540 millions d’années
La carrière de la Marette
Un site géologique exceptionnel à Saint-Malon-sur-Mel (35)
La carrière de la Marette à Saint-Malon-sur-Mel (35), découverte par Claude Klein en 1956 et décrite par Jean-Jacques Chauvel et André Philippot en 1957, est un des plus beaux exemples d’affleurement montrant la discordance du Paléozoïque sur le Briovérien. Cette carrière n’est plus exploitée. Le site est accessible au public.
Les géologues chargés du relevé de la carte géologique de France (Charles Barrois et Pierre Pruvost : Feuilles géologiques au 1/80 000 de Pontivy et de Rennes 1) dessinaient sur cette carte une concordance parfaite entre les sédiments du Briovérien et ceux du Paléozoïque situés au dessus.
Les géologues rennais qui avaient très tôt (1838, 1891 et 1901 2) vu sur le terrain, quelques sites montrant une discordance entre ces deux ensembles sédimentaires, se sont mobilisés à partir de 1940 pour repérer de nouveaux affleurements exposant cette discordance.
Les synclinaux du sud de Rennes (qui se terminent à l’ouest par le Massif de Brocéliande), fournirent la cible principale de cette recherche.
- Aujourd’hui les plus beaux affleurements de cette discordance, ouverts au public, sont la carrière des Landes à Pont-Réan (35), découverte et décrite par Edmond Bolelli en 1943 et la carrière de la Marette à Saint-Malon-sur-Mel (35), découverte par Claude Klein en 1956 et décrite par Jean-Jacques Chauvel et André Philippot en 1957.
Concernant le site de la Marette, ces auteurs pionniers furent suivis par d’autres 3. L’article est accompagné d’un document pdf : Marette Historique : quelques visiteurs très inspirés, qui expose le résultat des recherches faites par ces auteurs jusqu’en 1988 et leurs répercussions dans la compréhension du contexte géologique du Massif armoricain.
Mise en place de la carrière
En 1948 le terrain de la carrière, initialement de la lande, était la propriété de la commune de Saint-Malon-sur-Mel. La photo du site en avril (I00 en haut), montre l’aménagement d’une route d’accès au projet de carrière et le déblaiement de son emprise.
Le maire de Saint-Malon-sur-Mel, Pierre Jolivet signe en juin avec Evangéliste Pompei 4 (entrepreneur de travaux publics à Concoret), l’autorisation d’exploitation de la Marette par son entreprise 5 [I01].
La photo aérienne prise en 1949 ([I00] en bas) montre une ligne de front de taille (en jaune) allongé O.S.O – E.N.E, limitant au sud, un carreau d’une dizaine de mètres de profondeur.
Au nord du site, on devine les premières installations de traitement de la pierre extraite (concassage, calibrage...), ainsi que la voirie attenante, pour la circulation des engins.
L’exploitation de la carrière, est arrêtée au bout de sept années, en 1955 au profit du site de Trékoët 6, distant de quatre kilomètres vers l’ouest.— GUILLAUME, Joël, « Témoignage de Pierrot Pompéi sur la carrière de la Marette à Saint-Malon-sur-Mel », Saint-Malon-sur-Mel, 2021. —
Sur la photo de 2014, on voit que le front de taille (en bleu), d’une hauteur d’une quinzaine de mètres, a progressé vers le sud, d’environ quinze mètres.
La carrière de la Marette en 2018
Depuis 2004, le site est aménagé et mis en valeur par la Société Géologique et Minéralogique de Bretagne (SGMB) 7 — JONIN, Max, « Réhabilitation du site géologique remarquable de la carrière de La Marette », Bulletin de la Société Géologique et Minéralogique de Bretagne, série D, 2004, p. 53-56. —.
- Un dépliant (récupérable où ?) ainsi qu’un panneau situé à l’entrée de la carrière, renseignent le visiteur (voir Annexe 1).
Ce site est aussi dûment signalé dans le Topoguide de Brocéliande, où il figure comme première étape, dans la promenade n° 28 « A la mémoire de Merlin » — FFRANDONNÉE, « La carrière de la Marette », in Brocéliande à pied, Conseil Général d’Ille-et-Vilaine, 2017, (« Topoguides »), p. 160-161. —
La description de la carrière est illustrée par un relevé numéroté « banc à banc » 8 du Briovérien et du Paléozoïque, bien exposé sur les fronts de taille est et sud de la carrière (voir : Annexe 2).
