2019
Il était une fouée
Une reconstitution de charbonnière au village de Beauvais à Paimpont
Une reconstitution de fouée au village de Beauvais à Paimpont est réalisée en octobre 2019. Un long métrage relate l’évènement.
Les derniers charbonniers
En 1973, Victor Renouard monte sa dernière fouée 1 à proximité de la « côte de Beauvais », mettant un point final à 2 500 ans de pratique du charbonnage en forêt de Paimpont.
Les charbonniers ont disparu de la forêt de Paimpont, mais leur mémoire est encore bien vivante pour bon nombre d’habitants. Pour ne pas oublier ce pan de notre histoire locale, des animations autour du charbon de bois sont proposées entre 1978 et 1993. Plusieurs reconstitutions festives ont lieu sur la commune de Paimpont, au village de Telhouët puis à celui de Beauvais.
A l’initiative de Guy Larcher et de Gérard Lelièvre, l’association des Amis du Moulin du Châtenay organise, du mardi 24 septembre au mercredi 9 octobre 2019, le « dressage » et la carbonisation en meule et en four à braisette, pour une démonstration de fabrication de charbon de bois.
Cet évènement a lieu sur le terrain communal du Fouissay, au village de Beauvais, à Paimpont.
Le moulin du Châtenay
Dans le cadre de cette manifestation autour du charbon de bois, l’association du Moulin du Châtenay s’est naturellement associée à la Fête des sciences, organisée en septembre et octobre 2019 par son partenaire historique, la Station Biologique de Paimpont.
Le moulin du Châtenay, moulin à farine en activité jusqu’à la fin des années 1950, est abandonné pendant plusieurs décennies.
A la fin des années 1970, il est restauré à l’initiative de l’Université de Rennes 1 et mis gracieusement à disposition de l’association des Amis du Moulin du Châtenay par la Station Biologique de Paimpont.
Dans les années 1980 à 1990, il est utilisé pour des activités culturelles : soirées à thèmes, contes, concerts de musique, expositions photos, expositions de champignons, « harasseries » 2 de châtaignes, pièces montées de théâtre, causeries, etc.
Autour du charbon de bois
L’association des Amis du Moulin du Châtenay a pour objectifs de :
- vulgariser cette pratique disparue depuis quelques décennies,
- montrer les différents métiers afférents au charbon de bois, bûcherons, forgerons,
- raconter le mode de vie des familles, l’aspect social, économique et culturel des charbonniers,
- proposer un enseignement pratique pour les enfants des écoles,
- créer un lien social entre les habitants.
Du charbon, pour quoi faire ?
Dès son origine, la métallurgie nécessite l’utilisation du charbon de bois.
Le travail du fer est attesté à Paimpont depuis l’Âge du Fer, il y a environ 2500 ans 3.
À partir de 1660, les hauts fourneaux consomment du charbon de bois sans commune mesure avec l’activité antérieure. Cette intensification de l’activité charbonnière fait disparaître la futaie.
Au milieu du 19e siècle, les nouvelles technologies rendent non compétitives les forges au charbon de bois et provoquent l’extinction définitive des hauts fourneaux en 1884 et par là même, le principal débouché du charbon de bois. Un atelier de construction mécanique et une fonderie subsistent jusqu’en 1954.
L’évènement - Il était une fouée
L’association des Amis du Moulin du Châtenay lance un appel aux habitants. Une cinquantaine de personnes se mobilisent du 20 septembre au 20 octobre 2019.
La manifestation en elle-même se déroule du 24 septembre au 6 octobre.
La préparation de la fouée nécessite
- de couper, de fendre et d’acheminer treize cordes de bois, utilisées pour la meule et le four à braisette,
- de préparer les « plisses » d’herbe et de terre,
- de fabriquer des « hayons » avec des genêts,
- de nettoyer l’emplacement de la fouée,
- d’apporter de la terre fine d’anciennes charbonnières.
La charbonnière
René, Philippe et Roger Guégan, derniers charbonniers de Paimpont étant décédés, l’association fait appel à Laurent Rannou. Animateur nature à l’Écomusée des Monts d’Arrée à Saint-Rivoal (Finistère), il est une des dernières personnes en Bretagne à fabriquer occasionnellement du charbon en meule.
