11e siècle
Raoul de Gaël-Montfort
Fils de Raoul l’Anglais et premier seigneur de Gaël
À la fin du 11e siècle, Raoul de Gaël est seigneur de Gaël et de Montfort dans l’évêché d’Alet. La seigneurie couvre une quarantaine de paroisses. En 1066, Raoul rejoint Guillaume de Normandie lors de sa conquête de l’Angleterre. Après 1069, il reçoit les comtés d’Est-Anglie. En 1075, il se révolte contre le roi Guillaume le Conquérant. Il bâtit le château de Montfort (aujourd’hui Montfort-sur-Meu) dont il prend le nom. Il meurt avec son fils lors de la première croisade, entre 1097 et 1099.
Raoul de Gaël, fils de Raoul l’Anglais
Le père de Raoul de Gaël, dont le nom apparaît dans les actes comme étant Raoul l’Anglais (Radulfus Anglicus) est né en Angleterre. Néanmoins sa présence en Bretagne est avérée de 1024 à 1034 par de nombreux actes. On sait qu’à partir de 1042, Raoul l’Anglais occupe d’importantes fonctions à la cour du roi Edouard le Confesseur 1. C’est durant ce temps passé en Bretagne qu’il épouse une bretonne et que nait Raoul de Gaël, vraisemblablement entre 1030 et 1040.
[...] l’Anglo-Saxon Chronicle 2 [nous] apprend ainsi que Raoul de Gaël était « Breton par sa mère, alors que son père, appelé Raoul lui aussi, était Anglais et né dans le Norfolk ».
Au cours de ces années, Raoul l’Anglais reçoit du duc Alain III, un vaste territoire équivalant à une quarantaine de paroisses autour de Gaël, sans que l’on sache si c’est au titre d’administrateur ou de seigneur. La forêt de Brécilien est incluse dans ce territoire 3. Ces terres vont donner naissance à la seigneurie de Gaël. Vers 1055, son fils Raoul de Gaël est en âge de gérer la seigneurie. L’acte où son nom est cité pour la première fois n’est pas daté. Les historiens le situent sur une période allant du 30 octobre 1055 au 11 décembre 1066.
Haec carta confirmata est iterum coram Conano... comes, Radulfus de Wadel, Radulfus filius Alani, Goffridus filius...,
Cet acte où Raoul de Gaël (Radulfus de Wadel), apparaît comme témoin avec Conan 4 duc de Bretagne, confirme qu’il est seigneur de Gaël.
Si la seigneurie existait déjà, elle n’était pas contrôlée par son père en personne, car il était, au même moment, en train de se faire connaître à la cour d’Edouard le Confesseur. [...] les premiers indices attestant la naissance d’une seigneurie se voient dans une charte associant Raoul de Gaël et Conan II. Ce toponyme et ce prénom établissent avec certitude qu’il est le fils aîné et l’héritier de son père.
1066 : Raoul de Gaël avec Guillaume de Normandie à la conquête de l’Angleterre
En Angleterre, une crise dynastique s’installe aussitôt après la mort du roi Edouard le Confesseur le 5 janvier 1066. N’ayant pas d’héritier ni de successeur désigné, deux des prétendants à la couronne vont s’affronter : Harold Godwinson, puissant aristocrate anglo-saxon et Guillaume le Conquérant, duc de Normandie 5.
Raoul de Gaël réside en Bretagne jusqu’en 1066. Rien ne prouve qu’il soit allé en Angleterre avant cette date. Il quitte alors sa seigneurie de Gaël pour se joindre au contingent breton qui accompagne Guillaume le Conquérant à la conquête de l’Angleterre.
C’est peut-être en cette même année qu’il se joignit à l’expédition normande [...] Cette idée provient du Roman du Rou de Wace
[...]
E li viel Rogier Marmion
S’i contindrent come Baron,
Poiz en orent grant guerredon.
Joste la cumpaigne Néel
Chevalcha Raol de Gael ;
Bret esteit è Bretonz menout,
Por terre serveit ke il out,
Maiz il la tint asez petit,
Kar il la forfist, ço fu dit.