Ce relevé, purement visuel, permet de situer pour le lecteur de l’article, le visiteur de la carrière, les observations décrites dans cet article.
Une autre hiérarchie de ces couches pourrait être proposée à partir de l’analyse de données supplémentaires (observation de lames minces par exemple).
- Les lames minces montrent le détail des faciès rocheux : forme, nature des fragments et minéraux, non discernables à l’oeil nu. Concernant les couches inventoriées dans la carrière, elles permettent de définir la genèse des roches et leurs déformations ultérieures reliées aux orogènes.
Les points d’observation, dans et autour de la carrière de la Marette, décrits dans cet article (numérotés de 01 à 17) sont localisés dans la vue aérienne ci-dessus.
Ils s’inscrivent dans un rectangle orienté est - ouest, large de 200 mètres et haut de 100 mètres.
Le Briovérien
Description
— La série gréso - silteuse
Au premier plan, on devine une alternance de deux bancs d’épaisseur décimétrique gréso (G) silteux (S) 9, à fort pendage nord.
- Les grès, de teinte vert foncé, sont relativement grossiers avec des clastes peu usés.
- Les siltites présentent des structures sédimentaires en fines laminations parallèles.
Du point de vue structural, le dépôt des couches gréseuses (encadré ci-dessus) entraînent localement, des déformations de la limite des siltites.
A l’arrière plan, sur le front de taille est, l’empilement des bancs essentiellement gréseux, dessinent au nord un rebroussement ([I07 : R]) puis, vers le sud, une structure repliée ([I07 : A]).
Cette structure repliée se renforce au sud-est, sous la forme d’un pli, tronqué par une discontinuité verticale (trait blanc : [I10] et [I11]), au-delà de laquelle les bancs moins épais (alternance gréso-silteuse - [I11] : banc n° 31 et suivants) sont de nouveau très pentés vers le nord-est.
Dans cette partie du front de taille, le comptage des bancs (35 à 36) du Briovérien (I11) est difficile, du fait de leur faible épaisseur et du mauvais état de l’affleurement, caché par les éboulis et la végétation.
— Le poudingue de Gourin 10 a été repéré à différents endroits ([I11] : bancs n°25, 31 et 36).
Sur les bancs échantillonnés, le poudingue de Gourin apparait sous la forme d’un faciès constitué de fragments arrondis de même taille, jointifs, essentiellement quartzeux. Il s’agit d’un faciès de type micro-conglomératique, dans la mesure où les galets le constituant ne dépassent pas une taille de quelque millimètres.
- D’où la nécessité, pour reconnaître ces bancs non discernables de loin, de pouvoir accéder à proximité du front de taille, et d’y prélever, au marteau, des échantillons de roche.
- Comme indiqué dans la littérature géologique, les bancs de microconglomérat sont interstratifiés dans la série sédimentaire briovérienne où ils représentent un faciès intraformationnel. Des apports d’éléments plus grossiers s’intercalent au sein du dépôt d’une formation essentiellement constituée de bancs sableux, .
Interprétation
— La polarité de la série sédimentaire briovérienne
L’observation des figures sédimentaires [I09] et [I15], situées à la base de banc gréseux, apporte des explications sur les circonstances de leur dépôt.
- L’apport sableux dense (le banc gréseux 4) représente une charge portée par un courant, qui érode la couche molle de vase encore gorgée d’eau (la siltite 5).
Ces figures sédimentaires (charge/érosion) permettent donc de repérer le sens de l’empilement des dépôts sédimentaires du Briovérien.
- Sur la carrière de la Marette l’empilement des couches du Briovérien se fait ainsi depuis le sud-sud-ouest vers le nord-nord-est.
Exercice proposé : rechercher sur place d’autres indices de cette polarité.
— Le milieu de sédimentation
Les laminations signalées dans les rares bancs de siltites, traduisent l’influence de courants, mais elles n’indiquent pas la profondeur de mise en place de ces sédiments.
Les petits galets de même taille, constituant le poudingue de Gourin, reflètent un milieu de dépôt énergétique, par exemple un courant capable de trier suivant leur taille les galets du poudingue.
