Les 12 et 13 août 2022, un violent incendie se propage dans la partie ouest du massif forestier de Paimpont. Il parcourt environ 500 ha et touche une zone dans laquelle de nombreux incendies d’envergure ont eu lieu depuis 1976, le dernier datant de 2009.
Avant 1947, ils sont principalement localisés dans la partie est et nord (Haute et Basse Forêt), caractérisée par des sols profonds relativement hydromorphes, peuplés de feuillus et de résineux 1.
À partir de 1947, ils sont surtout localisés dans la partie ouest du massif, touchent des surfaces beaucoup plus importantes et concernent principalement les landes.
Depuis 1976, la partie ouest a subi de fréquents incendies, dont les principaux datent de 1984, de 1990, de 2005, de 2009 et de 2022. Cette récurrence trouve son explication dans trois facteurs favorisants :
Le substrat géologique : les dalles pourprées de Montfort (Ordovicien inférieur) donnent naissance à des sols minces avec une faible réserve hydrique, entraînant des risques de sécheresse.
La couverture végétale dominante : les landes sont principalement peuplées d’ajonc d’Europe (Ulex europaeus), plante pyrophile 2.
L’abandon des usages agricoles : Il provoque une augmentation progressive des risques d’incendie dont l’effet se fait sentir à partir de 1950 3.
L’incendie des 12 et 13 août
Le 12 août, vers 1h du matin, un incendie (sans doute d’origine criminelle) se déclare dans la vallée Saint-Amant 4.
Poussé par un vent d’est soutenu 5, il se propage très rapidement vers la Butte de Tiot. Il passe au sud du Tombeau du Géant, frôle la Crois Lucas et poursuit sa route vers le Bréhelo dans l’après-midi.
Il ne franchit pas au nord le chemin du GR37, sans doute combattu par les pompiers pour l’empêcher de gagner le Val sans Retour situé à 500 m au nord.
Suivant le parcours de 2005, il gagne les Landes Rennaises, Sainte-Anne, la Croix de Campénéac. Il s’arrête à l’ouest au niveau des cultures, au-dessus du « Vieux-Quily ».
Une vue panoramique de l’incendie dans le courant de l’après-midi du 12 août : depuis Le Bréhelo à gauche jusqu’aux Landes Rennaises à droite
L’extension de l’incendie
L’incendie parcourt environ 500 ha en deux jours.
Le feu parcourt successivement toutes les « zones à risques » déjà touchées plusieurs fois par les incendies précédents : « Butte de Tiot », « Le Bréhelo », « les Landes Rennaises ».
On peut y ajouter en 2022 :
Le plateau de Trécesson, situé à l’est de la vallée Saint-Amant. Une partie de cette zone avait brûlé en 1976 et 2009.
La lande sur le camp de Coëtquidan, au-dessus de Tréfrain et Mouzenant.
Les landes de Rohan (du nom du ruisseau qui coule en contrebas), situées entre la butte de Tiot et le Bréhelo. Cette zone avait été incendiée en 1976 et 1984.
L’incendie a permis de (re)découvrir un ensemble de mégalithes de l’Âge du Bronze : dalles et tumulus.
Une zone située au sud-ouest de la Croix Lucas et au sud du Tombeau du Géant. Incendiée en 1984, elle avait fait l’objet de plantations de résineux et de chênes rouges d’Amérique. Une cinquantaine d’hectares sont touchés, essentiellement des résineux.
Des conditions météo exceptionnelles
Le printemps et l’été 2022, très chauds, sont très au dessus des températures moyennes. En conséquence, la végétation souffre - ajoncs et arbustes sont secs - favorisant le déclenchement d’un incendie.
Le bilan hydrique est très défavorable à partir du mois d’avril.
Des villages évacués
Les villages menacés par la progression rapide de l’incendie sont évacués dans l’urgence, entre 2 h 30 et 5 heures du matin. Près de 150 personnes trouvent un point de chute à la salle polyvalente de Campénéac, réquisitionnée par la municipalité.
Incendie en forêt de Brocéliande : évacués d’urgence en pleine nuit, les habitants racontent.
Un important incendie embrase la forêt de Brocéliande dans le Morbihan ce vendredi 12 août 2022. Il a entraîné des évacuations. Les habitants témoignent.
« On a regardé ça à la télé tout l’été sans imaginer que notre tour allait venir. » Ce vendredi 12 août 2022 à Campénéac (Morbihan), Marie-Thérèse a fermé la porte de la maison la gorge serrée, « on a peur de tout perdre ». Réveillée à cinq heures par des voisins, elle a rassemblé des affaires à la hâte pour se mettre en sécurité.
Plusieurs villages menacés sont évacués par précaution (de l’est vers l’ouest)
Tréfrain
Mouzenant
Le Lidrio
Trécesson
Leslan
La Tauponnière
L’abbaye La Joie Notre-Dame
Tréfrain et Mouzenant
En vacances chez ses grands-parents domiciliés dans le village de Mouzenant, la jeune femme a été tirée du lit au petit matin. « On tente de relativiser mais la situation est inquiétante. » Odeur de brulé, voile sombre : Inès est marquée.
