1909-1966
Breton, André
De Guillaume Apollinaire à la forêt de Paimpont
La littérature arthurienne a exercé une influence discrète, cependant réelle sur l’œuvre d’André Breton (1896-1966). Son intérêt pour Brocéliande nait en 1909 avec la parution de L’Enchanteur pourrissant de Guillaume Apollinaire. Attiré par les mythes du Graal et de l’enchanteur Merlin, le poète surréaliste se rend en forêt de Brocéliande, en 1949, 1950 et 1966, quelques mois avant sa mort.
André Breton et le mythe arthurien
L’intérêt d’André Breton pour l’univers celtique et la geste arthurienne est considéré par la plupart de ses commentateurs comme une découverte tardive datant des années cinquante. Il est vrai qu’André Breton n’évoque cet héritage qu’à partir de 1952, dans un entretien radiophonique où il rappelle l’importance de l’univers arthurien dans sa considération de l’amour et des femmes.
Oui, les romans de la Table ronde sont tenus dans le surréalisme en grand honneur [...] le culte de la femme, dans le surréalisme, peut à bon droit s’en réclamer.
Deux commentateurs contemporains - Yves Vadé et Véronique Cani - ont cependant montré que son intérêt pour la littérature arthurienne, initié par Guillaume Apollinaire (1880-1918), apparait en filigrane dans ses écrits depuis les années vingt et se développe à partir des années quarante par l’entremise de Julien Gracq.
D’Apollinaire à l’enchanteur Merlin
Les premières références d’André Breton à Merlin sont liées à Guillaume Apollinaire qu’il assimile à la figure de l’enchanteur.
L’Enchanteur pourrissant, est pour André Breton l’un des plus admirables livres d’Apollinaire 1
. Selon Yves Vadé, il est sa porte d’entrée dans l’univers arthurien et le révélateur de références masquées qui ornent ses poèmes et sa prose.
Plusieurs textes des années 1924-1927 témoignent plus que de réminiscence - d’une secrète accointance de Breton avec l’enchanteur qu’Apollinaire avait mis en scène.
À partir de 1927, il reprend à son compte des éléments - buissons d’aubépine
- se rapportant au mythe de Viviane et Merlin.
Je n’existais que pour vingt buissons d’aubépine. C’est d’eux qu’est fait hélas ! ce corselet charmant. Mais j’ai connu aussi la pure lumière de l’amour.
Un poème inédit daté de 1926 a pour sujet ses amours désespérées avec Lise Meyer, la dame au gant
de Nadja, transposées à celles de Viviane et Merlin.
[...] Une femme qui n’est plus Lise et qui lui ressemble étrangement.
Les aventuriers du val qui la regardent passer
ne peuvent supporter l’éclat de ses yeux trop ouverts.
On raconte qu’au temps de sa vie un seul battement de ses cils entraînait ce déplacement brusque et oblique des insectes noirs dont les longues pattes se détendent à la surface des ruisseaux.
Moi qui entends cela du fond de mon tombeau
je me garde d’y contredire.
Enfin, La forêt dans la hache 2, poème en prose proche de l’écriture automatique publié en 1932 dans Le Revolver à cheveux blancs évoque - bien que son nom ne soit pas mentionné - l’enchanteur au tombeau. — BRETON, André, « La forêt dans la hache », in Le revolver à cheveux blancs, Paris, Cahiers libres, 1932. —
Pas une fois le nom de l’enchanteur n’est prononcé. Sa présence n’en est pas moins certaine, à travers le souvenir médiateur de l’Enchanteur pourrissant. Comme dans le poème à Lise, nous avons affaire à Merlin au tombeau. La persistance d’une vie dans la mort, cette vie fut-elle décolorée ou diminuée, l’enfermement dans la prison d’air ou dans un monde transparent, les rapports passionnels de l’homme et de la femme sont les thèmes que Breton retient du mythe de Merlin.
Selon Yves Vadé, au-delà des quelques références à Merlin dans ses poèmes et au lien l’unissant à l’Enchanteur pourrissant, l’œuvre de Breton s’inscrit dans un univers poétique marqué par la littérature arthurienne.
Débordant toute question d’influence ou de source, de singulières homologies se dégagent qui de proche en proche confirment l’appartenance de la poésie de Breton à une lignée merlinesque dans ses oppositions à la lignée orphique et font entrer en résonance son imaginaire poétique avec certaines des structures fondamentales de la pensée des anciens celtes.