Guillaume de Normandie s’entoure de nombreux alliés pour se lancer à la conquête de l’Angleterre. Le temps presse car Harold s’est emparé de la couronne aussitôt après la mort du Confesseur. Le duc Normand rassemble une flotte d’environ 600 navires et une armée estimée à 7000 hommes, composée de Normands, de Bretons 6, de Francs, et de Flamands. Suite à sa victoire à Hastings, le 14 octobre 1066, Guillaume de Normandie est couronné roi d’Angleterre le 25 décembre de la même année. On lui attribue dès lors le titre de « Conquérant ».
Après la bataille d’Hastings, Raoul reste auprès de son père en Angleterre sans que l’on sache comment est gérée la seigneurie de Gaël durant les neuf années que va durer son absence.
L’Angleterre de Guillaume le Conquérant
La conquête n’est pas totalement assurée après la victoire d’Hastings. Orderic Vital (1075-1142 ?) moine de l’abbaye de Saint-Evroult 7, rapporte qu’un an après la prise du pouvoir, la politique que mène Guillaume le Conquérant favorise trop les Normands et les alliés de la conquête, au détriment des Anglo-Saxons.
Cependant les Anglais étaient opprimés par le faste des Normands, et éprouvaient les plus graves outrages de la part des gouverneurs qui méprisaient les avis de leur roi. Les officiers inférieurs qui gardaient les places fortes opprimaient cruellement les habitants du pays, tant nobles que de moyenne condition, et les accablaient de vexations et d’outrages.
1069 : Raoul de Gaël repousse les attaques danoises à Norwich
Les Anglo-saxons veulent retrouver leur liberté passée. Ils entraînent avec eux les Gallois et font appel aux Danois dont la flotte considérable menée par Sven II, le roi du Danemark, gagne les côtes.
[Orderic Vital raconte que] Ce monarque [qu’il appelle Suénon], avait été fortement déterminé tant par l’argent et les prières constantes des Anglais, que par la ruine des siens qui avaient péri récemment dans le combat livré par Hérald [Harold] ; il n’était pas moins porté à désirer le trône par ses droits de proche parent, puisqu’il était neveu du roi Edouard, (le Confesseur † 1066) et, par Emma (son épouse), frère utérin de Hardicanut. Sa puissance était considérable.
Alerté de la situation, Guillaume quitte la Normandie pour tenter d’apaiser les esprits. En 1068, une rébellion importante des comtes Edwin et Morcar est suivie par la plupart des Anglais. Le soulèvement gagne de nombreux comtés, les révoltés s’établissent dans les campagnes et quelques villes fortifiées. En 1069, les révoltes s’étendent à l’ensemble du royaume ; York devient alors le siège de la rébellion.
Les Danois progressent le long des côtes anglaises pour faire des incursions dans les terres. Orderic Vital rapporte comment ils sont accueillis à Norwich par Raoul de Gaël (Radulphe de Guader chez Orderic) 8.
Ayant trouvé la facilité de débarquer auprès d’Ipswich, ils [les Danois] se dispersèrent pour ravager le pays. Mais les habitants s’étant réunis en tuèrent trente et forcèrent le reste à prendre la fuite. Sortis ensuite de Norwich pour une semblable excursion, ils furent attaqués par Radulphe de Guader, qui en tua beaucoup par le glaive, en fit noyer un grand nombre et força ce qui restait à s’embarquer honteusement, pour regagner la pleine mer.
1069 : Raoul de Gaël reçoit le comté d’East Anglia de Guillaume le Conquérant
Katharine Keats-Rohan revient sur l’affirmation selon laquelle Raoul l’Anglais possédait le comté d’East-Anglia (Norfolk et Suffolk) avant la conquête de 1066. Son fils, Raoul de Gaël en aurait alors été l’héritier légitime.
Il semble que c’est grâce à l’aide significative qu’il apporta aux Normands en 1066 que Raoul l’Anglais se vit donner le comté d’East Anglia, peut-être dès 1067 et certainement avant 1069. [...] Bien que, depuis longtemps, de telles fonctions soient généralement demeurées dans les mêmes familles, il était du pouvoir du roi d’y pourvoir et le souverain n’était pas obligé de remplacer un comte qui venait de mourir, et encore moins de lui substituer un membre de la famille du défunt.
