Au 13e siècle, la seigneurie de Lohéac englobe la partie orientale de la forêt de Brécilien, appelée quartier ou forêt de Lohéac. Ainsi, les seigneurs de Lohéac sont propriétaires d’une partie de la seigneurie de Montfort. L’ensemble de la forêt de Brécilien redevient possession des seigneurs de Gaël-Montfort en 1353, suite au mariage de Raoul VII de Gaël-Montfort avec Isabeau de Lohéac.
Au 11e siècle, Guéthenoc, comte de Rennes, possède, en Bretagne centrale et septentrionale, un immense territoire anciennement inclus dans la Domnonée.
Aux 11-12e siècles, les ducs de Bretagne concèdent :
au seigneur de Dinan sa partie nord,
à Raoul de Gaël-Montfort un vaste territoire (environ 40 paroisses) occupant sa partie nord-est autour de Gaël,
à Eudes 1er de Porhoët, un immense territoire (environ 140 paroisses), couvrant sa partie occidentale,
à Payen de Malestroit quatorze paroisses au sud-ouest,
à Judicaël de Lohéac1 les paroisses occupant sa partie sud-est.
Les ducs conservent l’administration directe de la seigneurie de Ploërmel. Ce domaine ducal de dix paroisses, situé au cœur du Porhoët, a pour fonction de contrôler ses vassaux.
Le quartier de Lohéac dans les Usements de la forêt de Brécilien
La charte des Usements de la forêt de Brécilien atteste que les seigneurs de Lohéac ont été en possession d’une partie de la forêt de Brécilien. En 1467, le comte Guy XIV de Laval, alors propriétaire de l’ensemble de la forêt 2, reprend les anciennes ordonnances dans lesquelles se trouve mentionné un « quartier de Lohéac » parfois nommé « forêt de Lohéac ».
Le quartier de Lohéac s’étend dans la partie orientale de la forêt de Brécilien entre Saint-Péran et Paimpont. À ce quartier s’ajoutent ceux de Coulon, Trémelin et Haute-Forêt. Ces quatre quartiers constituent la forêt de Brécilien. Aucun document ne permet de déterminer avec précision le contour du quartier de Lohéac. Toutefois, nous retenons celui émis dans les dossiers du Ce.R.A.A.
[...] Il reste alors à placer le quartier de Lohéac [...]. C’est ici qu’intervient le second texte à notre disposition : le minu 3 de 1502. Sans y attribuer le nom « quartier de Lohéac », ce texte décrit très clairement les limites d’un espace forestier situé entre Le Gué de Plélan, Gaillarde, les châteaux de Comper et Boutavent 4. Ce secteur correspond relativement bien avec celui délimité par la localisation des usagers ayant un droit en Lohéac.
Les Usements de la forêt de Brécilien de 1467 font bien la distinction entre les divers usagers de la forêt du point de vue de leurs droits sur leurs quartiers respectifs. Ils permettent de mieux comprendre pourquoi ces droits sont propres à chaque « quartier » de forêt. Ainsi, des privilèges antérieurs sont conservés pour certains notables, par exemple les évêques de Saint-Malo, les abbés de Paimpont et les abbés de Montfort ayant droit d’usage au quartier de la forêt appelé Coueslon et Tremelin, mais également dans le quartier de Lohéac.
L’abbé de Montfort, comme prieur du prieuré de Saint-Péran, situé dans la forêt, a, dans le quartier de la forêt appelé Lohéac, un droit d’usage consistant en panage, paisson et pâturage pour tout le bétail lui appartenant qu’il entretiendra dans cette métairie ; il pourra l’y faire conduire sans l’inscrire ni rien payer par son valet, mais pas par un métayer partiaire du bétail. 5.
La présence de vestiges de quatre mottes féodales témoigne de l’existence d’un château à Lohéac.
À notre connaissance, les seuls indices témoignant des premiers seigneurs de Lohéac apparaissent à travers les évènements liés aux donations associées à la naissance d’un prieuré du Saint-Sauveur.
Son histoire se déroule lors de la première croisade. Riou 6, un des fils de Judicaël de Lohéac, répond à l’appel du pape Urbain II.
