1891-1963
Pichery, Ronan
Militant breton et poète de Brocéliande
Ronan Pichery (1891-1963) est un poète et romancier breton. Militant breton et membre actif du Parti National Breton (PNB), il a placé toute son œuvre sous l’égide de « Brocéliande ». Il est, selon Jean Markale, l’initiateur de la Digor Gorsedd de 1951 organisée au Val sans Retour à Tréhorenteuc.
Un militant du PNB dans la guerre
Ronan Pichery (1891-1963) est le pseudonyme de René Cruchon, né à Combourg le 31 juillet 1891.
Membre actif du PNB (Parti National Breton) 1 dès les années de l’entre-deux-guerres, Ronan Pichery travaille à l’écriture d’une Histoire monumentale de la Bretagne. Il collabore avec René Yves Creston 2, membre fondateur du mouvement Seiz Breur, qui lui prépare une suite de 47 bois gravés 3. La guerre interrompt l’avancement de la publication qui est définitivement abandonnée en 1952. — CRESTON, René-Yves et PICHERY, Ronan, Les Heures Merveilleuses de la Légende et de l’Histoire de Bretagne, 1941. —
Pendant la Seconde Guerre mondiale, il occupe des fonctions officielles au PNB. Le 11 septembre 1943, il représente le parti à l’enterrement de Yann Bricler 4, premier militant breton a être exécuté par la Résistance. Olivier Mordrelle, ancien chef du PNB et cousin de Bricler était présent, ainsi que M. Pichery venu de Rennes pour représenter le parti.
— A.D.I.V. 43 W 53 in HAMON, Kristian, Les nationalistes bretons sous l’occupation, Kergleuz, An Here, 2001, 261 p., (« Collection histoire »).
[page 182] —
À partir de 1943, il crée des émissions radiophoniques sur « Rennes-Bretagne », ayant trait à l’histoire de la Bretagne 5, radio collaborationniste en langue bretonne créée par Roparz Hemon 6 et à laquelle son ami René Yves Creston participe activement.
Selon un rapport des Renseignements Généraux daté du 22 janvier 1944, Ronan Pichery s’est dissocié du PNB et a pris la tête du Conseil national breton.
A Vannes, on signale le départ à destination de Rennes de 5 jeunes : F., M., L., V., G., pour une formation paramilitaire de Rennes [La Bezen Perrot] rattachée au Conseil national breton dont le chef Pichery s’est séparé du PNB.
Arrêté à la Libération, Ronan Pichery est emprisonné le 11 août 1944 puis relâché en octobre avec pour mention dans son dossier de justice : Rien à reprocher au point de vue national
. De nouveau arrêté, trois jours plus tard, en tant qu’ancien membre du PNB, il est incarcéré à la Baraque XV
avec d’autres membres du parti. Le 1er décembre 1944, il est transféré à la prison Jacques Cartier de Rennes sous l’inculpation d’intelligence avec l’ennemi
. Après un non lieu accordé en aout 1945, il reste en prison quelques mois avant d’être libéré le 6 novembre 1945.— L’ENCHANTEUR MERLIN, « L’enchanteur Merlin nous écrit : Aux fontaines de Brocéliande », Fontaines de Brocéliande, Vol. 56, 1961, Voir en ligne. —
Le Cercle de Brocéliande
En juin 1946, Ronan Pichery fonde « Le Cercle de Brocéliande », maison d’édition domiciliée à Rennes, 54 rue Poullain-Duparc.
Créée dans le contexte troublé de l’immédiate après guerre, Le Cercle de Brocéliande a pour Ronan Pichery deux vocations principales : fédérer les écrivains bretons et permettre la publication d’œuvres littéraires et historiques inspirées par la Bretagne.
Il importait donc au premier chef, de grouper dans une école, tous ceux de ses enfants dont la plume, amoureuse de la forme, soit en langue française, soit en langue bretonne, exhale le parfum de l’âme celtique. Et c’est là, au cœur de la capitale bretonne, la raison de la création du Cercle de Brocéliande. [...] Ainsi, unis dans le même amour de la Bretagne, nous lui redonnerons un corps vivant pour abriter son âme immortelle. Et tous, sans arrière pensée, les yeux remplis de sa lumière, le cœur brûlant de sa flamme, nous marcherons joyeusement et fraternellement sur la route du destin celtique. War du ar pal !
