Paysages et Géologie en Brocéliande - II
Observations géologiques sur notre itinéraire de découverte
Les formations géologiques de Brocéliande couvrent pour l’essentiel une période allant du Protérozoïque (540 millions d’années) à l’Ordovicien inférieur (472 millions d’années).
Nous allons découvrir ces formations le long de l’itinéraire dont nous avons décrit les paysages dans un précédent article.
Un résumé en images de l’histoire géologique de la Bretagne
Les principaux évènements qui concernent le massif de Brocéliande se déroulent pour l’essentiel entre le Protérozoïque et le Carbonifère (Paléozoïque ou ère Primaire), et sont marqués par deux épisodes tectoniques majeurs :
- l’orogenèse cadomienne (Voir « Histoire géologique de la région »)
- l’orogenèse hercynienne (Voir « Histoire géologique de la région »)
Quelques formations plus tardives concernent des matériaux remaniés au Cénozoïque (Paléocène). (Voir « Histoire géologique de la région »)
L’itinéraire sur la carte géologique
Notre itinéraire parcourt, d’ouest en est, les trois formations géologiques principales du massif de Brocéliande :
- le Briovérien [notation b.. sur la carte géologique], (Voir « Histoire géologique de la région »),
- les Dalles pourprées (notation O2B), (Voir « Histoire géologique de la région »), appelées communément « schistes rouges » ou « schistes pourprés » dans la région,
- le Grès armoricain (notation O2 et O2A). (Voir « Histoire géologique de la région »).
En fin de parcours, on observe également un dépôt plus récent (notation AS), constitué de matériaux gréseux altérés et remaniés au Cénozoïque (Paléocène). (Voir « Histoire géologique de la région »)
Une carte du socle en place et une coupe géologique
Sur cette carte 1 figurent notre itinéraire et la ligne pointillée A-B qui matérialise la coupe géologique réalisée. Le tracé de la coupe est rectiligne entre le point de départ et d’arrivée, de manière à garder les proportions relatives des faciès recoupés. Les points cotés représentent l’altitude des reliefs traversés (90 m, 185/190 m, 210/235 m, enfin 155 m).
La présence de failles (F) sur la carte géologique représente sur le terrain, des contacts de blocs qui ont rejoué verticalement de part et d’autre 2.
Itinéraire détaillé sur la carte 3D
Sur cette carte géologique simplifiée sont figurés les lieux-dits décrits dans l’article sur les paysages.
Le travail de l’érosion
Le réseau hydrographique dense, alimenté par le massif 3, matérialise le travail d’érosion qui a décapé, en surface, les différentes couches : successivement le Grès armoricain, les dalles pourprées, jusqu’à faire apparaitre par endroits le socle briovérien. La tranche de terrain décapée peut être estimée a minima par le différentiel d’altitudes recoupées sur notre itinéraire soit 235 m – 70 m ≈ 165 m.
Le Briovérien
Sur notre itinéraire, cette formation du Briovérien supérieur, postérieure à l’orogenèse cadomienne (Voir « Orogenèse cadomienne » dans « Histoire géologique de la région »), est présente depuis Campénéac jusqu’au lieu-dit le Lidrio.
Le Briovérien supérieur présent dans la région se caractérise par des alternances de bancs gréseux (grès) et de bancs siltoargileux (siltites).
Ces matériaux « schisto »-gréseux tendres [notation b1 sur la carte géologique] se fragmentent et s’altèrent rapidement, permettant l’installation d’un sol bien drainé. Ce type de roche permet le développement de grandes cultures, visibles sur le parcours. Le relief est faiblement vallonné. Les flancs des vallons ainsi que les talwegs présentent des pentes faibles.
Un bel affleurement à Campénéac
Il est situé au départ de la route d’Augan, au pied d’un mur.
C’est un faciès sédimentaire fin, de type siltite [notation b1 sur la carte géologique], avec un plan de schistosité 4 débitant la roche en « plaquettes ».
