17e siècle
La bannière de Tréhorenteuc
Une représentation de sainte Onenne
L’église de Tréhorenteuc abrite une bannière et une croix de procession du 17e siècle, classées par les Monuments Historiques. Ces objets participent de la volonté de christianisation du culte de Sainte-Onenne par les chanoines de l’abbaye Notre-Dame de Paimpont.
Sainte Onenne est la patronne secondaire de Tréhorenteuc. C’est Eutrope, évêque de Saintes (Charente-Maritime), qui est d’après la tradition locale le premier saint de la paroisse. Considérée comme une des sœurs du roi Judicaël, Onenne aurait eu une existence historique à la fin du 6e ou au début du 7e siècle. Son culte n’est attesté que dans la seule paroisse de Tréhorenteuc où l’église et une fontaine lui sont dédiées. Onenne possédait aussi son tombeau dans l’église, trois statues ainsi qu’une bannière portée lors de processions à la fontaine.
Une bannière du 17e siècle
L’église de Tréhorenteuc abrite une bannière de procession du 17e siècle. La bannière est en soie, avec application de broderies. Elle présente sur une face le Christ en croix sur fond rouge, entouré de la Vierge Marie et de saint Jean. L’autre face comprend une Vierge à l’enfant entre sainte Onenne et saint Eutrope agenouillés, sur un fond blanc orné de feuilles de lys.
Une tradition locale fait d’Anne de Bretagne la donatrice de cette bannière, ce qui permettrait de la dater de la fin du 15e siècle. Cependant plusieurs éléments contredisent cette version.
En 1861, Sigismond Ropartz, le premier à détailler l’image de la sainte, estime la datation de la bannière au 17e siècle.
Personne n’a parlé de la bannière. Elle est du XVIIe siècle, et a été fort belle. Elle représente d’un côté le crucifix, de l’autre la Vierge entre saint Eutrope et sainte Onenne agenouillés. La Vierge remet au saint une riche crosse d’or, l’Enfant Jésus bénit la sainte, vêtue d’une sorte de voile ou de coiffe blanche, d’une robe jaune et d’un manteau bleu roulé autour de la ceinture. C’est le même costume que la statue couchée ; du grec ou du romain comme en faisaient les peintres de Louis XIV. Il ne faut point omettre une cane blanche et trois canetons figurés sur la bannière entre les deux saints.
La bannière de sainte Onenne est classée au titre d’objet par les Monuments Historiques depuis le 20 juin 1929. Son analyse stylistique permet aux Monuments historiques de la dater du 17e siècle.
En 1972, l’abbé l’abbé Gillard mentionne un document d’archives de la paroisse de Tréhorenteuc permettant de l’attribuer avec certitude au début du 17e siècle 1.
Dom Robert Doré était sous-curé de Tréhorenteuc. Il habitait la Touche-Robert. Il acheta pour la somme de 78 livres : 4 aunes de Damas "cramouessi", 5 images et 6 "estoilles" ; et à son domicile fit exécuter le travail de couture par le tailleur de l’endroit. La bannière était finie à Noël 1606. Elle fut, ce jour là portée en procession.
L’abbé Gillard et l’interprétation de la bannière de Tréhorenteuc
L’abbé Gillard manifeste un intérêt certain pour sainte Onenne à laquelle il consacre une partie des œuvres d’art de son église. L’abbé donne une interprétation toute personnelle de la vie de la sainte et des enseignements à en tirer. Il fait de même avec la bannière processionnelle qu’il interpréte dans cinq de ses opuscules publiés entre 1953 et 1972.
Il mentionne une première fois la bannière en 1953, dans une réédition augmentée de Curiosités et légendes de la forêt de Paimpont.
D’un côté, elle représente, sur un fond rouge, Jésus élevé sur une croix d’or, endurant ses souffrances avec une grande douceur, offrant ses mérites aux Justes et aux Pécheurs et substituant à la synagogue la religion chrétienne. Au pied de la croix, la Ste Vierge et St Jean se réjouissent du résultat. De l’autre côté, l’autorité religieuse et l’autorité civile demandent des lumières à la Ste Vierge et à Jésus. La Ste Vierge présente à l’Évêque une crosse et l’invite, avant de l’utiliser, à beaucoup réfléchir. Quant à l’Enfant-Jésus, c’est à l’autorité civile qu’il s’adresse et il lui suggère d’agir avec douceur. Pour finir, la Ste Vierge et Jésus d’un commun accord offrent à l’Évêque et à la Princesse un exemple qui suffoque : une mère-oie qui, sans contrainte aucune, conduit ses pirotons.
En 1955, il donne de nouvelles interprétations des représentations de la bannière dans deux de ses brochures.
La Ste-Vierge et l’Enfant-Jésus donnent à St Eutrope et à Ste Onenne une leçon de morale. Ils leur demandent conjointement de considérer le gouvernement de la mère-oie : Elle ne crie pas, elle ne frappe pas et cependant dans la famille tout marche bien.
Dans La Mystique des Nombres dans les Beaux-Arts, il détaille l’interprétation des deux faces de la bannière et demande à Jean Delpech d’illustrer ses propos par deux gravures. — GILLARD, abbé Henri, HAUTECCOEUR, Louis et DELPECH, Jean, La Mystique des Nombres dans les Beaux-Arts, Ploërmel, Les Éditions du Ploërmelais, 1955, 65 p., (« Le recteur de Tréhorenteuc »). [pages 39-42] —