Benjamin Péret et Julien Gracq — Du merveilleux au mythe du Graal et au roi Arthur
Benjamin Péret et Julien Gracq ont tous deux contribué à rapprocher André Breton des thèmes arthuriens et en particulier de celui de la quête du Graal.
Au début de l’année 1942, André Breton en exil à New-York, écrit à Benjamin Péret alors à Mexico, sur la nécessité de renouvellement du surréalisme dans le contexte de bouleversement des valeurs induit par la Seconde guerre mondiale. Benjamin Péret lui propose de refonder le surréalisme à partir d’une forme de merveilleux qui exprime et transfigure notre époque
, merveilleux qu’il va trouver dans les mythes d’Amérique et leur réinterprétation poétique.— BRETON, André et PERET, Benjamin, Correspondance (1920-1959), Gallimard, 2017, 464 p., (« Blanche »), Voir en ligne.
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Chez André Breton, ce projet de renouvellement du surréalisme par le mythe et le merveilleux prend une autre forme. Du 14 octobre au 7 novembre 1942, il organise à New-York une Exposition Internationale du Surréalisme intitulée First Papers of Surrealism.
Il y présente quinze poèmes objets 3 - dont un collage intitulé Le Graal
- regroupés sous le titre De la survivance de certains mythes et de quelques autres mythes en croissance ou en formation. — BRETON, André et DUCHAMP, Marcel, « First papers of Surrealism », 1942, Voir en ligne. —
[...] le collage d’André Breton intitulé « Le Graal », [est] inscrit au catalogue de l’exposition américaine de 1942, « De la survivance de certains mythes et de quelques autres mythes en croissance ou en formation ». Il est fait de la superposition de deux images collées au-dessus d’une citation : une Crucifixion de Picasso, en partie recouverte, en oblique, par « l’as de coupe » du tarot, surplombant un extrait d’« Au château d’Argol » de Gracq.
Dans l’esprit d’André Breton, ce mythe arthurien est associé à l’œuvre de Julien Gracq et à son roman Au château d’Argol paru en 1938, dans lequel il est fait à plusieurs reprises référence au mythe du Graal, inspiré du Parsifal de Wagner. Ce roman est accueilli par André Breton parmi les œuvres qui, sans être surréalistes à la lettre, le sont plus ou moins profondément par l’esprit
. — BRETON, André, « Entretien radiophonique XV », in Oeuvres complètes, Vol. 3, Gallimard, 1970, (« La Pléïade »), p. 563. —.
Le collage souligne la contradiction inhérente au mythe du Graal : malgré toutes les œuvres qui l’ont investi - et en particulier le Parsifal de Wagner auquel on ne peut rien ajouter - le mythe reste ouvert, la quête est en cours.
La proximité entre André Breton et la littérature arthurienne est pour la première fois évoquée par Julien Gracq dans sa préface du Roi Pêcheur, œuvre théâtrale publiée en 1947. Il y rapproche la quête des chevaliers de la Table Ronde de celle des surréalistes.
Le compagnonnage de la Table Ronde, la quête passionnée d’un trésor idéal qui, si obstinément qu’il se dérobe nous est toujours représenté comme à portée de la main, figurent par exemple assez aisément en arrière plan un répondant - au retentissement indéfini - pour certains des aspects les plus typiques de phénomènes contemporains, parmi lesquels le surréalisme.
Dans la même préface, Julien Gracq pousse l’analogie jusqu’à faire d’André Breton, à la différence de vocabulaire près
, un nouveau roi Artus.
Des phrases comme : « Tout porte à croire qu’il existe un certain point... d’où la vie et la mort, le réel et l’imaginaire, le passé et le futur, le communicable et l’incommunicable, le haut et le bas cessent d’être perçus contradictoirement. Or c’est en vain qu’on chercherait à l’activité surréaliste un autre mobile que l’espoir de détermination de ce point. » - une pente naturelle nous pousse à nous persuader qu’à la différence de vocabulaire près, elles auraient pu sans invraisemblance trouver place dans la bouche du roi Artus en son château de Camaalot.
À cet égard, Julien Gracq ne fait que reprendre une comparaison introduite par André Breton lui-même qui écrit en 1929 sous le pseudonyme d’Arthur B., interprété par Isabelle Cani comme étant une référence à Arthur Rimbaud ainsi qu’au roi Arthur.