Les lamines visibles ici évoquent des dépôts sédimentaires « rythmiques » analogues aux dépôts de turbidité, tels qu’on les voit aujourd’hui, en milieu marin, généralement au-delà du plateau continental, en aval de débouchés de fleuves à fort débit, remaniant des alluvions.
On note ci-dessus :
(A) l’orientation du banc (le plan de sédimentation) peu incliné (surface S0),
(B) une deuxième surface correspondant à la fracturation verticale de la roche (surface S1),
(C) un filon de quartz, marqueur des intrusions granitiques (voir le granite de la Villeder situé à une vingtaine de kilomètres au sud-ouest).
(D) la fragmentation de la roche sous forme de plaquettes (intersection des surfaces S0 et S1).
Affleurements et « pierres volantes » au carrefour vers Mauny
Des fragments rocheux, en plaquettes fines, sont mis au jour dans le fossé, suite au passage d’engins.
Dans le champ fraîchement labouré, on note la présence de nombreux fragments, qui laissent penser que le substrat rocheux en place est situé à faible profondeur.
Ces fines plaquettes s’altèrent en limon et argile. Ces sols bien drainés sont caractérisés par une bonne aptitude agricole s’ils sont suffisamment épais pour avoir une réserve d’eau infiltrée, utilisable par les cultures en place durant l’été.
Le Paléozoïque
Sur le massif de Paimpont, le Paléozoïque (ou ère Primaire) est représenté par l’Ordovicien. Deux formations, issues de transgressions marines (Voir « Histoire géologique de la région »), datent de l’Ordovicien inférieur (485 à 470 Ma) : les Dalles pourprées de la formation de Pont-Réan (Trémadocien puis Arénig) suivies du Grès armoricain (Floien ou Arénig).
Les sédiments du Briovérien sont ainsi recouverts en discordance par les sédiments terrigènes de l’Ordovicien inférieur.
Les Dalles pourprées
La vallée Saint-Amant
Après le Lidrio, une rupture de pente très nette (le dénivelé atteint 80 m sur 1 km) correspond au passage du Briovérien [notation b2S sur la carte géologique] aux Dalles pourprées [ O2B ].
Le paysage change avec la présence de landes à ajoncs, bien visibles sur la Butte de Tiot. On note la présence de nombreux affleurements rocheux.
Ce sol rocheux est pauvre et se dessèche rapidement. Sur ces siltites rouges en bancs massifs, l’altération du substrat est faible. Les sols sont donc peu épais et l’imperméabilité de la roche limite l’infiltration gravitaire des eaux (sauf très localement, en faible quantité, par le réseau de fissures).
La construction de la route a nécessité d’entailler la roche sur la gauche. Elle passe en surplomb au-dessus du fond de la vallée Saint-Amant à droite.
Les colluvions de fond de vallée (sol plus argileux et épais) permettent l’installation d’une végétation arborée et prairiale.
La carrière de Sainte-Apolline
Au pied de la Butte de Tiot, une ancienne carrière nous permet d’observer la morphologie des dalles « saines » très compactes : schistosité, pendage des couches, etc.
Cette carrière porte le nom de la fontaine dédiée à Sainte-Apolline et située au fond de la vallée. De nombreux habitants des environs viennent s’approvisionner à cette fontaine qui coule en permanence.
Un « miroir » de faille : les stries verticales (ci-dessous) indiquent le mouvement relatif du panneau de roche découpé par la faille. Le trait rouge montre la trace des plans de stratification des couches à pendage (inclinaison) d’environ 30° E.
Le banc faiblement penté (tireté jaune) est traversé par le plan de schistosité (trait blanc) sous la forme d’une fracturation « frustre » verticale.
Sur le front de taille de cette carrière, la roche dénudée n’est soumise que depuis peu (moins de 60 ans) aux aléas climatiques : les bancs apparaissent massifs et fortement teintés par l’hématite.
Cette absence d’altération dans la carrière empêche de distinguer les structures sédimentaires internes aux bancs.