On dit aussi la meule, mais je finis par dire la charbonnière. La charbonnière en tant que telle, c’est aussi les collègues qui passent, les discussions qu’on a pu avoir a toutes heures du jour et de la nuit, à des heures qui n’ont pas de noms. Pour moi, la charbonnière c’est un ensemble qui comprend les gens. C’est aussi le café qu’on boit le matin ensemble. Le plaisir de voir le soleil se lever, le soleil se coucher.
Je suis un jardinier qui s’intéresse au charbon de bois.Dans le cadre du charbonnier, c’est un métier qui a occupé l’homme toute sa vie, de jour comme de nuit. Cela va au delà du métier, c’est carrément un mode de vie.
On met en pratique pour essayer de comprendre les choses. Pour une bonne compréhension, il faut pratiquer.
Si je prends plaisir à faire ces animations, c’est pour puiser des éléments. Des éléments que me donne la meule, mais aussi les gens qui tournent autour.
Avant tout, monter une meule, c’est une pratique qui donne des éléments de compréhension.
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Le four à braisette
Le charbon de bois en fours à braisette a grandement contribué aux besoins de l’industrie et des véhicules au gazogène 4. Ce type d’activité a été particulièrement important en forêt de Paimpont entre 1940 et 1945.
Claude L’Hyver, forgeron, artisan coutelier à Maxent (Ille-et-Vilaine) est le maitre d’œuvre du four à braisette. Il découpe la tôle de cinq millimètres d’épaisseur d’une citerne à fioul, pour en faire un four à braisette.
Le four a une contenance d’un mètre cube et demi, équivalent à un stère et demi de bois soit une demi-corde.
Lors de la fête du charbon, cinq carbonisations en four métallique sont effectuées, à raison d’une fournée tous les deux jours, pour un production d’environ cent cinquante kilos de charbon de bois par fournée.
Allumage et surveillance de la fouée
La mise à feu de la fouée a lieu le dimanche 29 septembre en début d’après-midi. En raison de la sécheresse, l’autorisation par la préfecture de « faire du feu », n’est délivrée que deux ou trois jours avant la date prévue.
Des braises de charbon de bois de la première fournée du four à braisette sont introduites dans la cheminée de la meule. À partir de cet instant, il est indispensable d’effectuer une surveillance constante de la fouée.
La nuit, la surveillance de la meule par équipes de deux nécessite des quarts de trois heures, de 23h à 8h et cela pendant six nuits.
Extinction de la fouée
Quelques heures après, on rafraîchit la meule en enlevant au besoin un peu de terre brûlante pour la remplacer par une autre froide et plus humide si possible, qu’on dame afin d’activer l’extinction de la masse.
Pour éteindre la fouée, il faut boucher hermétiquement les évents, afin d’empêcher l’arrivée d’oxygène.
A chaque instant, des explosions intérieures ouvrent dans la couverture, des cheminées qu’il faut boucher le plus rapidement possible pour éviter la combustion complète du bois et du charbon, ne produisant alors que des cendres.
Le vendredi 4 octobre au matin, la carbonisation semble achevée.
Le dimanche 6 octobre, un défournement partiel de démonstration au public est effectué. La tête de la fouée est vite rebouchée, car le refroidissement n’est pas terminé et la combustion est réactivée au contact de l’air 5.
Une deuxième et une troisième extraction partielles sont effectuées et au bout de dix-huit jours, la quatrième est la bonne.
La production entre le four à braisette et la meule représente environ 2,3 tonnes de charbon de bois d’excellente qualité
, selon les forgerons Claude L’Hyver et Philippe Klein.
Animations autour de la fouée
À l’occasion de la démonstration d’une fouée, un grand nombre d’artistes et d’artisans se produisent tout au long des journées du 29 septembre au 6 octobre.
— Ateliers fusain
Des ateliers fusain, pour les quatre cents enfants des écoles sont animés par Luc Pérez et Laurent Rannou.
— Ateliers forge
Philippe Klein, forgeron, artisan d’art à Monterfil (Ille-et-Vilaine) effectue de nombreuses démonstrations de forge. Il réalise entre autres des têtes de cheval, devant une quinzaine de classes totalisant près de quatre cents élèves des écoles 6.