Le prénom Arthur, polysémique en ce contexte, rappelle à la fois le culte voué par Breton à Arthur Rimbaud et le rôle qu’il s’attribue d’instigateur, voire de fédérateur de ses compagnons d’armes.
Julien Gracq revient à plusieurs reprises sur cette analogie - quête du Graal et surréalisme / roi Artus et André Breton - dans son ouvrage consacré au maitre du surréalisme paru en 1948 4. Il décèle des évocations de la thématique arthurienne dans deux textes d’André Breton : le Manifeste surréaliste de 1924 et le Le revolver à cheveux blancs de 1932.
Le groupe ne s’y présente jamais sous l’image d’un communauté ouverte, grosse d’une contagion illimitée : au contraire, c’est plutôt l’idée d’un ordre clos et séparé, d’un compagnonnage exclusif, d’un phalanstère que tendent à enclore on ne sait trop quelles murailles magiques (l’idée significative de « château » rôde aux alentours) qui parait s’imposer dès le début à Breton. Beaucoup plus proche, par ses contours surtout exclusifs, de la Table Ronde que de la communauté chrétienne initiale (par exemple) cette image motrice d’envergure revient à deux reprises, sous des formes curieusement jumelles, dans le « Premier Manifeste » (1924) 5 et dans le « Revolver à cheveux blancs » (1932) 6
Les voyages d’André Breton en forêt de Brocéliande
Les liens d’André Breton avec la Bretagne remontent à son enfance. Il séjourne à de nombreuses reprises chez ses grands-parents maternels à Saint-Brieuc ainsi que dans la maison de sa mère à Lorient. Ses amitiés surréalistes, notamment Yves Tanguy 7 et Julien Gracq, l’ont souvent mené à parcourir la région. Après son exil américain, il multiplie les visites, en compagnie de sa fille, de sa compagne ou de ses amis. Il passe fréquemment ses vacances d’été sur le sol breton.
D’autres zones, cependant, l’attirent dans la surface mythique de l’ouest aventureux, dont il n’ignore pas la charge émotionnelle, surtout après la lecture de « l’Enchanteur pourrissant » d’Apollinaire, pour qui « les éclats des lances dans la forêt du Graal étaient aussi clairs qu’à nous les étoiles d’une nuit d’été. » [...] Il est permis de penser qu’il rencontra là plus d’une fois ce qu’il cherchait, ou du moins, ce qui pouvait le mieux accompagner voir intensifier sa vie amoureuse et spirituelle. Les beautés violentes de l’Arcoat et de l’Armor aux multiples émerveillements ont densifié à son approche leur champs magnétiques - qu’il s’agisse de l’île de Sein où il se rend durant l’été 1929 et où il revient deux ans plus tard ou des forêts de Huelgoat ou de Brocéliande.
Sa découverte de la forêt de Brocéliande date des années d’après guerre. André Breton y séjourne durant les étés 1949, 1950 et 1966.
André Breton à Paimpont en 1949
André Breton se rend pour la première fois en forêt de Paimpont durant la fin de l’été 1949.
[...] Un an après [1949] on le retrouve dans l’auberge de Paimpont [...] Là même, il compose la préface de « La nuit du Rose-Hôtel » de Maurice Fourré, charmant psychopompe de soixante-douze ans, et celle du « Mécanicien » de Jean Ferry - où il décrit d’ailleurs partiellement l’hôtel qu’il occupe, non sans le rapprocher de la fameuse « auberge verte » de Rimbaud.
André Breton loge à l’hôtel Allaire 8 situé en face du porche du bourg de Paimpont. Le 28 septembre 1949, il y écrit une lettre à Maurice Fourré (1876-1959).
Votre image [...] m’est parvenue en cette terrasse d’auberge ombrée de tilleuls, à Paimpont et c’était fort bien ainsi, dans l’éveil matinal de la forêt tout autour, et de cette forêt précisément qui vous fait votre vrai cadre, par les légendes qui s’y attachent, sans rien de factice pour les retenir.
C’est dans sa chambre d’hôtel qu’il écrit la préface du Mécanicien de Jean Ferry 9. On peut y lire une description succincte de l’hôtel.
