est liée à la « nappe phréatique des plateaux », qui ennoie des sables (sables de Fontainebleau) limités à leur base par une couche peu perméable argilo-calcaire (marne).
Cette nappe montre dans la zone de battement 11/écoulement de la nappe, des alternances de dissolution/précipitation de la silice (sous la forme de grès quartzite). Ces grès, indurés du fait de la cimentation siliceuse des grains de sables, forment des dalles silicifiées aux exutoires de la nappe, sur le rebord des plateaux.
Les calculs effectués prenant en compte une teneur ordinaire pour la nappe de 15 ppm de SiO2 (dont 10 ppm pour nourrir les grains du sable), une masse de 0,6 Kg de silice pour cimenter un dm3 de sable avec une porosité initiale des sables de 25%, un débit de source moyen de 6 m3 /heure, chiffrent la durée de construction d’une dalle silicifiée de 100 x 30 x 2 m, à 2 000 ans, soit un temps très court à l’échelle géologique.
Les silicifications de nappes ont une signification presque exclusivement paléomorphologique. Pour qu’elles se réalisent, il faut constamment renouveler les solutions ; elles ne se font donc que dans les zones d’écoulement des nappes. Ceci implique un paysage entaillé […] Ces silicifications n’ont en général aucune signification paléoclimatique et donc stratigraphique.
— Les ferricrètes (s.s.) au sens de la carte géologique, correspondent aux cuirasses ferrugineuses en place au-dessus d’un profil latéritique, elles apparaissent sur le terrain sous la forme de « croutes » enrichies en oxydes et hydroxydes de fer.
Comme vu plus haut, elles peuvent aussi représenter d’anciennes cuirasses latéritiques (s.l.) érodées, dont le fer dissous a été exporté latéralement. Elles acquièrent localement un aspect de conglomérat ferrugineux, dans la mesure où les solutions riches en fer peuvent cimenter un sédiment grossier préexistant (dépôt fluviatile ou éolien) ou une roche en place fracturée (grès, granite…).
Application au Massif armoricain
Bibliographie choisie
Paul Bessin (2015) précise
« Un certain nombre de points d’affleurement (souvent en "pierre volante") de "ferricrètes" décrites sur les cartes géologiques ont été retrouvés afin de vérifier leur appartenance :
I) aux "ferricrètes", formées par la recristallisation sous une forme insoluble du Fer issu du lessivage ou de l’érosion, par exemple, de cuirasses de profils latéritiques,
(II) aux "cuirasses latéritiques en place", issues des processus d’altération.
soustractives.
Dans un sol actuel, l’alios est issu de la cimentation de grains par des colloïdes ferrugineux et humiques dans l’horizon d’accumulation (Horizon B).Le matériel silicifié peut présenter des faciès sableux fin à grossiers jusqu’à conglomératiques. Les plus reconnaissables présentent un faciès lustré tandis que d’autres sont caractérisés par des traces de systèmes racinaires. La plupart des silcrètes reconnus affleurent en "pierre volantes" ou blocs erratiques bien que certaines dalles en place soient observables à quelques endroits.
Les alternances possibles entre silicification et ferruginisation au cours de l’histoire géologique et géomorphologique du Massif armoricain sont illustrés (Fig. 13) à Saint Sulpice des Landes où un silcrète Paléogène repose sur un profil d’altération antérieur (non visible) développé sur la surface d’aplanissement PS5 12). Ce silcrète est lui-même postérieur à une phase de ferruginisation se situant certainement elle aussi dans le Paléogène ».
Les Silcrètes
Les silcrètes signalées en Bretagne sur la « Surface éocène », (voir Fig 9) au sommet du profil (coupe sol/altérites, Brault N. 2002) correspondent soit à des conglomérats plus ou moins grossiers cimentés par de la silice, ou toute forme de croûte siliceuse.
— Concernant les silcrètes Brault N. (2002) indique :
— THIRY, Médard, SIMON-COINCON, Régine, RICORDEL, Caroline, [et al.], « Paléosurfaces et paléoreliefs mésozoïques et cénozoïques du Massif Central : décryptage d’un transect Nord-Sud », Paris, Mines, 2006. —
« Sur le Massif armoricain, les silicifications ont toutes un caractère résiduel et sont dispersées sous forme de blocs épars à la surface des champs.