- Ce contexte de dépôt est compatible avec un mode de transport fluviatile évoqué dans la première description de la carrière de la Marette — PHILIPPOT, André et CHAUVEL, Jean-Jacques, « Relations entre les niveaux de la base du Paléozoïque et les assises inférieures, dans les synclinaux du sud de Rennes », Bull. Soc. géol. et minéral. Bretagne, nouv. série, Vol. 2 / décembre, 1957, p. 15-40. —.
— La discordance
Cette discordance est difficile à observer par manque d’accessibilité directe et du fait de l’altération du front de taille. Elle se positionne entre la limite inférieure ([I10] et [I11]) (trait continu jaune) de la couche de base du Paléozoïque (micropoudingue à fragments silteux) et la surface tronquée supérieure des bancs du Briovérien (tiretés jaunes).
- La surface tronquée supérieure des bancs du Briovérien représente une surface d’érosion du socle briovérien émergé au moment du dépôt des sédiments de la base du Paléozoïque. Les sédiments paléozoïques matérialisent une transgression marine.
- Concernant le Briovérien, la discontinuité verticale affectant sa surface d’érosion tronquée caractérise une cassure verticale (traits blancs sur [I10]) dont on ne retrouve pas la trace au dessus dans la couche de base du Paléozoïque.
Cette « tectonique cassante », affectant uniquement le socle briovérien, peut caractériser une déformation spécifique au socle, avant le dépôt des couches paléozoïques. Elle peut aussi être reliée à un mouvement latéral des assises paléozoïques raclant et fracturant le socle briovérien, au moment de l’orogenèse hercynienne.
Le Paléozoïque
Description
- La surface de discordance est jalonnée par un niveau de transition ([I16] : My), plaqué sous le niveau de la base du Paléozoïque ([I16] : 1).
My, désigne une couche de mylonite.
D’après les premiers auteurs (André Philippot, Jean-Jacques Chauvel , Claude Klein) — Philippot, A. & Chauvel, J.-J. (1957, 1961) op. cit. - Klein (1956) op. cit. —, cette couche était l’indice de l’écrasement de la base du Paléozoïque. Elle englobait aussi la couche de base du Paléozoïque. Depuis Bernard Le Théoff — Le Théoff, B. (1977) op. cit. —, elle est reconnue comme dénuée d’indices d’écrasement.
— Le niveau de la base du Paléozoïque se présente sous la forme d’un banc massif, difficile à casser.
- Cette particularité est liée au fait que ce banc est constitué de fragments de taille millimétrique jointifs, de siltite et de rares galets gréseux.
Comparé aux autres faciès observés, riches en quartz (grès, poudingue de Gourin, poudingue de Montfort), ce niveau constitué essentiellement de fragments de siltite est moins résistant.
À l’échelle du front de taille, la couche de microconglomérat à fragments de siltites (1 [I17]) apparaît plus désagrégée que la couche de poudingue de Montfort (2 [I17]) qui la recouvre.
Selon le niveau d’altération du banc, la couleur de la matrice et des fragments silteux est pourpre ou ocre.
— Le niveau de transition (épaisseur environ 30 cm) est situé entre la surface tronquée des bancs redressés du Briovérien et le microconglomérat paléozoïque, il montre :
- une couche supérieure (MC1), « plaquée » sur le niveau de la base du Paléozoïque.
- un couche inférieure (MC2) remplissant les aspérités de la surface d’érosion du socle briovérien, constituée par une alternance verticale de bancs gréseux et silteux peu épais (une dizaine de centimètres).
Le niveau de transition montre de visu un remplissage de matériel sédimentaire composé de petits fragments (siltites, grès) issus du Briovérien (hypothèse à valider).
- En saison humide, la limite entre les deux niveaux (MC1, MC2) est marquée ([I21]) par des suintements aquifères. Ces écoulements d’eau localisés traduisent une limite drainante plus poreuse, indice pour les premiers auteurs de la mylonite.
— Le poudingue de Montfort est au premier regard, bien visible par le biais des nombreux blocs rocheux éparpillés sur le carreau 11.
Ces rochers disséminés présentent une surface rubéfiée, patinée du fait de l’exposition aux aléas climatiques. La matrice étant plus ou moins décolorée, on peut y distinguer la nature, la forme et l’agencement des galets.
- Il s’agit de galets, non jointifs, de taille centimétrique à millimétrique. Ils s’assemblent sous la forme de « paquets » (les éléments les plus grossiers érodant les niveaux plus fins) : Q : Quartz, G : Grès, L : Fragment lithique.