[...] Hier encore, je ne m’estimais pas trop mal placé pour en juger, séjournant dans une auberge de Bretagne où, chose curieuse, je m’instruisais pour la première fois de ce qu’est l’« auberge » (Rimbaud en parle mystérieusement : « Jamais auberge verte... »). Dans cette maison fort bien située en pleine forêt, où la table et le lit sont bons, d’ailleurs recommandés par les agences de tourisme et qui n’a aucune peine à faire chaque jour étinceler de toutes ses clés de chambre et de tous ses couverts, pour moi c’est merveille d’observer que les bohémiens et les vagabonds de toutes sortes, parfois des moins « présentables » sont accueillis avec la même discrétion et les mêmes égards que les passagers en voiture. Sous ce toit qu’enjambe le lierre et que sans cesse viennent border les hirondelles, ils sont en un instant à l’abri de tout et chez eux. Hier soir encore, ce couple sauvage et fier, lui - nanti en sortant d’un pain de quatre livres - un rien absent sous sa casquette ultra-rapiécée, elle, bien plus petite et d’une corpulence un peu comique mais le regard candide placé si haut - eux si unis et comme insensibilisés à la misère (on me dit qu’ils s’étaient mariés il y a quelques jours) ; ils s’immobilisèrent avant de reprendre la route, porté par le rayon de « Jude l’Obscur » 10.
Selon Isabelle Cani, l’écriture de cette préface est influencée par sa présence en forêt de Brocéliande.
[...] On notera aussi que la notion de merveilleux est centrale dans un essai comme « Le Mécanicien », [...] significativement daté de la forêt de Paimpont.
1949 — Lettres et cartes postales de Paimpont
Au cours de ce séjour en forêt de Paimpont, André Breton écrit ou recoit plusieurs lettres à l’hôtel Allaire.
- Une lettre à Marie Louise Vachée datée du 25 août 1949.
[...] Votre frère est au monde l’homme que j’ai le plus aimé [...]
Dans une seconde lettre adressée à Marie-Louise Vaché, envoyée de Paris le 28 septembre, André Breton écrit être rentré de Paimpont voici une dizaine de jours [...]
.
- Une carte postale à Jean-Louis Bédoin 11.— OTERELO, Claude, « Binoche et Giquello : Arts et littératures du XXe siècle », Hôtel des ventes Drouot, 2018, Voir en ligne. —
- Une lettre de Jindrich Heisler 12 et de Benjamin Péret, postée de Paris le 7 septembre 1949 et adressée à
Monsieur André Breton, Hotel Allaire Paimpont
. — BRETON, André et PERET, Benjamin, Correspondance (1920-1959), Gallimard, 2017, 464 p., (« Blanche »), Voir en ligne. [pages 263-264] —
Les rencontres avec l’abbé Gillard et Jean Markale
C’est au cours de cette première visite en forêt de Brocéliande, datée de 1949, qu’il rencontre l’abbé Gillard au presbytère de Tréhorenteuc.
Quelques années après, André Breton, le grand initiateur du Surréalisme, vint en Brocéliande, sans doute à la recherche du Graal et de cette Fata Morgana dont il avait fait le titre d’un de ses poèmes. Il alla à Tréhorenteuc, visita l’église, dialogua avec l’abbé Gillard, le suivit au presbytère et - chose incroyable pour un homme qui affirmait avec tant de force son athéisme et son anticléricalisme - but dans le verre du pape. Plus tard, au cours d’une réunion, je parlais avec André Breton de l’abbé Gillard et de son accueil au presbytère. Benjamin Perret qui se trouvait à côté et qui avait suivi la conversation, s’écria : « Pouah ! ça devait sentir l’horreur dans cette baraque de curé ! » André Breton se retourna vers lui et lui dit en souriant : « Tais-toi, Benjamin. Tu ne peux pas savoir ce que c’est. Ce n’est pas un homme comme les autres, celui-là. » Je n’ai jamais entendu plus bel hommage à l’abbé Gillard, et cet hommage lui a été rendu par l’un des plus brillants esprits de ce siècle.