[...] un grand nombre de Princes et de Seigneurs prirent la Croix & s’embarquèrent l’an 1096 pour passer en Orient. Alain Fergent fit ce voyage dans là compagnie de Robert Duc de Normandie [...] Plusieurs Seigneurs Bretons les suivirent, entre autres Raoul de Montfort, Alain son fils, Conan fils de Geoffroi Boterel Comte de Lamballe, Riou de Loheac [...].
Durant la croisade, Riou de Lohéac meurt de maladie. Il s’est pourvu d’un morceau de la Vraie Croix du Saint-Sépulcre. A son retour de croisade, son écuyer Symon de Ludron le remet à son frère Gautier. Le 28 juin 1101, Gautier dépose la relique dans la chapelle du château de Lohéac qui devient le prieuré du Saint-Sauveur.
Nos connaissances concernant l’origine de la seigneurie de Lohéac se limitent à cet évènement. Riou et son frère Gautier sont les fils ainés de Judicaël. Un autre fils, Rouaud, reçoit de Judicaël la partie méridionale de la seigneurie de Lohéac (actuellement Guignen). — Chédeville, André ; Tonnerre, Noël-Yves (1987) op. cit., p. 159 —
La forêt de Brécilien des seigneurs de Gaël-Montfort
Vers 1091, Raoul de Gaël construit un château sur les hauteurs qui surplombent les rivières du Meu et du Garun 7. Il prend le nom de Montfort (Radulfus Montefortis). La seigneurie de Gaël-Montfort comprend alors l’ensemble de la forêt de Brécilien.
Geoffroy, seigneur de Gaël-Montfort, meurt en 1181 ; la seigneurie est partagée entre ses deux fils. Raoul IV reçoit Gaël avec la partie occidentale de Brécilien (appelée Haute-Forêt) ; Guillaume II hérite de Montfort comprenant la partie orientale de Brécilien (Basse-Forêt).
Un acte, signé en 1213 par Guillaume II de sa résidence de Boutavent 8, montre qu’il est en possession de l’ensemble de la seigneurie de Montfort.
[…] Acta suit haec confirmatio à me in aula de Boutavant anno gratiae MCCXIII.
Les seigneurs de Lohéac dans la seigneurie de Montfort
Au milieu du 13e siècle, la partie orientale relevant de la seigneurie de Montfort se trouve à son tour plusieurs fois morcelée. La raison de ce morcellement est liée à une succession de mariages, d’héritages et d’échanges.
De son mariage avec Nine de Rostrenen, Guillaume II a une fille unique, Mahaut 9. Leurs noms sont attestés dans un acte de 1209.
[…] Ego Willelmus Montifortis pro omnibus in iuriis illustis Abbati Sti Mevenni super molendinum […] apud Montfort super fluvium Agarin […] de assensu et voluntat Nina uxoris mei et Mahault filia mea […] Actum apud Montem fortem anno gratia 1209.
Guillaume II meurt après 1230. Mahaut devient dame héritière 10 de la seigneurie de Montfort 11. Elle se marie trois fois :
avec Josselin de Rohan († 1252) ;
avec Josselin de la Roche-Bernard († v. 1261).
avec Alain de Montauban vers 1264.
On ne lui connait pas d’enfant issu de ces mariages. Mahaut est très âgée à sa mort en 1279.
Le second mari de Mahaut, Josselin de la Roche-Bernard, devenu seigneur de Montfort « du chef de son épouse », bénéficie de la tierce partie de cette seigneurie. Au décès de Josselin, le couple n’ayant pas eu d’enfant, le fils de Josselin, Alain II de la Roche-Bernard, né d’un premier mariage, hérite de cette tierce partie 12.
Ce territoire contient le secteur sud-est de la seigneurie de Montfort, dont la partie orientale de la forêt de Brécilien incluant le domaine du château de Boutavent.
Un acte de 1285 13 donne une explication — après coup — des transactions qui se sont opérées suite aux mariages de Mahaut.
Selon cet acte, les biens d’Alain II, hérités des Montfort, font l’objet d’un échange entre Alain II de la Roche et Guillaume de Lohéac. Ces deux chevaliers se connaissent. Hermine, fille de Guillaume de Lohéac, seule héritière de la seigneurie de Lohéac, est promise en mariage à Eudon (Eudes), le fils ainé d’Alain II de la Roche.