Sur le front de taille de la carrière, le poudingue de Montfort, dur, foncé, maculé par les lichens, est difficile d’accès.
- Les quelques éléments repérés en place ([I23], [I24]), montrent des faciès équivalents à ceux vus dans des blocs épars, mais ici seuls les éléments quartzeux sont discernables.
Les deux niveaux de base du Paléozoïque, microconglomérat à fragments silteux et poudingue de Montfort, montrent des éléments très fragiles, esquilles de siltite et quartz, emballés dans une matrice plus fine, et/ou placés entiers, à proximité de galets plus gros.
Interprétation
- La couche de mylonite, assimilée initialement au banc de la base du Paléozoïque, de taille plurimétrique est aujourd’hui réduite au mince liseré séparant le Briovérien du Paléozoïque.
- Le microconglomérat et le poudingue traduisent un dépôt « en masse » où ces éléments non triés se sont déplacés sur des pentes, au sein de coulées, en milieu aérien ou aquatique sous l’action de la gravité.
Les indices tectoniques
Description
Les plis et la schistosité, enregistrés par les formations briovérienne et paléozoïque, sont caractéristiques des structures hercyniennes d’échelle kilométrique à la dimension des synclinaux du sud de Rennes.
D’autres indicateurs de la déformation des roches sont visibles sur le site de la Marette. L’inventaire des séries sédimentaires en place, montre :
- Des couches briovériennes verticales, orientées est-ouest, dessinant une amorce de pli, tronquée par une discontinuité verticale limitée au socle briovérien.
- Des couches paléozoïques, discordantes sur le socle briovérien, légèrement pentées vers le sud.
Les autres indices de la déformation des roches, sont principalement des cassures, selon deux catégories :
- Des fractures, sous la forme de failles et fissures de tension parallèles, principalement orientées nord-sud, traversent des blocs rocheux paléozoïques ou briovériens.
Ces fractures sont localement soulignées par des injections de quartz filonien, d’épaisseur centimétrique.
L’orientation est-ouest du front de taille privilégie l’observation d’une direction principale nord-sud des cassures.
- Des glissements interbancs, surtout visibles sur le front de taille sud de la carrière, dans le Paléozoïque (semelle des bancs n° 2 et 3), sont localement jalonnés par des placages de quartz.
Interprétation
Les injections de quartz 12 sont associées à des structures cassantes :
- des failles, à l’échelle de la carrière.
- des glissements et fissures de tension, à l’échelle des couches.
- Remarque : Ces injections de quartz traduisent l’évolution de la résistance des couches sédimentaires paléozoïques : très fragiles au moment de leur dépôt, cassantes au moment de l’orogenèse hercynienne.
Les alentours de la carrière de la Marette
Sur le plateau au sud et à l’est de la carrière
Sur le plateau
La surface du plateau situé au sud du front de taille de la carrière de la Marette, montre des couches de dalles pourprées peu pentées vers le sud. Les surfaces de bancs sont oblitérées par la schistosité hercynienne (schistosité de fracture, frustre) orientée est-ouest.
Dans le chemin proche du front de taille ([I06 : point 7]), on peut voir un banc de poudingue de Montfort, analogue au faciès vu plus bas dans la carrière, une dizaine de mètres en dessous.
Enfin, une tranchée creusée dans les dalles pourprées montre à son extrémité sud un niveau gréseux blanc rosé (grès de Courouët) interstratifié.
La schistosité de fracture qui affecte les dalles pourprées est réfractée 13 sur les bords du banc gréseux, et pénètre peu à l’intérieur.
Latéralement à la carrière, à l’est (en guise d’exercice)
Les faciès rocheux associés :
Interprétation de ce site ? Corrélation avec la carrière de la Marette ?
— Plus vers l’est, sous l’ancienne décharge actuellement comblée ([I06] : points 1 et 2), les anciennes carrières, envahies par la végétation montrent de rares pointements rocheux : poudingue de Montfort, dalles pourprées, des fragments (en place ?) de siltites briovériennes à débit ardoisier.
Synthèse provisoire
Cette synthèse est le résultat d’une analyse bibliographique détaillée - Voir Marette Historique : quelques visiteurs très inspirés - et de l’observation répétée du site.