Une quarantaine d’ouvrages sont publiés au Cercle de Brocéliande entre 1946 et 1963, parmi lesquels un essai de Michel Duval sur les Usements de Brécilien.
Ronan Pichery, directeur-auteur du Cercle de Brocéliande
Poursuivi par les conséquences de ses activités politiques pendant la Seconde Guerre mondiale, Ronan Pichery est jugé et condamné à deux reprises en tant que directeur des éditions du Cercle de Brocéliande.
En 1946, à peine sorti des fers, la fondation de sa maison d’édition lui vaut d’être à nouveau inculpé et condamné à l’indignité nationale à vie
. En 1949, la Chambre Civique le condamne à 10 000 francs d’amende pour avoir dirigé un organe de presse - Fontaines de Brocéliande - alors qu’il était frappé d’indignité nationale. En 1951, une loi d’amnistie 7 lui permet d’à nouveau exercer ses fonctions de directeur de maison d’édition. En 1958, tous les ouvrages parus au cercle de Brocéliande sont mis à l’index et interdits de librairie.— L’ENCHANTEUR MERLIN, « L’enchanteur Merlin nous écrit : Aux fontaines de Brocéliande », Fontaines de Brocéliande, Vol. 56, 1961, Voir en ligne. —
Entre 1946 et sa mort en 1963, Ronan Pichery publie huit ouvrages au Cercle de Brocéliande, un roman, cinq recueils de poésie et deux essais.
1946 — Le parisien
Le Parisien, son seul roman, sous titré roman de Haute-Bretagne parait en 1946.— PICHERY, Ronan, Le Parisien, sortilège à Combourg, Rennes, Le Cercle de Brocéliande, 1946. —
Le roman d’un jeune garçon, orphelin de l’assistance publique, placé chez des paysans bretons, et qui, plus tard, retrouve sa mère, Madeleine de Kerhelin, ainsi que son rang et sa fortune de gentilhomme campagnard. C’est un livre agréable, qui chante l’amour de la famille, du travail et de la terre natale.
1946-1952 — Œuvres poétiques
Ronan Pichery est l’auteur de cinq recueils de poésie parus entre 1946 et 1952. Deux d’entre-eux sont signés collectivement. Les trois autres sont publiés sous son seul nom.
- — PICHERY, Ronan, Stances à la Rose suivi de Le Baiser de Sappho, Rennes, Le Cercle de Brocéliande, 1946. —
- — PICHERY, Ronan, Guirlande pour un baiser, Rennes, Le Cercle de Brocéliande, 1949. —
- — PICHERY, Ronan, Les Amours & les Songes, Rennes, Le Cercle de Brocéliande, 1952. —
En 1952, il publie un recueil de poèmes en compagnie de Jaffrenou 8 et Bongorz 9, composées lors de leurs emprisonnements respectifs. — PICHERY, Ronan, JAFFRENNOU, François et BONGORZ, August, Trois Orphées aux enfers : anthologie des poèmes des authentiques bardes August Bongorz, Ronan Pichery-Abroc’Hell, F. Jaffrennou-Taldir, composés dans les fers, le Cercle de Brocéliande, 1952, 192 p. —
Cellule 44.
On me place entre deux gendarmes
En entrant à Jacques Cartier
Je déguste aussitôt les charmes
Infernaux de ce grand quartierDès la porte un gardien m’assomme
Et fait voltiger mon chapeau
Pour lui la politesse en somme
N’est qu’une étude à fleur de peau...Par le soupirail et il vente
A travers des carreaux brisés
Cela glacerait d’épouvante
Des cerveaux à peine blasésPuis je m’étends mais ma paillasse
N’est pas un moelleux séjour
Car sur la dure je rêvasse
Attendant que vienne le jour...
En 1959, sept de ses poèmes 10 paraissent dans un florilège des poèmes d’amour des bardes du Cercle de Brocéliande.— PICHERY, Ronan, DEFFAINS, Denise et CADOUDAL, Alain de, Les écrins de Brocéliande : florilège des poèmes d’amour des bardes du Cercle de Brocéliande, Rennes, Le Cercle de Brocéliande, 1959. —
Jean Markale, qui l’a rencontré à plusieurs reprises, tient sa poésie en piètre estime.
Pichery était poète, mais je n’ai jamais lu de poésie aussi classique, aussi virgilienne que la sienne.