À la mort de Raoul l’Anglais en 1069, Raoul de Gaël ne reçoit pas le comté d’East-Anglia au titre d’héritier mais en récompense de sa victoire sur les Danois à Norwich.
[...] Raoul de Gaël, avait, à ce stade, rendu un fameux service au nouveau roi en repoussant, en 1069, une attaque des Danois sur Norwich. Il s’était vu récompenser par le don des deux comtés d’East Anglia peu de temps après le décès de son père.
Guillaume le Conquérant réussit à reprendre York et à vaincre les Danois positionnés sur la rivière de l’Humber. Orderic Vital rapporte les excès de Guillaume.
[le roi] s’attacha à le poursuivre sans relâche et dispersa ses camps sur une surface de cent milles. Dans l’exercice de sa vengeance, la plupart tombèrent sous le glaive ; il détruisit les retraites de ceux qui restaient, dévasta les terres, et brûla les maisons avec ce qu’elles renfermaient. Jamais Guillaume n’avait montré tant de cruauté : il céda honteusement à ce vice, et ne daigna pas mettre un frein à ses ressentimens, frappant avec une même fureur les innocens et les coupables […] il périt plus de cent mille individus.
1075 : Raoul de Gaël épouse Emma de Breteuil
En 1075, Raoul de Gaël épouse Emma, fille de Guillaume fitz Osbern de Breteuil et d’Adelize de Tosny. Guillaume fitz Osbern, puissant baron normand, est seigneur de Breteuil et reçoit de Guillaume le Conquérant le comté d’Hereford 9. À la mort de son père en 1071, Roger se voit confirmer ses droits sur le comté d’Hereford.
Raoul de Gaël, qui avait, peu de temps avant la conspiration, épousé la soeur du comte Roger de Hereford, fils du proche ami du roi, Guillaume fitz Osbern de Breteuil (†1071). [...] C’était une union prestigieuse, Guillaume fitz Osbern était le petit-fils de Sprota, mère bretonne de Richard I de Normandie, et aussi mère, par un second mariage, de Raoul d’Ivry. [...] c’est à Exning que Raoul choisit de célébrer son mariage [...] Selon l’Anglo-Saxon Chronicle, c’est au cours de la fête de mariage que se noua la conspiration entre les comtes, Raoul, son beau-frère Roger de Breteuil et l’Anglais Waltheof, comte de Huntingdon.
1075 : Conspiration de Raoul de Gaël et de Roger de Hereford
En 1075, deux puissants comtes du royaume, Raoul de Gaël earl (comte) d’East-Anglia et Roger, earl de Hereford fomentent une conspiration contre le roi Guillaume le Conquérant, nommée depuis « Révolte des comtes ». Ils font appel à Waltheof 10, un comte anglo-saxon qui faisait partie de la précédente révolte de 1069.
Certains chroniqueurs anglais ont avancé que la conspiration contre Guillaume aurait eu pour origine son opposition au mariage de Raoul avec Emma, sœur de Roger. La raison invoquée par le roi aurait été d’empêcher une alliance des deux comtes, ce qui couperait le royaume en deux. Cette version est contredite par une autre rapportée par la Chronique anglo-saxonne. Elle relève que c’est le roi qui donna Emma, comme épouse à Raoul. Cette version est confirmée par Lanfranc, archevêque de Cantorbery. Second du roi au moment des faits, il écrit dans une lettre que ce mariage n’était pas interdit. Dès lors, l’hypothèse d’une conspiration liée au mariage est un argument difficile à retenir. Orderic Vital décrit cette révolte des comtes sans faire allusion à l’interdiction du mariage.
[Raoul et Roger] se concertèrent pour se révolter ouvertement et s’emparer du trône, ou, pour mieux dire, de la tyrannie, après avoir enlevé le sceptre d’Angleterre au roi Guillaume. A l’envi l’un de l’autre, ils fortifièrent leurs châteaux, préparèrent leurs armes, rassemblèrent des chevaliers, envoyèrent souvent des délégués à ceux des seigneurs voisins ou éloignés en qui ils avaient confiance, et tant par promesses que par prières, engagèrent chacun d’eux à marcher à leur secours.