Ces silicifications, qui affectent des matériaux variés, présentent des similitudes avec celles décrites dans le bassin de Paris : des débits en colonnes, des figures d’illuviation, des coiffes, des oxydes de titane en abondance et parfois des traces de végétaux. … elles sont attribuées à l’Eocène moyen-supérieur...
Ainsi, la période favorable à la formation des silicifications pédogénétiques (silcrètes) s’étend depuis l’Yprésien jusqu’au Bartonien, soit presque 20 Ma. …
Ils apparaissent sur tous les types de lithologie et, quand ils sont en place, se présentent sous la forme de dalles horizontales d’épaisseur métrique.Ces dalles siliceuses se superposent localement aux cuirasses ferrugineuses des profils latéritiques. 13 …
Sur le Massif armoricain, dans l’hypothèse où les silicifications sont contemporaines de celles du bassin de Paris, la surface éocène est par conséquent caractérisée par les profils latéritiques et par les silicifications pédologiques qui la recouvrent ».
Ces silicifications pédologiques se seraient mises en place dans un environnement chaud et humide à saisons contrastées, avec une sécheresse marquée pendant les périodes chaudes (Thiry, 1981 ; Thiry et Simon-Coinçon, 1995).
Les silicifications pédologiques indiquent aussi des paléopaysages plats, à dépressions plus ou moins endoréiques, à l’image des vastes glacis silicifiés d’Australie (Thiry et al., 1988).
En effet, là où les reliefs sont prononcés et les pentes accentuées, l’érosion et le ruissellement sont importants : la silice ne précipite pas (Blanc-Valleron et Thiry, 1993). A titre d’exemple, Thiry et Simon-Coinçon (1995) proposent une pente générale de 0.14% pour les paysages où sont apparues les silicifications au sud du bassin de Paris ».
Concernant la paléogéographie du Bartonien N. Brault (2002) indique :
Sur le littoral, les mangroves disparaissent et sont remplacées par des milieux marins confinés où ont lieu, successivement, des néoformations de smectite, d’attapulgite et de gypse.
Pour Estéoule-Choux (1967, 1968a), la néoformation des minéraux argileux (smectite et attapulgite), et l’apparition des silicifications, seraient dues à un changement des conditions paléoenvironnementales : le milieu chaud et humide, présent au moins depuis le début du Tertiaire, devient de plus en plus aride. Le confinement est alors général.
La Pl. 7, fait coïncider la mise en place des silcrètes, au passage des étages Lutétien/Bartonien (42 Ma). Cette époque correspond à la fois à un abaissement de l’altitude relative du Massif armoricain vis-à-vis du niveau marin transgressif et un climat plus arides.
Le lessivage latéritique intense et profond est stoppé du fait d’une part que la nappe phréatique s’ajustant au niveau marin est désormais peu profonde et que le flux d’eau pluviale est moindre car restreint aux saisons humides plus rares.
Ces conditions paléoenvironnementales : diminution de l’humidité limitant l’intensité du lessivage des eaux de précipitation, aridité provoquant le confinement des solutions (Fe, Si…) expliquent pour le Massif armoricain, à la fois l’arrêt des processus de latérisation initiés au Crétacé supérieur / Eocène et la mise en place des silicifications au Bartonien.
Les cuirasses ferrugineuses et les ferricrètes
— Concernant les cuirasses ferrugineuses, Brault N. (2002) précise :
La présence de la goethite 14 dans les cuirasses ferrugineuses du Massif armoricain montre qu’elles ont subi une évolution complexe qui a finalement abouti à la disparition d’une partie plus ou moins importante de l’hématite 15. Ces cuirasses à goethite seraient donc les témoins de l’évolution du Massif armoricain, évolution dans laquelle l’hydratation est devenue prépondérante après le développement des grands profils d’altération latéritique.
Sur le Massif armoricain, les reliquats de cuirasses dans lesquels l’hématite est encore abondante n’auraient subi aucune évolution et seraient les témoins directs de cuirassements ferrugineux originels. [...]
