La voie ferrée Ploërmel - La Brohinière - II
Le patrimoine ferroviaire
Le réseau ferroviaire se développe en Bretagne au cours de la seconde moitié du 19e siècle. Les lignes principales nord et sud sont complétées par des lignes transversales destinées à desservir la Bretagne intérieure. La ligne Ploërmel - La Brohinière ouvre le 6 avril 1884. Fermée au « service voyageurs » le 6 mars 1972, elle est complètement déclassée en 1994. Elle dispose d’un important patrimoine ferroviaire, encore largement conservé : gares, maisons de garde-barrière, passages à niveau.
Légende de la carte du patrimoine ferroviaire
À partir de la seconde moitié du 19e siècle et jusqu’au premier tiers du 20e siècle, le chemin de fer connait en France un très fort développement. La Bretagne bénéficie de ce réseau ferroviaire grâce à plusieurs lignes : deux lignes principales (nord et sud), cinq lignes du Réseau Breton 1, ainsi que des lignes transversales.
La région de Brocéliande est concernée par l’extension de ce réseau.
Les communes qui en bénéficient le plus, à l’exception de Plélan-le-Grand, sont majoritairement situées à l’ouest du massif forestier.
La ligne Ploërmel - La Brohinière est la plus importante des lignes d’intérêt général de la région. Elle permet de rejoindre au nord celle de Rennes à Brest et au sud celle de Savenay à Landerneau.
Ouverte le 6 avril 1884, elle « ferme au service des voyageurs » le 6 mars 1972. Elle est déclassée en 1994.
Cette ligne compte un important patrimoine ferroviaire, encore existant pour une grande part :
- Les gares
- Les maisons de garde-barrière
- Les passages à niveau
- La voie ferrée
La section entre Mauron et La Brohinière existe encore. La section Ploërmel - Mauron est transformée en « voie verte » 2.
Les gares
La ligne Ploërmel - La Brohinière comprend six gares désaffectées :
- Ploërmel
- Loyat
- Néant / Bois-de-la-Roche
- Mauron
- Gaël
- Saint-Méen-le-Grand
Les bâtiments, bien restaurés 3, sont maintenant la propriété de particuliers. La gare de Ploërmel abrite depuis 2001 une école de bijouterie-orfèvrerie.
La gare de La Brohinière reste en service. Elle est située sur la ligne Rennes - Brest.
Les gares situées entre Ploërmel et Mauron sont maintenant bordées par la « voie verte », aménagée en 2004 suite au déclassement de la voie ferrée Questembert - Mauron et à son acquisition par le département du Morbihan.
Des gares de marchandises
Les gares accordent une place importante aux expéditions des marchandises.
Les gares de la ligne la Brohinière-Questembert disposent d’un quai d’embarquement des marchandises lourdes, de niveau avec le plancher des wagons de marchandises. Ce quai porte une grue et des halles. Celles-ci sont louées à des entreprises locales (essentiellement des marchands de produits du sol).
A l’arrière de ces halles, une voie de dérivation permet de rassembler des wagons. Une prolongation de cette voie, adaptée au chargement des troncs d’arbre, est louée par les marchands de bois locaux.
Chaque gare dispose également d’un pont-bascule utilisé par un large public.
Certaines gares bénéficient de voies de chargement spécifiques - embranchements - et d’aménagements dédiés à des entreprises locales.
- À Saint-Méen un embranchement réservé à la « briqueterie Saint-Judicaël »
- À Gaël pour l’entreprise « Guillotin » de fabrication de matériel agricole
- À Mauron pour la cidrerie industrielle 4.
- À Ploërmel, la « Société Martin frères » fait construire, sur la colline bordant la gare, un vaste entrepôt de stockage de pommes à cidre et à couteau, pommes de terre et grains. Les produits sont chargés sur des glissières, pour faciliter la manutention. C’est un site majeur d’expédition des produits agricoles. À la saison, des dizaines de cultivateurs apportent chaque jour leurs marchandises sur des charrettes.
La gare de Ploërmel
La ligne de Ploërmel à Questembert est ouverte en 1881. Elle est construite par la Compagnie du Chemin de fer de Paris à Orléans (PO), pour relier Ploërmel à Questembert, point de jonction avec la ligne Savenay - Landerneau.