- Pour aller plus loin dans l’interprétation des faciès lithologiques de la carrière, il faut décrire et analyser au microscope quelques lames minces (une dizaine) afin de caractériser la minéralogie, la forme des clastes et les déformations des différents faciès repérés dans les sédiments du Briovérien et du Paléozoïque.
Cette synthèse rappelle quelques éléments bibliographiques connus à l’échelle des synclinaux paléozoïques du sud de Rennes, qui permettront d’imaginer le contexte de la mise en place des sédiments briovériens et paléozoïques, exposés dans la carrière de la Marette.
Le Briovérien
Inventaire et mise en place des sédiments
En 1988, dans son Etude des sédiments de Néant-sur-Yvel, R. Louvel — LOUVEL, R., « Sédimentologie et stratigraphie du Briovérien de Bretagne centrale - Les sédiments de Néant-sur-Yvel », Institut de Géologie de Rennes, 1988. — assimile le Briovérien supérieur, affleurant en Bretagne centrale à des sédiments marins déposés sur une aire stable proche d’un craton.
La colonne stratigraphique élaborée par l’auteur, soit la représentation synthétique des sédiments inventoriés en Bretagne centrale, empilés selon leur chronologie, montre du bas vers le haut :
- A la base : les sédiments les plus anciens qui correspondent aux dalles de Néant-sur-Yvel. Il s’agit d’alternances de conglomérats, grès et siltites, caractérisant des milieux de dépôt à très forte énergie (turbidites), tels qu’on les voit aujourd’hui au-delà du plateau continental.
- En position intermédiaire : des suites de couches d’argilites/siltites et de niveaux gréseux. Ces alternances sont visibles à différentes échelles : échelle millimétrique (les lamines), à échelle métrique (les bancs). Elles traduisent le caractère rythmique de la sédimentation — Le Corre, C. (1978) op. cit. —
Ce caractère est a priori difficile à interpréter. D’une part, dans le contexte sédimentaire actuel, il peut correspondre à des évènements de très courte durée (marée par exemple). D’autre part, il n’indique pas une profondeur particulière de dépôt marin. - Au sommet : des bancs calcaro-gréseux, des niveaux de quartzites interstratifiés associés à des poudingues (faciès Gourin), puis un dépôt de calcaire (faciès Saint-Thurial).
Cette succession litho-stratigraphique [I46] dont l’auteur fournit aussi une ébauche cartographique, pose l’hypothèse d’une évolution globale cohérente du Briovérien supérieur : depuis des apports de sédiments en milieu profond (les turbidites) jusqu’à des dépôts sous très faible tranche d’eau (les grès calcareux et les calcaires).
L’auteur rappelle que les limites géologiques de la Bretagne centrale : C.N.A. (cisaillement nord-armoricain) et C.S.A. (cisaillement sud-armoricain) [I46] correspondent à des grands accidents tectoniques produits à la fin de l’orogenèse hercynienne.
Ces accidents sont associés à des déplacements latéraux pluri-kilométriques 14. Ils sont relayés sur le terrain par de nombreuses failles (inventaire cartographique non exhaustif) induisant aussi des déplacements horizontaux. Ces déplacements tectoniques ne permettent pas d’estimer correctement les distances entre affleurements aux périodes géologiques.
Le socle briovérien vu sur le site de la Marette s’apparente, comme l’indique la carte géologique de la Feuille de Montfort-sur-Meu (1999) — THOMAS, Éric, OUTIN, Jean-Marie, RIVIÈRE, Jean-Marie, [et al.], « Notice explicative de la feuille 316 - Montfort-sur-Meu », Orléans, BRGM - Service géologique national, 1999, (« Carte géol. France (1/50 000) »), Voir en ligne. — à une lithologie constituée de grès dominants (grès plus ou moins grossiers) avec quelques rares interlits de siltites. Des couches de microconglomérat (poudingue de Gourin), interstratifiées dans le Briovérien, ont été vues à trois reprises.
- Dans la colonne litho-stratigraphique dessinée par R. Louvel [I46], ces faciès sédimentaires sont situés à un niveau bathymétrique intermédiaire, et plutôt vers le sommet du Briovérien supérieur.