Suite à la révolte anglo-saxonne de 1069, Guillaume le Conquérant est amené à prendre des mesures politiques susceptibles d’entraîner un large mécontentement. L’historienne Katharine Keats-Rohan souligne que la gravité de la situation pourrait avoir amené les deux comtes à la rébellion. Les mesures prises par le roi ont pour effet de réduire les assises territoriales de ses vassaux.
Auparavant, Guillaume avait eu à cœur d’insister sur la légitimité de son pouvoir, qui n’était en réalité fondé sur rien de plus que le droit de conquête, en veillant à conserver de vieilles institutions anglaises, telles que les earldoms qui regroupaient plusieurs shires ou comtés sous l’autorité d’un seul homme. Il entreprit dorénavant de morceler les earldoms et de les réduire en unités d’un seul comté. C’est ainsi que Raoul de Gaël vit son earldom, qui comprenait toute l’Est-Anglie réduit au seul comté de Norfolk.
L’historienne fait part de l’isolement dans lequel se trouve Raoul de Gaël en Angleterre. Elle compare les situations de deux Bretons : celle de Raoul et celle d’Alain le Roux (comte honoraire par sa naissance). Tous deux ont participé à la bataille d’Hastings auprès du Conquérant. Alain le Roux est bien installé, il a épousé Gunhild la fille de l’ancien roi de Wessex Harold Godwinson 11. À l’inverse, Raoul de Gaël apparait sans puissants alliés normands ou bretons, ses parents anglais sont peu nombreux et doivent leurs terres aux fonctions que son père ou lui avait tenues.
Le mystère de la révolte des comtes demeure entier, mais, parmi les motifs possibles d’une authentique insatisfaction concernant la manière qu’avait Guillaume de gouverner, on peut peut-être, dans le cas de Raoul, en ajouter un autre : du ressentiment et de la jalousie envers la progression sociale d’un autre homme, un Breton, [Alain Le Roux] qui appréciait les compatriotes de sa femme et, le supplantant facilement et sans heurt, était devenu le Breton le plus important du royaume et l’un des hommes les plus riches du pays ?
La révolte des comtes
Les deux comtes ont choisi Waltheof, le comte de Northampton, pour mener à bien leur projet. Ce dernier est situé entre ceux de Norfolk et d’Hereford. Raoul et Roger tentent de l’impliquer dans la conjuration.
Le temps que nous désirions tous, homme courageux, est enfin arrivé ; vous voyez maintenant que vous pouvez recouvrer les honneurs et les biens que l’on vous a ravis, et vous venger, comme vous le devez, des outrages que vous avez reçus récemment. Réunissez-vous à nous, et restez-nous sans cesse attaché ; vous pourrez, sans nul doute, tenir, en vous unissant à nous, le tiers de l’Angleterre. Nous voulons que le royaume d’Albion soit en tout rétabli dans le même état où il était sous le très-pieux roi Edouard.
Il parait évident que Orderic Vital reconstitue le dialogue des comtes en le présentant à sa manière.
Waltheof refuse de rejoindre la conjuration. Cette situation gênante risque de faire échouer la révolte en empêchant les armées des deux conjurés de se rejoindre. Devant son refus, les conjurés lui demandent de ne ne pas dévoiler leurs intentions.
Radulphe le Breton et Roger furent profondément contristés ; ils forcèrent Guallève [Waltheof] de jurer par les plus terribles sermens qu’il ne découvrirait pas leur complot.
Les deux comtes poursuivent leur action. De son côté, Waltheof dévoile la conspiration. Il en informe l’évêque Lanfranc, suppléant de Guillaume le Conquérant, alors en Normandie.
