1888-1902
Pisciculture du Domaine de Paimpont
Un élevage de truites aux Forges de Paimpont
Entre 1888 et 1902, Donatien Levesque, propriétaire du Domaine de Paimpont développe un élevage de truites et de saumons aux Forges de Paimpont.
1888 — Un projet de Donatien Levesque
En 1874, Louis-Auguste Levesque (1809-1888) devient propriétaire de la forêt de Paimpont, ainsi que de tous les biens immobiliers qui en dépendent 1. Occupé par ses fonctions politiques et la gestion de ses affaires, il laisse la direction du Domaine de Paimpont à son fils Donatien (1842-1908).
À la mort de son père, Donatien Levesque hérite de la co-propriété de la forêt avec son frère Louis-Arthur (1832-1895). Animé d’une volonté de rentabilisation de son domaine, il amplifie les projets de développement amorcés par son père - création d’une scierie, plantation de pins maritimes et autres résineux, réforme de la garderie, relance de l’activité métallurgique - et se lance dans de nouveaux projets inspirés par les innovations techniques et scientifiques de son époque. Le mouvement piscicole, très actif à la fin du 19e siècle, l’intéresse au plus haut point 2.
Ayant lu un livre de M. Pizzeta sur la pisciculture industrielle 3, dans lequel ce dernier mentionne un revenu de 200 F par hectare, il s’empresse, sachant qu’il possède 200 hectares avec son frère Louis-Arthur (en 12 étangs) de lui écrire pour prendre conseil.
Convaincu par l’intérêt d’un projet piscicole à Paimpont, Donatien Levesque se lance dans une étude approfondie des possibilités offertes par son domaine.
À titre expérimental, il met quelques truites dans les douves du chalet et des saumons dans l’étang de la Fenderie. Puis il demande à son frère Louis-Arthur de lui procurer un scaphandre pour scruter le fond des étangs et étudier le comportement des alevins. En outre, il place dans chacun des étangs un thermomètre pour surveiller la température d’éclosion des œufs des différentes espèces de poissons. Ces investigations lui révèlent que les étangs sont trop profonds, qu’ils sont souvent encombrés de bois mort, que la plupart d’entre eux sont peuplés de brochets, enfin, que la température y est trop basse pour la reproduction des truites et des saumons.
Malgré les difficultés soulevées par son projet piscicole, Donatien Levesque choisit de lancer un élevage d’alevins. Les premiers parcs à truites sont installés dans les fossés du chalet des Forges, alimentés par le ruisseau des Plaintes.
1888-1902 — L’élevage de truites des Forges de Paimpont
Afin de pérenniser son élevage de truites, Donatien Levesque fait construire un laboratoire d’élevage des alevins appelé La maison au poisson
par les habitants du village des Forges. Il place le nouvel établissement piscicole sous la responsabilité d’Amandine, épouse du garde de Haute-Forêt déjà en charge du centre d’élevage des faisans.— LEVESQUE, Jérôme, Les Levesque de la fin du XVIIe siècle à nos jours, Les Forges de Lanouée, 2004.
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Les alevins de truites sont achetés à l’aquarium du Trocadéro 4, auprès de Félicien Jousset de Bellesme (1839-1925), directeur de l’établissement parisien et grand promoteur de la pisciculture de la truite en France 5.
Comme M. Levesque avait organisé dans un ancien moulin de la forêt de Paimpont, une installation de pisciculture dont il s’occupait avec soin, nous lui confiâmes 500 alevins de truite arc-en-ciel. Ce don eut d’heureux résultats [...] Nous fûmes sollicités de nouveau par M. Donatien Levesque , propriétaire à Paimpont. Nous lui avions déjà concédé l’année précédente des alevins de saumon de Californie.
M. Sarcé, membre de la Société des Agriculteurs de France a donné une description détaillée de l’établissement Levesque repris par P. Crépy en 1896 7.
L’établissement piscicole a été placé aux Forges, en raison de sa situation centrale à la confluence du réseau hydraulique de la forêt de Paimpont.
[...] sept étangs, créés au moyen de levées en terre formant barrage dans autant de vallées, emmagasinent toutes les eaux pluviales de cette région. Leur eau s’écoule dans un huitième étang, également artificiel, qui est le lieu choisi pour l’exploitation de la truite arc-en-ciel, car ici ce n’est pas exclusivement pour l’amour de la science pure qu’on élève ce gracieux poisson.
L’établissement est organisé en deux secteurs principaux. Le premier - le laboratoire - est situé sous la digue de l’étang des Forges.
Une ancienne remise, adossée à la levée de l’étang, sert de laboratoire. Dans une pièce carrée de 5 à 6 mètres de côté et dont le sol est en contrebas de l’eau sont disposées vingt boites en planches de pin maritime de 2m50 de long sur 0,50 de large, dans lesquelles se fait l’incubation. Les boîtes sont posées sur des tréteaux en bois de 0m70 de haut ; les claies d’éclosion en verre sont placées au fond des boîtes dans le sens de la longueur. L’eau qui vient de l’étang arrive aux boites par leur fond simulant une source et s’écoule par des tuyaux verticaux de trop plein. Une cloison en zinc perforé empêche l’entraînement des œufs et des alevins par le courant. On voit que cette installation est de la plus primitive simplicité. Elle permet cependant de traiter à la fois 400.000 œufs de truite, chaque boite en contenant 20.000 et cela sans autre personnel qu’une femme qui gagne 250 francs par an et sa nourriture.
Le second - les bassins d’élevage - sont situés en contrebas du ruisseau du déversoir de l’étang des Forges, dans la prairie du Saulnier.
Les bassins d’élevage sont à une centaine de mètres du laboratoire. Ils sont entourés d’une palissade autour de laquelle circule un fort chien de garde attaché à une chaîne de 2 mètres dont l’anneau glisse sur une main courante en fil de fer qui suit la palissade. Aucun ennemi n’est donc à craindre pour les jeunes poissons que le martin -pêcheur à l’adresse duquel nombre de pièges sont dressés, et à laquelle on fait une chasse sans merci. Les seize bassins sont de simples trous creusés à la pelle et revêtus de planches de sapin et leurs talus . Ils sont alimentés d’eau courante (ceci est essentiel) par un petit ruisseau ; leur profondeur ne dépasse pas 50 centimètres ; sauf quatre, qui sont plus grands, ils ont environ 2 mètres sur 2 mètres. Deux bassins consécutifs sont séparés par une tôle perforée, de façon que les truites qui ne sont pas de même âge et de même taille ne se trouvent pas réunies. Ces poissons, très voraces, se dévoreraient en effet entre eux, et les gros auraient vite fait disparaitre les petits. Les bassins sont protégés des ardeurs du soleil par des abris roulants en voliges. L’eau des bassins s’écoule par un canal de 500 mètres de long sur 3 mètres de large. Vers le mois de novembre les jeunes truites de l’année sont assez fortes pour qu’on puisse les lancer dans la lutte pour l’existence sans trop grand danger pour elles. On les lâche dans le canal, les étangs ou les ruisseaux de la forêt de Paimpont, et elles y prospèrent fort bien.
L’établissement piscicole du Domaine de Paimpont produit une importante quantité de saumons et de truites arc-en-ciel. Les truitelles sont livrées en bac aussi bien à Port-Brillet chez les Chappée 8, qu’à travers toute la France, et même jusqu’en Allemagne.
Mais une trop forte mortalité dans l’élevage fait péricliter l’activité qui cesse en 1902.— LEVESQUE, Jérôme, Les Levesque de la fin du XVIIe siècle à nos jours, Les Forges de Lanouée, 2004.
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