Les ateliers forge sont animés par Claude L’Hyver et Philippe Klein.

— Concerts
- Chants de marins avec le groupe Tapecul,
- Chorale du Verger,
- Harpe avec Lawena,
- Musiques de Bretagne et d’ailleurs.

À la nuit tombée, un groupe de musiciens commence à interpréter une danse bretonne, le kost ar c’hoad. Une dizaine de personnes se lèvent au son de la clarinette et de l’accordéon et entament cette danse venue du fin fond des bois de Quénécan.
Quelques instants plus tard, sous la lumière jaune et blafarde d’un projecteur de fortune, d’autres danseurs les rejoignent, « tapent du pied et sautent en rond » autour de la fouée.
Dans les volutes des fumées blanches et bleues, soufflées par les évents de la charbonnière, les silhouettes fantomatiques tournent et tournent, comme les korrigans sur la lande à la lueur d’un clair-obscur de pleine lune.
C’est le début de la fête de nuit, le « fest noz ».
Catherine Aubert 7 interprète une chanson de charbonniers, collectée il y a une quarantaine d’années à Sérent (Morbihan).
— Sorties contées
Le conteuse Katia Bessette propose :
- autour de l’étang du Châtenay, un conte sur les métiers de la forêt,
- le long de la rivière de l’Aff, une balade contée et chantée .
— Sorties en forêt
- la gestion actuelle de la forêt par Mathieu Delaunay et Jean-Marie Caro,
- l’histoire de la forêt avant les forges par Gérard Lelièvre,
- l’histoire de la forêt et du compagnonnage par Joseph Boulé et Gérard Lelièvre.
— Conférences à la Station Biologique de Paimpont
- l’histoire des forges de Paimpont par Guy Larcher,
- les charbonniers à Paimpont par Laurent Goolaerts,
- le collectage sur les charbonniers et autres métiers par Laurent Goolaerts et Vincent Morel,
- le compagnonnage chez les charbonniers par Joseph Boulé.
— Deux expositions photographiques - Les charbonniers à Paimpont
- L’une, consacrée à la fouée de 1993, à partir de photos de Pascal Glais, est présentée successivement à la médiathèque de Paimpont et à celle de Monterfil à l’automne 2019. Guy Larcher intervient également devant soixante-dix enfants des écoles de Monterfil.
- L’autre est présentée par le club photographique de Brocéliande de Plélan-le-Grand 8 à la médiathèque de Paimpont durant l’automne 2020.
— Une petite restauration
Une restauration est à disposition sur le site.

Au delà de la meule, je trouve que cela crée sur Beauvais-Paimpont une rencontre des gens, de générations différentes, entre les habitants dits « de souche » et les nouveaux arrivants. Je pense que ça fédère quelque chose, ça crée du lien. Je trouve cela très important, presque aussi important que la meule. C’est bien je trouve, ça fait tomber des barrières.
Marie-Thérèse Martin, habitante du village de Beauvais, a écrit un texte sur l’évènement Il était une fouée. Son témoignage fait ressortir le lien créé par cette rencontre, avec une envie commune de partager de bons moments de convivialité et de solidarité.
Hommage aux charbonniers
C’est le charbonnier
Retiré dans ses bois
Qui exerce sans trêve
Son noir métier
Comme lignes en forêt
Son destin était tracé
Son chemin est celui
Que son père avait pris
Nuit et jour durant
Dans la poussière et les nuées
Il dompte la flamme
Des rondins ardents
Parfois le soir venu
Il délaisse quelques instants
La meule et ses tourments
Et se confie libre et fier
Aux astres de la clairière
S’il redoute la pluie et le vent
Son regard s’illumine
Dès que s’élève de sa fouée
Une étrange fumée bleue.
Pour certains, les charbonniers c’étaient quasiment des voyous, des voleurs, etc. Ceux que j’ai connus n’avaient pas du tout ces caractéristiques, et puis au contraire, c’étaient des gens vraiment intéressants. Je crois effectivement que c’est des gens intéressants, que c’étaient des gens intéressants, parce qu’il n’en reste plus.
Le poème du charbonnier
Le charbonnier
Rien n’est plus fier qu’un charbonnier
Qui se chauffe à la braise ;
Il est le maître en son chantier
Où flambe sa fournaise.
Dans son palais d’or,
Avec son trésor,
Un roi n’est pas plus à l’aise
Il a la forêt pour maison
Et le ciel pour fenêtre,
Ses enfants poussent à foison
Sous le chêne et le hêtre ;
Ils ont pour berceau
L’herbe et les roseaux,
Et le rossignol pour maître
Né dans les bois, il veut mourir
Dans sa forêt aimée ;
Sur sa tombe, on viendra couvrir
Un fourneau de ramée :
Le charbon cuira,
Et son âme ira
Au ciel, avec la fumée.
André Theuriet (1833-1907) est un poète, romancier, auteur dramatique.
Un long métrage
L’association des Amis du Moulin du Châtenay décide de faire un film sur cet évènement du pays de Brocéliande. Elle contacte un habitant du village du Cannée à Paimpont, Victor-Alexis Ferrand, cinéaste professionnel, producteur-auteur-réalisateur.

Il réalise un long métrage, d’une heure vingt-et-une minutes : Du charbon et des hommes .
Victor-Alexis Ferrand, à travers les images, les textes et la musique de son film, réussit à mettre en lumière une ambiance souhaitée par les Amis du Moulin du Châtenay, de partage, de solidarité et de volonté de mise en valeur du collectif, autour d’un projet commun.