Peu de temps après, une révolte soudaine fut par toute l’Angleterre le fruit de la conjuration, et l’opposition contre les officiers du roi se propagea au loin. En conséquence, Guillaume de Varenne et Richard de Bienfaite fils du comte Gislebert, que le roi avait établis ses principaux justiciers pour régler les affaires d’Angleterre, convoquent les rebelles au palais. Ceux-ci ne daignent pas obéir aux ordres qu’ils reçoivent, et, s’efforçant de suivre le cours de leur insolence, préfèrent combattre les partisans du roi. Sans nul retard, Guillaume et Richard réunissent l’armée d’Angleterre, et livrent aux séditieux un combat sanglant dans le camp que l’on appelle Fagadune. Par la grâce de Dieu, ils triomphent des rebelles, et, les ayant tous pris, quelle que fût leur condition, ils leur font couper le pied droit afin de pouvoir les reconnaître. Ils poursuivent le Breton Radulphe [Raoul] jusqu’à son château, mais ils ne peuvent le prendre. Ayant rassemblé une forte armée, ils mettent le siège devant Norwich, l’attaquent, réunissent la valeur à l’habileté militaire, accroissent ainsi leurs forces, fatiguent les assiégés par de fréquens assauts et diverses attaques, et, durant trois mois, les pressent et les combattent de toute manière. Au dehors, l’armée vengeresse croît journellement, se fortifie et reçoit en abondance les vivres et les autres secours dont elle a besoin, pour ne pas être forcée de se retirer. Cependant Radulphe de Guader, se voyant ainsi renfermé, et n’espérant aucun secours de ses complices, eut soin de confier sa forteresse à des gardes fidèles, et, s’étant embarqué sur la mer, qui était à sa proximité, se rendit en Danemarck pour y solliciter de l’assistance. Pendant ce temps, les lieutenans du roi, Richard et Guillaume, pressèrent les bourgeois de la ville de se rendre, ils envoyèrent en toute hâte, au delà des mers, des délégués pour faire part au roi des troubles qui s’étaient élevés, et le prier de revenir promptement défendre lui-même ses propres États.
Aussitôt que ce monarque plein d’activité connut le message de ses lieutenans, [...], il passa promptement en Angleterre. Aussitôt il convoqua à sa cour tous les grands du royaume, il réjouit par des paroles caressantes les héros qui avaient fait preuve de fidélité, et demanda, avec juste raison, aux auteurs et aux fauteurs des révoltes, pourquoi ils préféraient le crime à l’équité. Les assiégés ayant fait leur paix, Norwich se rendit au roi, et Radulphe de Guader, comte de Norwich, fut, à perpétuité, déshérité et chassé d’Angleterre. Ainsi banni, il retourna en Bretagne avec sa femme. Là les excellens châteaux de Guader [Gaël] et de Montfort sont en sa puissance ; le monarque anglais ne put les lui ravir, et ses enfans les possèdent encore aujourd’hui par droit héréditaire.
Guillaume le Conquérant condamne Roger de Hereford à la prison à vie. Il n’en est pas de même pour Waltheof.
[...] il fut jugé digne de mort comme ayant été d’accord avec les conjurés qui tramaient la perte de leur maître, pour ne s’être pas opposé à leur criminelle entreprise, et ne l’avoir pas découverte par une dénonciation formelle.
Orderic Vital laisse entendre que cette différence de jugement est liée au fait que Roger est Normand 12 et que Waltheof est Anglo-saxon.
On ne lui accorda aucun répit. Les Normands qui craignaient beaucoup son évasion, désiraient obtenir pour eux ses grands biens et ses titres considérables.
Décapité en mai 1076, il sera dès lors, considéré comme un martyr par les Anglais.
Retour de Raoul de Gaël sur ses terres bretonnes
Après une absence de dix ans, Raoul retrouve ses terres de Gaël. Au début de 1076, profitant du fait que Hoël, duc de Bretagne, n’a pas autorité sur le nord de la péninsule, les troupes de Guillaume le Conquérant s’emparent de Dol (de Bretagne). C’est l’occasion pour Raoul de Gaël d’en découdre à nouveau avec le Conquérant. Il rassemble sans difficultés plusieurs seigneurs bretons, parmi lesquels Eudon de Porhoët, Geoffroy Grenonat comte de Rennes et les seigneurs de Combourg et d’Ancenis. Ils reprennent et occupent la forteresse de Dol. Raoul fait alliance avec Foulques le Réchin, comte d’Anjou, qui se prépare à assiéger La Flèche. Sentant sa frontière normande menacée, Guillaume le Conquérant se présente devant Dol avec d’imposantes troupes. Cette démonstration de force amène le comte d’Anjou à faire appel au soutien de Philippe 1er, roi de France. Craignant un encerclement, le Conquérant retire ses troupes, non sans subir d’importantes pertes. — CHÉDEVILLE, André et TONNERRE, Noël-Yves, La Bretagne féodale, XIe-XIIIe siècle, Rennes, Editions Ouest-France, 1987, Voir en ligne. [page 64] —
Les châteaux de la seigneurie de Raoul de Gaël
Raoul réside en son château de Gaël. Peut-être a-t-il récupéré le castrum ayant appartenu à Gleudennus Judicaël en 1024 13.