Les villages de Tréfrain et Mouzenant, au sud de la zone incendiée ont été évacués.
Ces deux villages sont menacés par la progression du feu venant du nord.
Trécesson
« C’était un panorama surréaliste. »
Stéphanie, la propriétaire du château de Trécesson, a été l’un des premiers témoins du feu qui a détruit au moins 230 hectares de végétation, vendredi, dans la forêt de Brocéliande. « Les flammes étaient très impressionnantes et il y avait beaucoup de vent. On a été évacués vers 2 h 30. L’air était très chargé, les gorges étaient presque enrouées », poursuit-elle.
Leslan
Guillaume habite le lieu-dit Leslan. Lui aussi s’est fait réveiller au milieu de la nuit. « Les gendarmes sont venus tambouriner avec insistance à ma porte un peu avant 2 h 30. Dès que l’on a ouvert, on sentait que ça brûlait. Ils nous ont tout de suite demandé de quitter la maison. Par réflexe, j’ai juste pris mon téléphone et mes papiers et on est allés, avec ma compagne et ma fille, à l’étang.
La Tauponnière
La Tauponnière est épargnée par la présence de prairies et par l’action des pompiers et des moyens aériens.
L’abbaye La Joie Notre-Dame
Elles ont été évacuées en urgence à 14h30. Les 17 sœurs de l’abbaye de la Joie Notre-Dame ont dû quitter leur fief de Campénéac (Morbihan) ce vendredi 22 août 2022.
La Touche Guérin
Le village de la Touche Guérin n’a jamais été directement menacé car le vent est resté orienté à l’est les 12 et 13 août. Il ne tourne à l’ouest que le 14 quand l’incendie est maitrisé. L’incendie ne s’est approché que de 400 m au sud, entre le Tombeau du Géant et la Croix Lucas.
Pour les riverains les plus proches, comme Emmanuelle, qui vit à Paimpont [à la Touche Guérin], près du Tombeau du Géant, c’est la fatigue et le soulagement qui dominent, et aussi un très fort sentiment de reconnaissance vis-à-vis des pompiers : « Je suis surtout éblouie par les pompiers : ce sont des gens extraordinaires, je ne sais même pas comment leur dire toute la reconnaissance qu’on a pour eux et pour leur comportement. Il faut apporter des moyens aux pompiers, leur donner des moyens financiers et matériels pour combattre ces feux qui vont sans doute se multiplier. Il y avait énormément d’hommes, mais il a fallu un avion pour véritablement calmer le jeu et que les hommes puissent faire leur boulot derrière, parce qu’à un moment ce n’était plus gérable... »
Les sites emblématiques de Brocéliande : l’Arbre d’or, la Fontaine de Barenton ou l’Hotié de Viviane ont été préservés. Tout comme le Tombeau du Géant [...] Mais pour Emmanuelle, qui vit tout près, la préservation de ces sites ne fait pas oublier les ravages dans les espaces naturels : « Pour moi, le Tombeau du Géant, ce n’est pas le plus important, c’est justement la nature qui est autour. Ce sont surtout mes sentiers de promenade tous les jours, avec des milieux très diversifiés et extraordinaires, et c’est ça qui a été détruit. Il y avait une parcelle avec des châtaigniers qui était un endroit vraiment magique, avec des arbres magiques, et ça a brûlé. C’est tout une ambiance qu’on trouve ici et pas forcément ailleurs, et ça a été fortement détruit. »
Le moulin de Rohan est détruit
Leur moulin transformé en gîte a été détruit par les flammes, les propriétaires témoignent.
Une seule et unique bâtisse est partie en fumée dans l’incendie de Brocéliande : le moulin de Rohan. Une habitation devenue gîte, que les propriétaires ont découvert en ruines. [...]
« Il avait déjà été victime d’un violent incendie en 1976. Tel un phénix, il renaîtra de ses cendres une seconde fois. »
Des moyens au sol et aériens importants
Plus de 400 pompiers
422 sapeurs-pompiers sont intervenus pour lutter contre les flammes.
Immédiatement déployés, les sapeurs-pompiers du Morbihan ont été rejoints dans la matinée par des renforts venus d’Ille-et-Vilaine, des Côtes-d’Armor, de Loire-Atlantique, de la Manche, et de la région parisienne. Des militaires du camp de Saint-Cyr ont également participé. Au total, au long de la journée, 422 soldats du feu ont été mobilisés, avec 124 engins.
Le QG pompiers à la Touche Guérin et à Saint-Jean
Quatre avions mobilisés
Deux bombardiers d’eau suédois (Air Tractor) vont s’approvisionner au lac au Duc avant de faire des largages au-dessus de la forêt.
Deux avions Dash de la sécurité civile
Cet avion qui largue 22 tonnes d’eau et de produit retardant 6 a pris le relais des Air Tractor.