A retenir
La Forêt de Paimpont, dont les reliefs résiduels culminent à 230 / 250 m porte-t-elle la trace de la « Surface éocène » ?
Si oui, le fer pourrait représenter le témoin d’une cuirasse latéritique en place sur une couche argileuse (kaolinite) épaisse. Dans ce cas on pourrait rechercher s’il existe des traces de silcrètes affleurantes au-dessus de la cuirasse.
Le fer peut aussi correspondre à des ferricrètes, issues de la destruction de cuirasses (s.l.). Cette érosion aurait alimenté en saison humide un flux de solution ferrugineuse mobile, solidifiée çà et là, en saison chaude, sur des espaces plats confinés en voie d’assèchement, 16.
D - Sites à visiter
Le site de Trudeau - Péronnette (Paimpont)
Le site est signalé en 1993 — LARCHER, Guy, « Sites métallurgiques de la région de Paimpont », 1993, Voir en ligne. —, il fera l’objet de fouilles en 2007 — GIRAULT, Nicolas et OILLIC, Jean-Charles, « Rapport de prospection thématique - Le site de Péronnette en Paimpont (Ille-et-Vilaine, Bretagne), Vestiges d’activités minières et métallurgiques, », Rennes, service régional de l’Archéologie de Bretagne, 2007, Voir en ligne. — et 2008 — VIVET, Jean-Bernard, « Péronnette (Paimpont 35) – Site de métallurgie du fer de la fin du Moyen Âge », 2008. —.
Sur le terrain en 2016, nous n’avons pas retrouvé l’affleurement de Grès armoricain (pendage 10° vers le sud-ouest) signalé sur la carte géologique, en limite sud de l’étang du Pas du Houx. La carrière de Trudeau (1) montre des bancs gréseux de teinte jaunâtre peu pentés, correspondant au Grès armoricain, ici dénué de couverture altérée superficielle épaisse.
— Pour accéder à la minière de Péronnette, il faut impérativement garer sa voiture sur l’entrée du chemin situé à l’ouest de Trudeau et poursuivre à pied (Fig. 17) vers l’ouest, sur la D.40 vers la barrière placée au sud.
Ici un « chemin » descend vers le sud-est : en se guidant vers la lisière du bois à l’est, on arrive sur un monticule qui correspond à la halde (amoncellement formé par les déchets et stériles issus de l’exploitation de la minière) et mène à la minière située plus au nord à quelques dizaines de mètres.
Quand le plan d’eau est abaissé, celui-ci découvre sur le front de taille ouest de la minière, des bancs gréseux et pointement(s) ferricrète(s). Le Grès armoricain est dénué d’une couverture altérée épaisse.
L’affleurement de ferricrète se marque par un pointement rocheux encadré par les bancs peu pentés attribuables au Grès armoricain.
- Ce contact placé en surplomb du plan d’eau est difficile à déchiffrer du fait du « manque de recul » pour analyser commodément le site.
La cote relativement basse du plan d’eau aujourd’hui, permet d’envisager à l’étiage 2019 une bonne opportunité d’examen de ce site.
- D’un point de vue pétrographique : la structure de la ferricrète, qui correspond à une brèche assemblant des fragments gréseux (Grès armoricain) par l’intermédiaire d’un ciment ferrugineux, caractérise l’antériorité de la formation du Grès armoricain par rapport aux ferricrètes qui remanient le substrat gréseux.
Sans élément stratigraphique « calé », placé au-dessus des ferricrètes, il est difficile de dater précisément l’âge de ces écoulements métalliques.
À retenir
Le minerai de fer exploité dans la minière de « La Péronnette » ne correspond pas aux couches sédimentaires ferrugineuses interstratifiées dans le Grès armoricain (voir Fig. 3.6). Il s’agit ici d’une brèche de fragments gréseux, cimentés par une solution ferrugineuse et posée sur le substrat rocheux (Grès armoricain). Ce substrat est ici dépourvu d’une couverture d’altérite argileuse épaisse.
Au niveau des modèles d’organisation des altérations vus plus haut, nous nous situons ici dans le cas des « ferricrètes », dans la mesure où la solution ferrugineuse, correspondrait à un écoulement latéral alimenté en métal issu de l’érosion/désagrégation des couches de minerai contenu dans le Grès armoricain en place, ou d’une cuirasse construite sur la « Surface éocène » et disparue depuis.