À l’inverse, sur le versant opposé de la vallée, les dalles sont altérées. Ici la roche a subi les aléas climatiques depuis une soixantaine de millions d’années, limite Crétacé/Paléocène, ce qui nous permet d’observer (soulignés par l’altération différentielle) les différentes couches (interbancs) constituant les bancs massifs.
Le site de la chapelle Saint-Jean
Près de la chapelle, les affleurements apparaissent sous forme de dalles très peu pentées (20° vers l’E).
Utilisation des dalles pourprées dans le bâti : le château de Trécesson
Ce château du 15e siècle a conservé son aspect médiéval. C’est l’un des plus impressionnants châteaux de Bretagne. Ses murailles imposantes, ainsi que les dépendances, sont constituées de dalles pourprées.
Les carrières sources sont à rechercher au nord du château, à l’ouest de la Butte de Tiot.
Le Grès armoricain
Après Huche-Loup (cote 209 m) nous pénétrons en Haute Forêt. Elle recouvre la troisième formation du massif : le Grès armoricain 5.
La lande cède la place à la forêt. Elle s’implante essentiellement sur les horizons altérés épais du Grès armoricain [notation O2A sur la carte géologique].
Les sols sont souvent hydromorphes. La présence d’argile d’altération des grès (anciens micas détritiques qui accompagnaient les grains de quartz) et l’absence en surface d’un réseau de drainage dense (fossés) expliquent cette hydromorphie.
Le Grès armoricain, principalement représenté par sa forme d’altération [notation O2A, beige sur la carte] correspond à une argile blanche à ocre, emballant de nombreux blocs de grès résiduels (isaltérite).
Cependant, les grès non altérés [notation O2, vert clair sur la carte] sont présents en Haute Forêt, où ils ont fait l’objet d’exploitations en carrières, actuellement envahies par la végétation 6.
Le Grès armoricain ne présente pas d’affleurements visibles sur notre parcours. On peut en revanche l’observer dans les environs :
- à la carrière de la Moutte (propriété privée, accès réglementé)
- dans les soubassements de l’abbaye de Paimpont
Ce grès montre des traces de vie animale (terriers, pistes…) témoignant d’un contexte de sédimentation peu profond, proche du rivage, soumis à l’influence des marées et des tempêtes.
La côte de Beauvais
Le passage « Dalles pourprées/Grès armoricain » est situé sur une faille qui provoque un rejeu (mouvement) vertical différentiel : le compartiment Ouest (Dalles pourprées) est rehaussé par rapport au compartiment Est.
Le compartiment Est montre la formation du Grès armoricain alors qu’il a été érodé sur le compartiment Ouest du fait de l’érosion consécutive à la surrection de ce panneau. Les grès résiduels, situés sur le panneau Est, expliquent l’existence de la côte de Beauvais.
Cette faille jalonne, à l’échelle régionale, le tracé de la Faille de Quessoy – Nort-sur- Erdre qui traverse la totalité de notre région 7 suivant une direction NNW-SSE, soulignée par le tracé de la côte ouest de la Baie de Saint-Brieuc.
L’étang de Paimpont
Dans la côte de Beauvais, le Grès armoricain est altéré [O2A sur la carte géologique]. Ces altérites profondes ont été générées au début du Cénozoïque (Paléocène : 65-50 Ma) en contexte climatique chaud et humide équivalent au climat tropical actuel (Voir « Le Massif armoricain depuis le Crétacé supérieur » dans « Histoire géologique de la région »).
Du pied de la côte de Beauvais jusqu’à l’étang de Paimpont, on traverse ces dépôts paléocènes (tertiaires), remaniés au Quaternaire [AS sur la carte géologique]. (Voir « Au Quaternaire depuis 2 Ma » dans « Histoire géologique de la région »).
Ces altérites remaniées se sont écoulées sur les pentes par solifluxion au cours de la dernière glaciation quaternaire du Weichsélien (il y a 20 000 ans environ) et se sont accumulées au pied de la côte.
En guise de conclusion
Voir aussi : Une histoire géologique simplifiée de la région