Un Dash à la rescousse
C’est un « renfort aérien de poids », comme l’a désigné le préfet du Morbihan, Pascal Bolot. Plus gros et plus rapides que les Canadair, les Dash ont aussi une plus grande contenance. La Sécurité civile compte actuellement sept modèles Dash-8 Q400, la version bombardier d’eau de ces avions, qui sont initialement destinés au transport de passagers (64 places). À titre de comparaison, la France compte 12 Canadair pour lutter contre les feux.
Face au feu, des dizaines d’agriculteurs aux côtés des pompiers
Le cultivateur de Campénéac (Morbihan) enchaîne depuis des heures les allers-retours avec son tracteur. Comme des dizaines d’agriculteurs du secteur, il est spontanément venu prêter main-forte aux pompiers.
« Mon voisin m’a réveillé vers 2 h du matin. Et on est partis. C’est normal. Quand c’est chez soi ou même chez le voisin, on y va. On ne se pose pas la question. »
Il peut à chaque rotation déverser jusqu’à 21 000 litres d’eau. La capacité des plus gros camions-citernes des pompiers est de 10 000 litres. Huit heures après son arrivée, Dominique Lefeuvre a déjà réalisé une quinzaine d’allers-retours.
Les habitants de la Touche Guérin en soutien aux pompiers
« Vous voulez un peu d’eau fraîche, un café ? » La scène est presque irréelle, à quelques centaines de mètres du chaos qui a plongé la forêt de Brocéliande dans les ténèbres, vendredi. Alors que des pompiers quittent le front des flammes, le visage noirci et dégoulinant de sueur, ils sont accueillis par une autre forme de chaleur, humaine, cette fois.
« Tôt ce matin, on a installé des grandes tables pour pouvoir leur donner à boire et à manger, explique une habitante [de la Touche Guérin], qui a elle-même appelé le 18 en pleine nuit. J’ai vu le ciel rouge à 1 h du matin, j’ai su que ce n’était pas normal. »
« On ne se pose même pas la question »
Par chance, la maison dans laquelle elle vit depuis sept ans n’a pas besoin d’être évacuée. Un frigo branché dehors abrite les sandwichs distribués par la municipalité, que les soldats du feu sont heureux de trouver pour leur pause. Les cafetières tournent à plein régime.
Les zones incendiées et leur recolonisation
Les groupements végétaux post-incendie
On observe une grande similarité des formations végétales dominantes entre les différentes zones incendiées.
une bryophyte 7, la funaire (Funaria hygrometrica)
Cette mousse est connue pour être favorisée par les incendies. Elle réagit rapidement à l’humidité ambiante et à la pluie. Elle change de couleur en fonction du cycle de reproduction.
En 2022, toutes les zones de landes à ajoncs, totalement détruites par le feu, se sont retrouvées couvertes d’un tapis continu de funaires.
le bouleau verruqueux (Betula verruscosa)
Cette espèce, dite « pionnière », est favorisée par une dispersion efficace des graines et une croissance très rapide.
Après l’incendie de 2022, elle colonise principalement les landes à ajoncs incendiées, mais aussi certains sous-bois relativement épargnés par le feu.
le genêt à balais (Sarothamnus scoparius) est également une espèce pionnière. Selon les secteurs, on la trouve en compagnie du bouleau ou dans les plantations de résineux détruites (p. ex. le secteur de la Croix Lucas). On observe alors des surfaces homogènes de plusieurs dizaines d’hectares.
la graminée Agrostide à soies (Agrostis curtisii) apparaît plus tard dans tous les milieux incendiés. Elle forme des touffes très denses.
la fougère-aigle (Pteridium aquilium)
Elle est très commune, voire envahissante et colonise notamment les sous-bois incendiés.
l’orpin anglais (Sedum anglicum)
Cette petite plante grasse (famille des Crassulacées) occupe la strate muscino-lichénique 8. Elle bénéficie de l’ouverture du milieu à la suite de l’incendie.
La recolonisation par les ajoncs dans les landes est très lente : en raison de la très forte intensité du feu, les souches sont brûlées en profondeur et le stock de graines a été détruit par la combustion de la couche superficielle du sol. Deux ans après l’incendie, on observe des touffes dispersées dans certains secteurs.
Le plateau de Trécesson
La butte de Tiot
Les plantations de résineux de la Croix Lucas
Cette zone est située au sud-ouest de la Croix Lucas et au sud du Tombeau du Géant.
Les landes de Rohan
Les mégalithes des landes de Rohan
Trois mégalithes de l’Âge du Bronze (Tiot-1 à Tiot-3) ont été redécouverts à la suite de l’incendie de 2022. Un quatrième a été découvert en août 2023 : le « Mur’Tet ». Ces mégalithes ont été étudiés et nommés par André Corre du Cerapar.
« Tiot-1 »
« Tiot-2 »
« Tiot-3 »
Ce mégalithe est facilement repérable jusqu’en 2024.
Les vestiges d’un ancien parcellaire
L’incendie des landes de Rohan a permis de mettre au jour un réseau de talus témoignant d’une utilisation agricole ancienne.