Le site du Bois du Ferron (Mauron)
Concernant les gisements de fer les plus proches, la carte géologique (feuille de Saint-Méen-le-Grand, 2008) signale en bordure de la D.776, la présence de cuirassement ferrugineux.
Dans le bois du Ferron, le bien nommé, à la hauteur de la Ville Germain sur la D766, des fragments de cuirasse peuvent être localement observés. Il s’agit ici de formes scoriacées qui se sont développées au sein de la masse argileuse en englobant des lentilles d’argiles. Lorsque les matériaux meubles ont été déblayés, il est resté des alvéoles. Selon J. Estéoule-Choux (1967), ce type de structure dénote l’action d’un niveau hydrostatique sur un profil argileux : c’est une accumulation absolue alimentée essentiellement par des apports latéraux dus à une nappe.
La citation « J. Estéoule-Choux (1967) », s’applique à des ferricrètes scoriacées observées dans la minière de Rougé (44660) :
Les accumulations ferrugineuses sont essentiellement formées de goethite englobant de petites lentilles d’argile…Lorsque ces parties meubles ont été déblayées, il reste des alvéoles. Cette structure dénote l’action d’un niveau hydrostatique sur un profil argileux : c’est une accumulation absolue alimentée essentiellement par des apports latéraux dus à une nappe.
Pour les auteurs de la carte géologique, les formations ferrugineuses du bois du Ferron peuvent être rapportées aux « ferricrètes vraies » car elle sont associées à des profils d’altération épais.
Le point F5 localisé sur la feuille géologique, signale l’emplacement d’un sondage de reconnaissance géologique, la coupe de terrain réalisée, montre une couche argileuse de 20 m d’épaisseur, correspondant à l’altération du substrat briovérien (Schistes sombres).
Ce sondage montre une altération épaisse du substrat briovérien sur laquelle seraient positionnés les indices de cuirasse ferrugineuse.
Lors de nos visites, nous n’avons pas retrouvé sur place, les éléments de terrain relatés ci-dessus. L’agriculteur installé à la Ville Germain nous a indiqué qu’il ne connaissait pas ici de traces de formations ferrugineuses, en place ou fragmentées.
À retenir
Comparativement au site précédent (Peronnette) il s’agirait ici d’un cuirassement placé au-dessus d’un profil altéré argileux épais, donc similaire aux profils latéritiques associés à la « Surface éocène » originelle ? Il conviendrait, en retournant sur place en saison où la végétation est moins dense, d’essayer de retrouver les indices de cuirasses signalés par les auteurs de la carte géologique.
Le site du Verger
Commune de Ménéac 17.
La notice de la carte géologique de Saint Méen le Grand indique :
Ces silicifications, qui se localisent au-dessus des allotérites de schistes briovériens, se composent de petits galets de quartz dont le diamètre est inférieur à 5 cm, très bien roulés. Ces galets sont assemblés par un ciment siliceux fin, l’ensemble ayant une couleur blanche assez franche. Les figures caractéristiques des silcrètes d’origine pédologique (et notamment le débit en colonnes, les figures d’illuviation et les coiffes) n’ont pas été observées ; de par leur localisation géographique et leur positionnement au sommet du profil d’altération, nous prenons le parti de les ranger dans la catégorie des silcrètes, mais des observations ultérieures et plus poussées devront corroborer cette attribution.
On observe des dalles silicifiées le long de la D793, au sud-ouest de Ménéac. Elles sont localisées dans le petit bois qui borde la route juste avant le croisement avec le chemin du lieu-dit le Verger.
Elles furent exploitées autrefois, comme en témoigne les restes de front de taille artisanal, vraisemblablement pour servir de moellons aux constructions proches.
Le site de Bégnon
Commune de Ménéac. Ferricrète au sens de la carte géologique (voir localisation Illustration 26)
Ces deux sites ont fait l’objet d’une sortie géologique le 2 mai 2019.
À Bégnon, tout près du site précédent, de nombreux fragments de cuirasse ferrugineuse, certains de taille importante, parsèment les champs et sont souvent entreposés en bordure de parcelle. Cette cuirasse n’a pu être observée in situ.