Il entreprend la construction d’un second château au confluent du Meu et du Garun, sur le « mons fortis » 14. La mention d’un tremblement de terre en 1091 dans le Chronicon Brittanicum prouve que le château était déjà édifié à cette date.
MXCI. Terrae motus factus est. Occisus est Gaufredus Botherel, Monfortem fractum est (vel factum est)
Raoul de Gaël cité en 1089
Une notice du cartulaire de l’abbaye de Redon rend compte d’un contentieux opposant le 30 décembre 1089 les moines de Redon et les chapelains d’Alain IV Fergent, duc de Bretagne et de Constance son épouse. Une lecture publique du jugement, faite dans le cimetière de l’abbaye Saint-Sauveur de Redon, donne raison aux moines. Dans la liste des témoins à ce jugement apparaissent les noms suivants.
Cujus rei testes sunt : Alanus, comes, comitissaque Constancia ; Mathias, comes Namnetis, testis. Testes etiam sunt ipsimet judices superius nominati : Benedictus, Namnetis episcopus, testis ; Eudo, vicecomes, testis ; Radulfus anglicus, comes, testis ; Radulfus de Fulgeres (sic), testis ; Bernardus de Rupe, testis ; Goscelinus de Reus ; Daniel, Iarnogoni filius, testis ; Riocus de Lohoiac et frater ejus ; Gualterius, testis ; Riocus, Fredorii filius, testis ; Riocus, filius Bernart de Musullac, testis ; Paganus de Frozai, testis ; Paganus Harluinus, testis ; Budicus, frater Hoelli comitis, testis ; Budicus, Danieli filius, testis ; Radulfus, philosophus de Guadel, testis 15.
Parmi les témoins se trouve le comte Radulfus anglicus, qui ne peut être que Raoul de Gaël, auquel on attribuait, suite à son séjour en Angleterre, le même surnom qu’à son père. Un autre nom, Radulfus, philosophus de Guadel se réfère au toponyme commun de Guadel (Gaël) mais n’implique pas qu’il s’agit de la même famille.
Le Radulfus, philosophus de Guadel, qui est témoin d’un acte pour l’abbaye de Redon avec Raoul de Gaël était probablement un clerc ; philosophus signifie "enseignant". Rien n’indique qu’ils sont apparentés.
Raoul de Gaël prend part à la première croisade
Raoul de Gaël part à la première croisade en 1096, dans une armée conduite par Robert Courteheuse, fils ainé de Guillaume le Conquérant mort en 1087. L’armée des croisés est composée de Normands, de Bretons et d’Angevins.
[Robert] partit pour Jérusalem, et emmena avec lui une multitude de chevaliers et d’hommes de pied formidables à l’ennemi. En effet, il avait avec lui Odon son oncle, évêque de Bayeux, Philippe-le-Clerc, fils du comte Roger, Rotrou, fils de Geoffroi comte de Mortagne, Gaultier comte de Saint-Valeri sur Somme, petit-fils de Richard-le-Jeune duc des Normands, issu de sa fille nommée Papie, Girard de Gournai, le Breton Raoul de Guader, Hugues comte de Saint-Paul, Yves et Albéric fils de Hugues de Grandménil, et beaucoup d’autres chevaliers d’une valeur éprouvée.
Raoul 16 participe en 1097 au siège de Nicée 17. Il meurt après avoir rejoint l’armée du prince normand de Sicile, le futur Bohémond Ier d’Antioche.
Orderic Vital indique que Raoul est accompagné de son fils Alain. Celui-ci meurt également durant cette croisade. Le fils ainé de Raoul, Raoul II lui succède en tant que seigneur de Gaël.