1952— France Celtique - Légendes en Brocéliande
En 1952, il publie - en collaboration avec Xavier de Langlais 11 - une œuvre littéraire portant sur les légendes de Brocéliande. — LANGLAIS, Xavier de et PICHERY, Ronan, France Celtique, légendes en brocéliande, poèmes druidiques, poèmes gaëliques, Le Cercle de Brocéliande, 1958, 100 p. —
1954 — Le Parlement de Bretagne
En 1954, Ronan Pichery publie une évocation historique et poétique
sur le Parlement de Bretagne. — PICHERY, Ronan, Le Parlement de Bretagne, Rennes, Le Cercle de Brocéliande, 1954. —
La revue Fontaines de Brocéliande
En juin 1946, Ronan Pichery fonde Les Cahiers de Brocéliande - recueil breton indépendant de littérature et d’art
. Le premier tome sort des presses du Cercle de Brocéliande en janvier 1947 12 , le second en juin de la même année.
À partir du numéro 3, publié en 1947, la revue prend le nom de Fontaines de Brocéliande. De 1947 à 1962, en dépit des condamnations de son directeur, 61 numéros sont édités.
Dans un éditorial de 1947, Ronan Pichery explique l’ambition de cette revue.
Quel est-il, ce besoin breton, si ce n’est celui d’un organe qui fédère, qui coordonne les éléments actifs, élaborateurs de l’originalité de notre province ? Qui accuse notre originalité, lui donne pleine conscience d’elle-même ? Qui la mette en pleine possession de ses dons et de ses moyens ? Qui l’épanouisse dans sa gloire, réalise ce qui doit être la beauté nouvelle de la Bretagne de toujours ? C’est ici tout notre programme.
Ronan Pichery insiste sur la nécessité de puiser ses forces aux sources mêmes du cadre ancestral.
Il indique enfin que ces sources sont celles de la forêt de Brocéliande.
Nos Fontaines de Brocéliande ne sont pas des bassins d’eaux stagnantes, mortes et croupies. Elles sont pures, elles sont vives. Les ruisseaux qui en sortent se réunissent par les ravins. Ils s’élancent du passé. De ruisselets en ruisseaux, leurs ondes s’échappent par ce Val qui est Sans Retour. De ruisseaux en rivières, elles s’élancent vers le solleilleux océan. Mais elle n’en ont pas moins heurté le pied de cette lande de Gautrot, où on montre encore le Tombeau de Merlin. Elles ont entendu son soliloque dans son tombeau ; et Merlin n’a jamais parlé que de l’avenir des bretons.
Dans un autre article daté de 1947, il présente les légendes arthuriennes de la forêt de Paimpont et revient sur l’importance des fontaines de Brocéliande.
Les fontaines avaient en ce temps là une puissance miraculeuse. L’eau de la fontaine de Barenton avait le pouvoir magique de déchainer les orages lorsqu’on en versait une coupe sur le perron de Merlin ; celle de Jouvence avait le prodigieux effet de conserver l’homme en état de perpétuelle jeunesse.
Ronan Pichery signe des articles, poèmes et essais historiques dans Fontaines de Brocéliande, en compagnie de Yves Le Diberder 13, Alain Guel 14, Youenn Drezen 15, Robert Audic 16, Théophile Briant 17, Jean Markale 18 et de nombreux autres auteurs bretons.
Abroc’hell, barde de la Gorsedd
Ronan Pichery entre à la Gorsedd de Bretagne après-guerre sous le nom d’Abroc’hell.
Il est, selon Jean Markale, l’initiateur de la Digor Gorsedd de 1951 organisée au Val sans Retour à Tréhorenteuc.
[...] Ronan Pichery, druide Abroc’Hell avait organisé une Gorsedd au fond du Val sans Retour, sur un éperon rocheux. Je connaissais Ronan Pichery depuis quelques années. Il avait fondé une revue au titre significatif : Fontaines de Brocéliande. Il était partisan d’une Bretagne libre et indépendante [...] ce qui lui avait attiré quelques ennuis à la Libération. [...] Et Ronan Pichery me parlait de ses efforts pour faire reconnaitre le breton, de ses croyances, de son amour sincère pour sa Bretagne, de son désir de rénover la culture bretonne, de faire revivre les grands mythes de Brocéliande.
Il meurt à Rennes le 13 septembre 1963.