À la fin de l’année 1949, un jeune homme frappe à la porte du domicile parisien d’André Breton, rue Fontaine. Il est introduit chez le grand auteur surréaliste sur recommandation de l’abbé Gillard et se présente sous le nom de Jean Markale. — MARKALE, Jean, Mémoires d’un celte, Paris, Albin Michel, 1992, 211 p. [pages 97-98] —
Jean Markale relate lui-même cette rencontre quelques mois plus tard dans la revue Fontaines de Brocéliande, fondée par Ronan Pichery puis dans son autobiographie en 1992. — MARKALE, Jean, « André Breton nous dit », Fontaines de Brocéliande, Vol. 19, 1950. —
C’est en 1949 que j’ai fait la connaissance d’André Breton. [...] Pour comble d’ironie, je me retrouvais là par la suite d’une recommandation d’un prêtre, l’abbé Gillard, qui avait sympathisé, à Tréhorenteuc, avec le redoutable anticlérical qu’était Breton et qui l’avait même fait boire dans une verre offert par je ne sais plus quel pape de Rome. C’est dire si je suis entré chez André Breton en passant par la forêt de Brocéliande. En fait, l’auteur de « Fata Morgana » 13 ne pouvait refuser de recevoir un jeune poète qui s’était voué corps et âme à l’exaltation de la « fée Morgane ». Plus j’y pense, plus je suis persuadé que cette rencontre était dans la logique des choses. Breton allait souvent en Brocéliande. Nous y avions l’un et l’autre nos repères et nos repaires, de quoi parler pendant des heures.
Cette relation avec Jean Markale va nourrir l’intérêt d’André Breton pour le domaine celtique et pour la forêt de Paimpont-Brocéliande.
André Breton à Paimpont en 1950
André Breton revient à Paimpont en juillet 1950 en compagnie de Benjamin Péret 14.
Paimpont et son cortège de lieux-dits le séduisent suffisamment pour qu’il y reparaisse l’année suivante, en juillet 1950, avec [Benjamin] Péret, et envisage de composer une sorte d’histoire universelle qui ferait la part des événements vrais et celle de leur interprétation mythique.
Pour ce second voyage en forêt de Paimpont, il invite son ami surréaliste à venir le rejoindre en compagnie de son épouse Élisa Breton 15.
Cher petit Benjamin.
Mon père veut bien mettre 20 000 francs à ta disposition pour que tu viennes nous rejoindre à Paimpont où nous serons à partir du 20 août. Je vais téléphoner à l’hôtel Allaire pour retenir une place à ton intention. Écoute moi bien, il faudrait que tu ailles trouver L[ouis] Pauwels 16 qui peut, je crois, mettre à ta disposition un permis 1ere cl. Aller retour Paris-Rennes [...] Voila. On espère au moins passer cette fin de vacances avec toi et on t’embrasse.Petit on t’attend avec la tendresse de toujours dépêche-toi pour chasser des papillons et surtout ne crains pas l’humidité. Paimpont est bien pour toi — t’embrasse. Élisa
Cher Monsieur Péret Si vous pouvez rejoindre Elisa, Aube et André à Paimpont vous lui ferez le plus grand plaisir et à moi aussi. Très amicalement. L[ouis] Breton 17
Deux lettres à Aube
Une lettre à sa fille Aube, datée de l’été 1951, mentionne une amie commune appelée Dominique, en vacances avec eux à Paimpont.
[...] Rappelle-toi comment Dominique, sans être moins gracieuse pour cela (son christianisme n’a rien à faire ici) vivait à Paimpont, comment elle savait très harmonieusement partager entre le travail même en vacances et le plaisir et tâche, en cet été 1951, qui est de toute importance dans ta vie, de te conformer un peu à sa méthode, la seule valable sans aucun doute. [...]
André Breton fait à nouveau référence à Dominique, dans une lettre datée de juillet 1952.
[...] Plus exactement, ce n’est qu’au prix d’un très grand effort de volonté que tu pourrais peut-être te rattraper encore - Rappelle toi Dominique à Paimpont - mais cet effort, t’en sens-tu réellement capable ? [...]
Une lettre de Maurice Fourré
Le 17 août 1950, quelques semaines avant la sortie de son livre préfacé par André Breton, Maurice Fourré lui écrit.