Ce gisement est localisé sur un petit replat à des altitudes voisines de 150 m, il surmonte les allotérites des micaschistes formant l’auréole de contact du granite de Ménéac.
Le gisement, de taille modeste, n’a pas fait l’objet d’une recherche (pour exploitation) particulière.
Les fragments de cuirasse observés sont très pauvres en argiles (kaolinite) et micas. Ils correspondent à un assemblage « presque pur » d’oxydes de fer selon, des processus d’accumulation en imprégnation caractéristiques du sommet du profil latéritique.
Ce reliquat de cuirasse à hématite dominante serait ainsi, le témoin direct des cuirassements ferrugineux originels qui ont coiffé les profils de sols latéritiques élaboré au début du Tertiaire sur la surface éocène.
Il n’a pas été effectué d’analyse précise sur les échantillons de Bégnon, mais celles réalisées sur des cuirasses morphologiquement identiques (Esteoule-Choux, 1967) montrent qu’ici les oxydes de fer seraient essentiellement représentés par de l’hématite (forme anhydre originelle), avec de la goethite (forme hydratée) secondaire.
Transition
Par comparaison avec la « coupe sol/altérites, préservée de l’érosion, au niveau de la Surface Eocène » proposée par N. Brault en 2002 (voir Fig. 9), on peut imaginer sur la forêt de Paimpont que le fer qui fut exploité çà et là, peut appartenir à différents contextes géologiques :
- (1) Il s’agit de couches sédimentaires de minerais de fer interstratifiées dans le Grès armoricain (478 à 472 Ma) : Les sites décrits par F. Kerforne à Coëtquidan (Guer) en 1908 correspondent à ce contexte. Le site du minerai de l’Etang bleu (minière de La Prée) décrit par L. Davy en 1911, intercalé dans de l’argile, pourrait correspondre à ce contexte en supposant que le Front de l’altération latéritique soit plus profond que sur l’illustration ci-dessus.
Cette hypothèse est plausible dans la mesure où à Mauron (site du Bois Ferron) et à Ménéac (site de Bégnon) le front de l’altération latéritique atteint des sédiments briovériens antépaléozoïques. - (2) Il s’agit d’une cuirasse ferrugineuse coiffant un profil épais argileux, correspondant à l’altération intense du socle rocheux (depuis le Grès armoricain jusqu’au Briovérien) durant le Paléocène et l’Eocène moyen (66 à 45 Ma) : Sur la carte géologique les « ferricrètes vraies » signalées au Bois du Ferron (Mauron) correspondraient à ce contexte géologique.
- (3) Le démantèlement des cuirasses ferrugineuses (arrêt de la latérisation), est causé par l’individualisation de saisons sèches, durant l’Eocène moyen (45-40 Ma). Ce démantèlement produit des écoulements de jus riches en fer qui ont précipités latéralement et plus bas 18 : La minière de La Péronnette (Paimpont), fragments de Grès armoricain emballés dans un ciment ferrugineux, moulant un substrat gréseux (Grès armoricain) en place 19 correspond à ce contexte géologique.
- (4) et (5) Silcrète et transfert latéral de silice (par analogie avec le Bassin parisien), La silice, ne peut avoir été mise en solution, concentrée et précipitée, que sur des paléopaysages plus ou moins plats, stable avec des périodes d’évaporation et des environnements marqués par des alternances de périodes humides et sèches mais toujours chaudes, à l’image des régions semi-arides actuelles.marquent du fait de l’individualisation de saisons sèches. Ces dépôts marquent la fin de la latérisation : le site du Verger (Ménéac) correspond à ces contextes géologiques, qui pour le moment n’ont pas été vus dans la forêt de Paimpont. Ici, ils seraient à rechercher topographiquement au-dessus des cuirasses ferrugineuses en place.
Les fragments de cuirasse et silcrète (taille maximale pluri-métrique) se trouvent en aval des zones sources, en contexte de plateaux ou d’éboulis de versant, sur substrat variés. Ces « pierres volantes » permettent d’inventorier les faciès existants sans pour autant être à proximité d’affleurements de qualité.