Les alternances de bancs gréseux, siltites et poudingue de Gourin, vus à la Marette, sont aussi représentés dans le schéma environnemental [I47], proposé en 2011, pour la carrière des Landes (Pont-Réan), par Marie-Pierre Dabard et Benoist Simon :
— DABARD, Marie-Pierre et SIMON, Benoist, « Discordance des Séries Rouges Initiales sur le socle briovérien : exemple de la carrière des Landes », Bulletin de la Société Géologique et Minéralogique de Bretagne (D), Vol. 8, 2011, p. 33-44. —
Ce schéma environnemental complète celui dessiné par Thomas et al. (1999) dans la notice de la Feuille de Montfort-sur-Meu.
Ces schémas reconstituant les environnements de dépôt du Briovérien supérieur montrent que :
- Les sédiments briovériens correspondent au produit de l’érosion de la chaîne cadomienne située actuellement en Bretagne méridionale — Dabard, M.P. (2011) op. cit. —
Les auteurs de la carte géologique de la Feuille de Montfort-sur-Meu précisent dans la notice accompagnant la feuille que les sédiments briovériens (nature non précisée sur le schéma de 1999) proviendraient d’influences volcaniques situées en Mayenne. - Les sédiments briovériens sont caractérisés par des granulométries variables : blocs, galets, sables et argiles (poudingue de Gourin, grès et siltites), déposés en milieu marin peu profond. Le schéma de 1999 les positionne sous la limite d’action des vagues de tempêtes : bathymétrie < 300 m 15 à proximité de la côte.
Du point de vue du contexte tectonique, les apports détritiques : sables et argiles, qui constituent les alternances de bancs gréseux et siltites du Briovérien, traduisent l’érosion d’une chaîne montagneuse. Les sédiments s’accumulent dans un bassin marin qui s’enfonce au fur et à mesure des apports (bassin subsident) :
- La dominante des siltites (faciès bS sur les cartes géologiques) caractérise un milieu sédimentaire stable, hors d’influence des courants proches de la côte.
- les apports gréseux et surtout les conglomérats, nettement plus grossiers, marquent des ruptures dans la stabilité du bassin marin et/ou du continent proche.
Les galets constituant le poudingue de Gourin, typiques de dépôts fluviatiles pour les premiers auteurs — Philippot, A. ; Chauvel, J.-J. (1957) op. cit. — correspondent à des fragments arrondis, usés, classés, essentiellement constitués de quartz, caractéristiques d’un dépôt mature 16, qui permet d’associer le milieu de dépôt du poudingue à un contexte fluvio-deltaïque [I47] :
- Les faciès les plus grossiers remplissent des chenaux étroits d’un delta situé en amont, à proximité de la côte.
- Ce delta est la source des sédiments plus fins silto-gréseux, déposés plus en aval, par l’intermédiaire d’écoulements gravitaires (système turbiditique).
Les phénomènes responsables de ces écoulements sont associés soit à des épisodes climatiques augmentant les apports détritiques terrigènes - à l’image des débâcles qui ont accompagné les périodes interglaciaires du Quaternaire - soit à des mouvements tectoniques brefs (séismes).
Sur les autres feuilles géologiques proches de la Marette, publiées récemment, l’interprétation de l’environnement des dépôts du Briovérien reste aléatoire.
Sur la notice de la Feuille de Guer (2009) par exemple, il est indiqué que :
L’absence d’architecture sédimentaire particulière semble plutôt militer en faveur de dépôts relativement profonds assimilables à des turbidites et/ou des sédiments de plateforme externe distale... Ce n’est que très localement que des figures d’action des vagues de tempête ont pu être découvertes sur une feuille voisine (Montfort-sur-Meu, Thomas et al., 1999) ce qui traduirait, au moins localement, des environnements moins profonds et sans doute plus deltaïques.
Les indices de vie
Les indices de vie connus au Précambrien supérieur (Ediacarien 17) se cantonnent à la surface de sédiments marins en milieu intertidal 18, principalement sous la forme de colonies microbiennes formant des « biofilms » :
- Les stromatolithes montrent des lamines concentriques associant des bioprécipitations de carbonates et des films de cyanophycées. Les premières colonies inventoriées caractérisent la base du Protérozoïque (2 Ga : milliard d’années).
- Au même moment, les premiers eucaryotes 19 sont représentés par les acritarches, organismes unicellulaires qui perdureront durant le Protérozoïque et le Cambrien.
Dans un rayon de 5 à 20 km de la carrière de la Marette, des traces de vie (ichnofossiles) ont été signalées :
- À la fin du 19e siècle, par Paul Lebesconte, principalement dans des faciès silteux ardoisiers, attribués aujourd’hui au Briovérien 20.
