1884-1925
L’apparition de la Vierge à Judicaël
Une invention de la fin du 19e siècle
La création du sanctuaire marial de la Grotte de Paimpont en 1884 est à l’origine d’un renouveau du culte de Judicaël et d’une nouvelle légende : l’apparition de la Vierge à Judicaël et le jaillissement de la source de Notre-Dame de Paimpont.
1884 — La création du sanctuaire de la Grotte
Le pardon de Notre-Dame de Paimpont - interrompu depuis la Révolution - est réactivé dans les dernières décennies du 19e siècle.
Les travaux d’aménagement du sanctuaire débutent en juillet 1884. Durant plusieurs semaines, les villageois construisent une grotte inspirée de celle de Lourdes. Le dimanche 24 septembre 1884, lors de la bénédiction du nouveau sanctuaire, une statue de Notre-Dame, œuvre du sculpteur Bouthéry, est placée sur le sommet de la Grotte.— GERVY, abbé Louis, « Un grand pèlerinage et un charmant pays (1) », Revue de Bretagne, Vol. 37, 1907, p. 344-370, Voir en ligne. —
Entre 1884 et 1891, plusieurs miracles sont attribués à Notre-Dame de Paimpont.
C’est dans ce contexte qu’un nouvel épisode de la vie de saint-Judicaël - l’apparition de la Vierge à Judicaël et le jaillissement de la source de Notre-Dame de Paimpont - est inventé.
1899 — Le miracle sur les vitraux de Judicaël
La plus ancienne référence au miracle de l’apparition de la Vierge à Judicaël date de 1899, année de création des vitraux du chœur de l’église abbatiale de Paimpont. Ces vitraux consacrés à la vie de Judicaël, sont réalisés par l’atelier A. Vermonet de Reims. La famille Levesque, propriétaire du « Domaine de Paimpont », en est le commanditaire. — PAILLER, Nicolas et DUFIEF, Denise, « Ensemble de quatre verrières de l’église paroissiale de Paimpont », Monuments Historiques, 1982, Voir en ligne. —
Le registre supérieur du vitrail nord est consacré à l’apparition de la Vierge à Judicaël et au jaillissement miraculeux de la source de Notre-Dame de Paimpont.
Au second registre, ayant revêtu l’habit de moine, Judicaël fait jaillir une source aux vertus miraculeuses et dédie l’endroit à Notre-Dame de Paimpont.
1906 — Traditions populaires
En 1906, Marie Chevallier mentionne une tradition paimpontaise évoquant le miracle de l’apparition de la sainte Vierge à Judicaël.
Les matériaux déplacés. — On raconte que la sainte Vierge, apparue à saint Judicaël, aux Landiers des chênes à Paimpont, lui dit : « Tu feras bâtir une église en mon honneur. » Aussitôt on en commença l’exécution, mais tout ce qui était fait le jour, la nuit se trouvait transporté sur la place du village, à l’endroit où se dresse l’église d’aujourd’hui ; voyant cela, les architectes construisirent l’édifice à ce dernier endroit, on lui donna le nom de Notre-Dame de Paimpont.
1907-1908 — Les écrits de l’abbé Gervy
Le miracle de l’apparition de la vierge à Judicaël
En 1907, l’abbé Gervy présente à son tour le miracle du jaillissement de la fontaine Notre-Dame de Paimpont à Judicaël comme une tradition.
Sa protection [de la sainte Vierge] se manifesta d’abord par cette source merveilleuse qui jaillit soudain, sous les pieds de saint Judicaël, au « Pré-des-Carrés ».
Par ailleurs, l’abbé Gervy utilise deux sources pour inscrire dans le passé cette tradition naissante.
Il reprend la tradition inventée au 15e siècle selon laquelle l’abbaye de Paimpont a été fondée par Judicaël.
Tel est le fils de promesse, tel est l’enfant de bénédiction, tel est le puissant roi qui eut le premier l’idée de placer la sainte Vierge au milieu de Brocéliande. La cantate si populaire à Paimpont le dit :
Digne élu du trône,
Saint Judicaël
Choisit pour patronne
La reine du cielIl bâtit sur le bord du lac, nous apprend un ancien parchemin, à l’endroit où la tradition porte qu’il y avait un dolmen ou un autel druidique, un sanctuaire qu’il dédia à la Mère de Dieu, sous le nom de Notre-Dame de Paimpont. Il le fit desservir par des religieux qu’il tira de l’abbaye de Saint-Méen et fut ainsi le fondateur du monastère de Paimpont. La paroisse l’honore toujours comme son second patron.
Le parchemin
évoqué par l’abbé n’a été mentionné par aucun autre auteur. Et si celui-ci fait référence au manuscrit de l’abbé Barleuf rédigé au 17e siècle, aucune mention d’un dolmen ou d’un autel druidique
n’y figure.
L’abbé Gervy évoque enfin un nouvel apport du 19e siècle à la vie légendaire de Judicaël, l’octroi d’une charte aux habitants de la forêt de Paimpont.
Il octroya ensuite (636-640) une charte par laquelle il donna, à tous ceux qui voudraient se fixer dans cette forêt, des terrains et des droits particuliers.
Cet épisode est une invention de l’historien breton Arthur de la Borderie, démentie par la traduction contemporaine de la Vita Judicaelis par Gwénaël Le Duc.
1925 — La statue de Judicaël
Le 27 septembre 1925, une fête pour la canonisation de Judicaël est organisée à Paimpont par l’évêque de Rennes. Durant la journée de fête une statue de Judicaël est transportée en cortège.
Visible sur une carte postale, la statue est aussi décrite dans un article de Ouest-Éclair : Judicaël porte le costume des mérovingiens ayant à la main la charte de l’abbaye de Paimpont qu’il fonda.
La journée se conclue par l’inauguration d’une statue en bronze de Judicaël, installée sur son socle, face à la grotte.
Elle est placée en surplomb de la fontaine Notre-Dame-de-Paimpont consacrant le miracle de l’apparition de la vierge à Judicaël.
En lieu et place de la charte attestant la fondation de l’abbaye, le roi tient une miniature de l’église abbatiale.