[page 41] —
En raison du cercle, l’Évêque [Saint Eutrope] et la Princesse [Sainte-Onenne] sont forcément des saints. Ils ont 13 rayons sur leur nimbe. Donc ils pensent à leur titre de patron. Ils sont heureux tous deux, car ils sont surmontés chacun de 11 fleurs de lys. Sans doute viennent-ils d’arriver au pouvoir. Ils devraient bien se contenter de voir leur ambition satisfaite. Mais non. Il faut encore qu’ils demandent. On les voit avec leurs doigts former le chiffre V. [...] La vierge et Jésus ayant placé entre l’Évêque et la Princesse une oie avec ses pirotons, leur font à tous deux, cette exhortation supplémentaire : ne cherchez pas vos exemples si haut ; voyez à mes pieds la mère-oie qui conduit son troupeau. Elle ne crie pas ; elle ne frappe pas, et son petit monde marche tout droit. Essayez d’en faire autant.

[page 40] —
En 1956, il revient sur certains détails de l’interprétation dans Symbolisme et Mystique des Nombres en Brocéliande.
La bannière a déjà été étudiée dans la brochure sur « La Mystique des Nombres » ; mais là, elle a plutôt été envisagée dans ses détails plutôt que dans son aspect général ; et à ce point de vue, on doit très spécialement remarquer le nombre deux, c’est à dire le signe du féminin supérieur. Sur un côté, il y a une dame avec un enfant. Qui est-elle ? Elle est encadrée par deux personnes et nécessairement, c’est la Sainte Vierge, la plus distinguée de toutes les femmes. Sur l’autre côté, Jésus aussi est encadré. Il est encadré une première fois par la Sainte Vierge et Saint Jean et une seconde fois par le soleil et la lune. Qu’est ce qu’on a voulu dire ? Par l’effet de l’encadrement, le crucifiement de Jésus cesse d’être une image ; il devient symbole d’un féminin supérieur. De quel féminin s’agit-il ? De la charité parfaite. Et voila l’explication du fond rouge qu’on a donné à cette scène, alors que dans tous les cas, le rouge est le privilège de la charité.
En 1972, l’abbé Gillard revient longuement sur la bannière de Sainte-Onenne sans toutefois ajouter de nouveaux éléments à ses interprétations des années cinquante.— GILLARD, abbé Henri, Vérité et légendes : l’église de Tréhorenteuc, Josselin, abbé Roussel, 1972. [pages 12-16] —
L’abbé Gillard présente longuement la bannière dans une visite guidée de l’église de Tréhorenteuc datée de 1969. Ces commentaires ont été publiés en 1987 à partir de la transcription d’une bande magnétique. — GILLARD, abbé Henri et ROUXEL, Abbé, « Une visite de l’Eglise avec l’abbé Gillard (1969) », in L’église de Tréhorenteuc, Vol. 19, Josselin, Abbé Rouxel, 1987, (« Œuvres complètes : le recteur de Tréhorenteuc »), p. 37-58. [pages 50-51] —
1994 — La restauration de la bannière
En 1994, la bannière est restaurée à l’initiative de l’Association de sauvegarde des œuvres de l’abbé Gillard et de la commune. La bannière, minutieusement examinée à cette occasion, portait les traces d’une rénovation datant du 19e siècle.— EALET, Jacky, Tréhorenteuc en Brocéliande, Les oiseaux de papier, 2008. [pages 143-144] —.
La croix de procession
L’église de Tréhorenteuc abrite une croix processionnelle en cuivre argenté sur âme de bois. L’objet a lui aussi été classé Monument historique le 20 juin 1929. La croix est elle aussi datée du 17e siècle, preuve de l’intérêt des chanoines de l’abbaye Notre-Dame de Paimpont pour les processions à la fontaine sainte-Onenne de Tréhorenteuc.

[page 71] —
L’abbé Gillard la nomme croix de la fille de Louis XVI sans donner plus d’explication.
La croix de la fille de Louis XVI est à trois branches égales, ornées de fleurs de lys à chaque extrémité, et ensuite elle est plantée sur une boule.
Onenne inféodée à la Vierge
La paroisse de Tréhorenteuc était un prieuré-cure dépendant de l’abbaye Notre-Dame de Paimpont dans laquelle la réforme génovéfaine est introduite en 1649. Les chanoines réguliers de Saint Augustin et leurs successeurs génovéfains sont chargés de véhiculer l’esprit de la réforme catholique dans les paroisses qui en dépendent. La bannière de procession de Tréhorenteuc traduit ces préoccupations d’évangélisation des populations locales.
Les chanoines cherchent à encadrer les processions à la fontaine Sainte-Onenne, peut-être coupables de syncrétisme à leurs yeux. Sur la bannière, la sainte de Tréhorenteuc est placée sous l’autorité de la Sainte Vierge et de l’Enfant. Onenne, inféodée à Notre-Dame, devient un exemple de dévotion aux saints. Cette représentation d’Onenne sur la bannière en fait une simple dévote de la Vierge. Prier Onenne revient donc à célébrer Notre-Dame.