— LEBESCONTE, Paul, « Constitution générale du Massif Breton », Bulletin de la Société Géologique de France, Vol. 17 / 3, 1886, p. 776-791. —. - Ces éléments ont été réétudiés — GOUGEON, Romain, NÉRAUDEAU, Didier, DABARD, Marie-Pierre, [et al.], « Trace fossils from the Brioverian (Ediacaran-Fortunian) in Brittany (NW France) », Ichnos, Vol. 25, 2018. — à partir des échantillons initiaux conservés dans les collections de l’Institut de Géologie de Rennes et du Musée d’histoire naturelle de Nantes (collections Barrois et Lebesconte), et de nouvelles visites sur le terrain, pour les sites toujours accessibles (sites 1, 3, 4 et 5).
Principales traces fossiles reconnues :
- Montfortia correspond à des empreintes subrectilignes ou à courbures multiples, visibles à la surface des bancs. Ces traces sont assimilées à l’activité de métazoaires vermiformes, voire de terriers peu profonds (Palaeophycus), parallèles à la surface des bancs.
- Neantia montre des surfaces « fripées » collées sur les bancs. Ces traces sont interprétées comme des films mous de cyanobactéries, plissées par les courants.
R. Louvel (1988) y a vu aussi l’indice de figures sédimentaires (rides étroites érosives).
Quelques échantillons, par exemple [I49-4], montrent des traces sinueuses de Montfortia « recouvrant » Neantia. L’interprétation d’une activité de « broutage » unirait ces deux traces de vie, comme les éléments d’une chaîne trophique.
Les échantillons réétudiés correspondent tous aux sédiments du Briovérien supérieur, où les figures sédimentaires associées (lamines, traces de courant unidirectionnelles, charge/érosion, etc.) caractérisent un milieu marin peu profond (le plateau continental), soumis à l’action des vagues et des tempêtes.
- Ces affleurements sont toutefois trop isolés, trop petits, encombrés par la végétation, pour pouvoir y détailler un inventaire stratigraphique des bancs.
Mais comme dans la carrière de la Marette, on y trouve des indices isolés, concordants d’un milieu marin peu profond.
Datation des sédiments
Sur quelques sites (sites n° 3, 4 et 5), les bancs gréseux ont été échantillonnés, pour y reconnaître et « dater » des clastes de zircon 21.
- Les âges obtenus sur ces « zircons détritiques » en Bretagne centrale : 550 Ma et 532 Ma, sont proches des âges obtenus (555 à 540 Ma) sur des roches magmatiques, situées en Bretagne septentrionale.
Ces roches magmatiques traduisent la fusion de la croûte terrestre, dans le secteur de Saint-Malo (migmatite) et dans celui de Fougères (granite), en fin de l’orogenèse cadomienne.
- La présence de clastes de zircon issus de granites situés plus au nord-est, désigne une source sédimentaire, évoquée plus haut — Dabard, M.P. (2011) op. cit. — éloignée du lieu de dépôt.
La longueur du transport fluviatile, débouchant à la mer par des deltas, explique la maturité des sédiments les plus grossiers (poudingue de Gourin).
L’âge des zircons détritiques (limite Ediacarien/Paléozoïque : 540 Ma) date le socle granitique, source des sédiments.
Cependant, le temps séparant la cristallisation des zircons de leur reprise (érosion-transport-sédimentation) n’est pas connu et permet de dater a minima les sédiments.
- La sédimentation du Briovérien supérieur est bien le produit de l’érosion de la cordillère cadomienne. Les âges obtenus indiquent une limite haute, le toit de cette formation qui pourrait correspondre au Paléozoïque inférieur avant la transgression de nouveaux sédiments sur le socle briovérien érodé.
Le Paléozoïque
La couverture du Paléozoïque, discordante sur le Briovérien, débute par un banc métrique d’un microconglomérat à fragments silteux de taille millimétrique. La fragilité des clastes de ce banc suggère qu’ils proviennent d’une source sédimentaire proche du lieu de dépôt.
Les faciès sédimentaires placés au-dessus du microconglomérat - poudingue de Montfort, puis siltites pourprées riches en éléments quartzeux - résultent du démantèlement sur place des reliefs du socle briovérien.
Les faciès se caractérisent par une granulométrie décroissante des clastes (conglomérats > grès > siltites). Cette succession permet d’envisager un éloignement progressif des sources sédimentaires et des lieux de dépôt.