La gare de Ploërmel, en service de 1881 à 1991, est un nœud ferroviaire desservant deux lignes de la Compagnie de l’Ouest d’intérêt général, à voie standard 5 :
- Ploërmel - Questembert, ouverte le 26 juin 1881
- Ploërmel - La Brohinière, ouverte le 6 avril 1884.
- Ploërmel - Châteaubriant, ouverte le 15 avril 1903.
Deux autres lignes d’intérêt local, à voie métrique 6, sont créées à partir de Ploërmel par la Compagnie des Chemins de Fer d’Intérêt Local du Morbihan (C.M.) 7.
- En 1902, une ligne relie Ploërmel à Locminé 8 et se prolonge ensuite jusqu’à Plouay (Morbihan).
- En 1915, le « Petit Pelot », voie à écartement métrique, dessert Taupont, Hélléan, Saint-Malo-des-Trois-Fontaines, Mohon, et La Trinité-Porhoët 9. La ligne ferme en 1939, la voie ferrée a disparu depuis mais on en retrouve encore des traces dans le paysage.
— NENNIG, Jean-Pierre, Le chemin de fer de Bretagne Sud, JPN Editions, 2008, (« Archéologie Ferroviaire »). —
Pour gérer le trafic d’intérêt local, une deuxième gare est construite à proximité de la première.
Le bâtiment est maintenant intégré dans un vaste entrepôt.
D’ailleurs, le lieu s’appelle « Z.I. de Petite Gare ».
Aménagements actuels
Définitivement fermée « au service des voyageurs » en 1972, la gare de Ploërmel reste ouverte au trafic marchandises jusqu’en 1991.
La plate-forme des voies est remplacée par un vaste espace destiné à recevoir des manifestations festives (spectacles, fêtes foraines, etc.).
Le bâtiment principal de la gare abrite depuis 2001 une école de bijouterie-orfèvrerie.
Situé près de la gare, un hangar abritait autrefois les locomotives pour réparation ou stockage, d’où les grandes ouvertures que l’on retrouve en façade. Il accueille actuellement une biscuiterie.
Voies vertes
Trois sections de voies ferrées sont aménagées en voies vertes au départ de Ploërmel.
- La section Ploërmel - Mauron est aménagée en 2004. Elle est située sur le tronçon Mauron-Questembert de la « voie verte » qui reliera Saint-Malo à Arzal.
- La section Ploërmel - Guer est aménagée en 2011.
- La ligne Ploërmel - Locminé est aménagée jusqu’à Josselin.
Les gares intermédiaires de la ligne
Elles sont toutes construites sur le même modèle ; les murs extérieurs sont enduits en jaune clair ou beige, l’entourage des ouvertures et les angles des murs sont en briques.
- un rez-de-chaussée avec trois portes accueille les voyageurs.
- un étage comportant trois fenêtres en façade est destiné au logement du chef de gare.
- le nom de la station ou l’inscription « chemin de fer » sont affichés sur les façades.
- un local, accolé au « bâtiment voyageurs », sert au stockage des petites marchandises.
La gare de Loyat
Un séquoia est planté à proximité des gares de la ligne. Ces grands arbres, visibles de loin, servaient aux voyageurs à localiser la gare. Ils ont été abattus à l’occasion de la vente des gares. — Témoignage de Joseph Boulé — 24/01/2020 —.
Depuis le déclassement de la voie ferrée, le « bâtiment voyageurs » d’origine est devenu un domicile privé.
Le nom de la station est encore bien visible sur les façades.
Pour s’isoler de la voie verte, le propriétaire a fait construire une palissade qui masque une partie du bâtiment.
La façade du côté « accueil des voyageurs » conserve son aspect initial.
La gare de Néant - Bois-de-la-Roche
Le tracé de la voie ferrée s’explique par un relief qui impose de suivre la vallée de la rivière Yvel plutôt que d’entamer les collines proches de Néant-sur-Yvel.
Par ailleurs, le choix de l’emplacement de la gare, entre les deux bourgs, résulte de leur taille sensiblement équivalente à la fin du 19e siècle. — Témoignage de Joseph Boulé - 26/12/2019 —
L’inscription « Néant - Bois-de-la-Roche » de la façade n’existe plus. Comme à Loyat, une palissade construite entre le bâtiment et la voie verte occulte la base de celui-ci.
Le quai d’accès à la voie est encore bien visible.
La gare de Mauron
A Mauron, la halle aux bagages, visible à gauche sur la photo, n’est pas accolée au bâtiment principal de la gare.