Puis Guillaume de Lohéac fait donation à Alain de Montauban, troisième mari de Mahaut, du domaine de Boutavent et de son château, lieu habituel de résidence des Montfort.
Le père Augustin du Paz 14 dans sa généalogie des seigneurs de Lohéac, nous apprend qu’au milieu du 13e siècle, Guillaume de Lohéac est propriétaire d’une partie de la forêt de Brécilien.
Guillaume de Loheac second de ce nom, sire dudit lieu, fils ou frère dudit Pierre troisième, vivait l’an mil deux cent cinquante mil deux cent cinquante-sept, auquel an il donna aux Abbés & Chanoines de l’Abbaye de saint Jaques près Montfort leur usage en sa forêt de Brécilian tant à chauffage qu’a merrain. Il mourut la dix-septième calendes de Mai, c’est le quinzième d’Avril comme il est marqué au martyrologe de l’Abbaye de Montfort, & en celui de l’Abbaye de notre Dame de Paimpont.
Guillotin de Corson, se référant aux Usements de la forêt de Brécilien, confirme que Guillaume de Lohéac était seigneur de Montfort en 1260 15.
Alain de Montauban seigneur de Montfort
À la mort de Josselin de la Roche-Bernard, vers 1261, Mahaut de Montfort demeure propriétaire de deux quartiers de la forêt de Brécilien entourant Montfort : Coulon et Trémelin.
Une lettre de 1264 relative aux droits des chanoines de l’abbaye Saint-Jacques de Montfort en forêt, montre que le couple Mahaut de Montfort — Alain de Montauban 16 détient toujours ces quartiers de forêt. Elle prouve qu’à cette date, le couple n’est plus en possession du quartier de Lohéac, partie de forêt allant de Saint-Péran à Paimpont.
Universis Christi fidelibus præsentes litteras inspecturis, Alanus de Monte-albano miles Donus Montisfortis, & Matildis ejus uxor Domina Montisfortis, salutem. Notum facimus quod Abbas & conventus beati Jacobi de Monteforti suum habent usagium plenarie ad omne opus suum & suæ Abbatiae in nostris forestis de Tremelin & de Coulon, &c. Datum anno Domini 1264. Titre de Saint Jacques de Monfort.
1285 — Raoul V de Gaël-Montfort en procès contre Alain de Montauban
À la mort de Mahaut en 1279, Alain de Montauban hérite d’une part de la seigneurie de Montfort comprenant Boutavent qu’il a obtenu de Guillaume de Lohéac. En 1285, Raoul V, héritier des seigneuries de Gaël reçoit notamment les quartiers de Coulon et Trémelin. Il fait par ailleurs procès à Alain pour récupérer le domaine et le château de Boutavent. Il obtient du procès de Ploërmel un échange avec Alain de Montauban, et retrouve la possession de Boutavent. Raoul V va aussi tenter de reprendre en vain le quartier de Lohéac dont Guillaume de Lohéac a la possession.
Enfin, en 1287, il eut gain de cause dans une affaire complexe : en son Parlement, le duc Jean II fit savoir qu’il avait accordé à Guillaume la sixième part de la terre de Mahaut, jadis dame de Montfort, qu’il avait échangée avec le fils de Mahaut 17. Cet échange était alors contesté par le seigneur de Gaël, Raoul de Montfort, chef du lignage de Montfort. L’acte ducal de restitution des impôts perçus par Guillaume de Lohéac au nom du duc sur les vassaux de l’abbaye de Redon mentionne que Guillaume mourut avant 1289.
Guillaume de Lohéac est connu pour exercer d’importantes responsabilités auprès des ducs de Bretagne Jean I et II. Il est également fondateur du prieuré de la sacristie de l’abbaye de Paimpont.
Le prieuré de la sacristie, fondée par Guillaume, seigneur de Lohéac, confirmé en 1290 par Robert du Pont, évêque de Saint-Malo, et augmenté de quelques rentes vers 1296 par Hermine de Lohéac, fille du fondateur et dame de la Roche-Bernard.
En 1353, les seigneuries de Montfort et de Lohéac sont réunies lors du mariage de Raoul VII de Montfort avec Isabeau, fille d’Eon de Lohéac et de Béatrice de Craon. Isabeau (ou Isabelle) de Lohéac est dame héritière des baronnies de Lohéac et de la Roche-Bernard.