- Les faciès initiaux (conglomérats) sont compatibles avec la mise en place de cônes alluviaux, placés au pied de reliefs d’origine tectonique [I50] (voir aussi — Ballard, J.F. (1985) op. cit. — et — Bonjour, J.L. (1989) op. cit. —
Ils traduisent des dépôts en masse, effondrés au pied des reliefs (cônes alluviaux).
Hypothèse de recherche
Sur le terrain, les variations de faciès du socle briovérien - siltites, grès, poudingue de Gourin, filon de quartz, calcaire, etc. - devraient se traduire par une variété équivalente de la nature des clastes du poudingue de Montfort, en fonction de leur localisation.
- Les niveaux gréseux 22 puis silteux (granulométrie décroissante) sont l’indice d’un transport des clastes, assuré par des réseaux fluviatiles de plus en plus longs, capables de trier les éléments transportés par leur taille et leur nature (plus ou moins fragile).
Le réseau fluviatile en tresses, dessiné dans le schéma de M-P. Dabard et B. Simon [I50], caractérise un relief à pente relativement importante (proximité du relief source) où les rivières en chenaux forment une tresse. Ces chenaux transportent les éléments les plus grossiers (conglomérats et grès). Lors d’inondations, dans les secteurs de débordement des rivières, des éléments plus fins (siltites) se déposent latéralement.
À l’intérieur de la carrière de la Marette
Le Briovérien montre, au contact de la couverture paléozoïque, l’apparence originelle de la surface briovérienne.
Cette surface a été exondée puis altérée. L’absence d’une couche d’altérite sur cette surface traduit une phase d’érosion avant le dépôt du Paléozoïque. L’empreinte de la surface briovérienne a été préservée par les dépôts initiaux fins (microconglomérats) de la série rouge du Paléozoïque qui la recouvre.
- La morphologie de la surface briovérienne - fines alternances gréso-silteuses - accessible sur le front de taille sud, met en relief les niveaux gréseux plus résistants à l’érosion et en creux les niveaux silteux.
Selon une hypothèse à valider, les aspérités de cette surface auraient « piégé » les sédiments primitifs du Paléozoïque.
La couleur rouge des dépôts initiaux paléozoïques traduit (Bonjour, 1989) l’existence du socle briovérien exondé soumis à l’oxydation 23, puis érodé.
Les dalles pourprées , visibles mais inaccessibles dans la carrière, affleurent largement au niveau du plateau situé au sud. Elles forment par ailleurs les corniches rocheuses, emblématiques du paysage des abords du Massif de Brocéliande (voir Paysages et Géologie en Brocéliande - I).
Les références bibliographiques concernant la discordance Paléozoïque/Briovérien — Ballard, J.-F. (1985) op. cit. —, placent la carrière de la Marette comme l’un des éléments ayant permis la formulation de l’hypothèse de la « tectonique distensive » qui explique les dépôts de la base du Paléozoïque.
Au-delà de cette hypothèse, construite sur un faisceau cohérent d’observations dispersées sur l’ensemble des synclinaux paléozoïques du sud de Rennes, la carrière de la Marette est considérée comme un des plus beaux affleurements du Massif armoricain montrant une « discordance angulaire ».
- Les éléments susceptibles d’expliquer les déformations enregistrées par le Briovérien après arasement de la cordillère cadomienne et avant la transgression paléozoïque, sont encore l’objet d’un débat (voir Annexe 1).
Sur la carrière de la Marette, la comparaison des prises du vue du site en 2004 - année de la restauration d’ampleur faite par la SGMB - et 2017, est l’illustration des effets du temps, à l’échelle d’une seule décennie.
Les deux panoramas présentés en Annexe 2 montrent l’intérêt des visites faites en saison hivernale, la végétation en place étant dénudée.
- Dans ces conditions, la suppression de deux arbres (A et B), petits mais situés très près du front de taille oriental, est à envisager.
- Un arbre (C) et surtout un taillis dense, sur le front de taille sud, gênent son observation.
Parmi toutes celles et ceux qui ont fréquenté le site de la Marette, cet article est dédié tout particulièrement à Evangéliste Pompei, créateur de la carrière, à Jean-Jacques Chauvel et à Marie-Pierre Dabard, qui nous ont souvent accompagnés sur le terrain avec nos étudiants.