On remarque le séquoia « indicateur » sur les deux précédentes cartes postales.
Aujourd’hui, le « bâtiment voyageurs » et la halle aux bagages, fermés et désaffectés, sont devenus un domicile privé. Le nom de la gare figure encore sur une façade.
Une stèle commémorative a été dressée en souvenir du passage par cette gare des quarante victimes de la « rafle de Guilliers » en 1944.
- La section Ploërmel - Mauron est déclassée en 1994 et transformée en voie verte en 2004.
- La section Mauron - Saint-Léry n’a jamais été réhabilitée et reste à l’abandon. La voie verte s’interrompt avant la gare de Mauron.
- La section Mauron - La Brohinière, déclassée en 1998, est rouverte au trafic marchandises, à partir de Gaël, en 2009. En 2019, le trafic est inexistant.
Une ligne de transport de minerai : Paimpont - Mauron
Entre 1902 et 1907, une voie étroite (0,60 m) rejoint le réseau ferré principal à voie métrique. Cette voie ferrée à traction électrique par fil, exploitée par la Compagnie des Tramways de Mauron, sert au transport de minerai de fer de Paimpont (extrait à l’emplacement actuel de « l’Étang bleu ») ainsi qu’à l’acheminement d’une partie des employés de la mine. Ce minerai est ensuite expédié vers le port de Saint-Malo, pour être exporté. — MALAURENT, Guy, « Histoire de la gare de Mauron », Mauron, 2006, (« Cc-mauron-broceliande.com »), Voir en ligne. —
La gare de Gaël
En 1972, la halle aux bagages a déjà disparu, ainsi que le séquoia « indicateur ».
La gare de Gaël, devenue propriété privée comme les autres gares intermédiaires, est entretenue et son environnement végétalisé. Les indications d’origine figurent toujours sur les façades.
La section Gaël - La Brohinière est rouverte au trafic « fret » en avril 2009. Elle n’a toutefois connu depuis lors qu’une utilisation sporadique et n’est plus utilisée en 2019.
— DU GUERNY, Stanislas, « En Bretagne, une ligne SNCF réhabilitée », Les Echos, 18/09, 2018, Voir en ligne. —
La gare de Saint-Méen-le-Grand
La carte postale ci-dessous représente la gare principale de la ligne Ploërmel - La Brohinière au début du 20e siècle. On note l’importance des bâtiments par rapport aux autres gares intermédiaires.
Deux voies ferroviaires passent par Saint-Méen :
- La ligne Ploërmel - La Brohinière, d’écartement 1435 mm
- La ligne d’intérêt général La Brohinière - Loudéac - Carhaix. Cette ligne à voie métrique (1000 mm) faisait partie du Réseau Breton. Concédée par l’État à la Compagnie des chemins de fer de l’Ouest, elle était exploitée par la Société générale des chemins de fer économiques (SE), comme tout le Réseau Breton. Elle ferme en 1967.
La carte postale ci-dessous montre bien les deux réseaux juxtaposés. Le petit bâtiment au centre est un abri de quai pour les voyageurs du Réseau Breton. On remarque au premier plan le levier d’aiguillage et le dédoublement des voies pour permettre le croisement des trains sur cette voie unique.
Ces vues de la gare en 2019 sont prises côté « cour des voyageurs ». De l’autre côté, la voie ferrée en direction de La Brohinière existe toujours.
La transformation principale est la construction d’un muret. Les inscriptions indiquant le nom de la gare ont disparu.
La gare de La Brohinière
En 1880, le lieu-dit « La Brohinière » (Montauban-de-Bretagne) est choisi pour devenir une gare de triage 10. Ce noeud ferroviaire est composé des lignes de La Brohinière à Dinan et de La Brohinière à Questembert. C’est également le terminus de la ligne La Brohinière - Carhaix du Réseau breton.
À l’origine, l’implantation de la gare est justifiée du fait de la création d’un important point de jonction sur l’axe nord de la Bretagne, de Paris à Brest avec l’axe sud de la Bretagne, de Savenay à Landerneau, via la transversale de Dinan à Questembert.
Le bâtiment principal est flanqué de deux grands séquoias « indicateurs » qui permettaient de repérer la gare de loin.
C’est maintenant une halte voyageurs 11 de la SNCF, desservie par des trains TER Bretagne (BreizhGo) et une gare de marchandises. En 2016, selon les estimations de la SNCF, la fréquentation annuelle de la gare est de 16 229 voyageurs.