J’ai été heureux d’apprendre que vous goûtiez avec Madame André Breton et Mademoiselle Aube de bonnes vacances dans le centre de la France. Je l’avais du reste lu dans le Figaro Littéraire. [...] Je suis bien content aussi de savoir que vous reprenez votre route vers l’Ouest, qui est Nôtre, et que vous retrouverez Paimpont, si vif en mon esprit et en mon cœur [...] Si j’osais vous exprimer le rêve de mon désir – et je vais me permettre de l’oser – et si vous le permettez, je me confierai à la route ; et moi, M.F. – à peu près ou un peu plus, j’irais un jour ou deux vous saluer et vous voir avec indiscrétion et amitié, si je ne vous dérange pas trop ... J’en garderais un souvenir ineffaçable, en ce commencement d’un nouveau jour qu’est ma vie aujourd’hui. [...] vous me diriez d’un petit mot qui me ravirait les dates enfermant votre séjour en Brocéliande et celle qui vous disconviendrait le moins pour me voir paraître devant vous [...].
Nous n’avons pas la réponse de Breton à cette invitation à se rencontrer. Maurice Fourré s’est-il rendu à Saint-Cirq Lapopie ? A-t-il plutôt rejoint la famille Breton à Paimpont ? A-t-il essuyé, là encore, un refus poli ? Et reçu, pour lot de consolation, la visite de Breton en Anjou, sur son trajet de retour vers Paris ?
1951 — Une évocation de Paimpont à Benjamin Péret
Dans une lettre du 4 juin 1951 adressée à Benjamin Péret, André Breton se plaint de l’absence de confort de sa nouvelle maison de Saint-Cirq Lapopie (Lot) qu’il compare aux conditions d"hébergement de l’hotel Allaire à Paimpont durant l’été 1950.
Il fait un temps merveilleux depuis trois jours. Nourriture et literie continuent à ne pas être à l’avenant. Paimpont, à côté, était le paradis.
1956 — la préface des bardes gallois de Jean Markale
En 1956, André Breton préface le premier ouvrage de Jean Markale, consacré à la poésie médiévale galloise. Dans une lettre datée de 1955, il demande à Jean Markale de lui faire parvenir à Saint Cirq la Popie où il est en vacances, le numéro des « Cahiers du Sud » consacré aux Bardes gallois, afin d’en pouvoir commencer la préface.
Lettre d’André Breton à Jean Markale, St Cirq la Popie, 6 aout 1955
Vous savez que je ne suis guère ferré sur le celtisme - et je le déplore spécialement. Je suis perdu si je ne dispose pas d’un minimum de documentation. Ne voyez-vous rien que vous puissiez me faire adresser ici contre remboursement., en passan la commande à Paris où ailleurs ? Il me parait par trop vain de m’en tenir - en guise de préface - à une sorte d’appréciation à vol d’oiseau car, à mon grand damn, la clé des Kenningar 18 n’ouvre guère. Pardonnez moi, mon cher ami, de vous causer un surcroît de souci. Veuillez, je vous prie, présenter mes hommages à Madame Jean Markale et mon discret souvenir au Recteur de Tréhorenteuc qui m’a fait boire dans le verre du pape après m’avoir découvert le Val sans Retour.
Sa connaissance des lieux-dits de la forêt de Paimpont transparait dans les dernières lignes de cette préface.
Des hauts lieux qu’il hante chaque année, entre la fontaine de Barenton et le Val-sans-Retour, non loin du troublant village de Folle-Pensée, au cœur de cette fabuleuse forêt de Brocéliande, où luit encore par éclair la lance de Perceval, nul n’était plus désigné que Jean Markale pour nous présenter, avec tous les soins requis, les chants des anciens bardes gallois.
1958 — Une rencontre manquée avec Julien Gracq
Julien Gracq, André Breton et sa fille Aube Elléouët projetaient de se retrouver à Paimpont en août 1958. La rencontre en forêt de Brocéliande entre les deux écrivains n’a finalement pas lieu.
Je n’en vais pas moins écrire quelques mots à Julien Gracq pour qu’il trouve un peu moyen de te promener dans cette province qu’il aime, autant qu’Yves la Basse-Bretagne (il n’y a d’ailleurs pas d’opposition). Il avait projeté de vous retrouver à Paimpont à la fin d’août et il va être déçu d’apprendre qu’on a déjà obliqué.
1966 — Dernier voyage d’André Breton à Paimpont
André Breton entreprend un dernier voyage en Bretagne en mai 1966. Il se rend dans les forêts de Huelgoat et de Brocéliande ainsi qu’à Quiberon et à Douarnenez.
On le voit donc l’année de sa mort à Brocéliande.