Les maisons de garde-barrière
Durant l’exploitation de la ligne Ploërmel - La Brohinière, les trente-quatre passages à niveau étaient pourvus d’une maison de garde-barrière. Depuis la fermeture « au trafic voyageurs » en 1972, ces maisons ont connu un destin variable : restauration ou disparition complète.
Les maisons encore existantes
Vingt-et-une maisons de garde-barrière existent encore en 2019.
Ces maisons ont été maintenues en état et sont maintenant, pour la plupart, occupées, comme les gares, par des particuliers.
Entre Ploërmel et Mauron
Sept maisons sont visibles le long de la voie verte.
Entre Mauron et La Brohinière, la voie ferrée toujours existante longe quatorze maisons. À partir de Gaël et jusqu’à La Brohinière, les passages à niveau sont soit équipés d’un signal automatique, soit fermés à la circulation routière.
Entre Mauron et Gaël
Six maisons sont réparties le long de la voie ferrée. Celle de Mauron marque l’extrémité de la voie verte.
Entre Saint-Méen et La Brohinière
Huit maisons sont bordées par la voie ferrée. Le tronçon est réhabilité à partir de Gaël en 2009. Ces maisons n’ont toutefois plus de fonction de garde-barrière : remplacement par un signal automatique ou fermeture de la route. La voie n’a plus de trafic depuis 2015.
Les maisons disparues
Treize maisons de garde-barrière ont disparu, pour différentes raisons : abandon de l’usage de la ligne, signal automatique, défaut d’entretien, etc.
Les emplacements de ces maisons ont été retrouvés grâce à l’outil Bretagne 1950’ de Geobretagne. Cet outil permet d’afficher simultanément une vue aérienne de 1950 (à gauche) et de 2014 (à droite).
Entre Ploërmel et Mauron, six emplacements sont repérés. On peut constater leur disparition en circulant sur la voie verte.
Section Ploërmel - Loyat
Section Loyat - Mauron
Section Mauron-Gaël
Le paysage environnant a été profondément modifié : disparition de routes, extension des terres cultivées.
Section Gaël - Saint-Méen
C’est à cet endroit que s’est produit un terrible accident le 29 novembre 1883. La maison du garde-barrière (mentionnée dans la presse de l’époque) a disparu à la fin des années 1960.
Les passages à niveau
La voie verte
Les treize passages à niveau ont évidemment disparu.
Une barrière à chicane est placée à chaque croisement.
Section Mauron - Saint-Léry
Depuis la fin de la voie verte jusqu’à Saint-Léry (1,6 km), la ligne n’est pas réhabilitée et reste à l’abandon.
Les deux passages à niveau ont disparu : ils sont ouverts sans barrière.
Section Saint-Léry - Gaël
La ligne est réhabilitée mais n’a été utilisée qu’à partir du « Pont Guérin ». Les travaux de réhabilitation consistent notamment à remplacer toutes les traverses, augmenter le niveau de ballast, déplacer certains passage à niveau, etc.
Quatre passages à niveau sont concernés :
— Deux avec signal automatique
— Un passage à niveau ouvert sans barrière - la route a été rectifiée
— Un passage à niveau supprimé - la route a disparu
Section Gaël - Saint-Méen
Six passages à niveau sont concernés :
— Deux avec signal automatique
— Trois où la route est fermée - grillage et plots
— Un passage à niveau supprimé - la route a disparu
Section Saint-Méen - La Brohinière
Neuf passages à niveau sont concernés :
— Quatre avec signal automatique
(Un signal automatique a disparu depuis 2010 à la Brohinière.)
— Quatre où la route est fermée - grillage et plots
— Un passage à niveau ouvert sans barrière
Résumé du patrimoine ferroviaire de la ligne Ploërmel - La Brohinière
— Les six gares désaffectées sont restaurées, La Brohinière est encore en activité.
— Vingt-et-une maisons de garde-barrière existent encore, treize ont disparu
— Sur les trente-quatre passages à niveau de la voie :
- Treize jalonnent la voie verte
- Sept sont équipés d’un signal automatique. Un autre est supprimé depuis 2010
- Sept passages à niveau avec grillage et plots sont fermés à la circulation
- Cinq passages à niveau sans barrière sont ouverts à la circulation
- Deux passages à niveau sont supprimés - la route a disparu