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La Fontaine Sainte-Onenne

Processions et guérisons à la fontaine de Tréhorenteuc

La fontaine Sainte-Onenne est située à quelques centaines de mètres de l’église de Tréhorenteuc. On s’y rendait en procession avec bannière aux fêtes saintes, accompagné d’oies. Des traditions populaires collectées au 19e siècle lui attribuent le pouvoir de guérir différents maux.

Sainte Onenne est la patronne secondaire de Tréhorenteuc. Eutrope, évêque de Saintes (Charente-Maritime), est d’après la tradition locale le premier saint de la paroisse. Considérée comme une des sœurs du roi Judicaël, Onenne aurait eu une existence historique à la fin du 6e ou au début du 7e siècle. Son culte n’est attesté que dans la seule paroisse de Tréhorenteuc où l’église et une fontaine lui sont dédiées. Onenne possédait aussi son tombeau dans l’église, trois statues ainsi qu’une bannière portée lors de processions à la fontaine.

La fontaine Sainte-Onenne

La fontaine Sainte-Onenne est située à quelques centaines de mètres de l’église de Tréhorenteuc, dans un champ à l’orée du bourg, proche les Mazeries.

Selon l’abbé Gillard, elle est murée en 1861.—  ROUXEL, Abbé, NIZAN, Edouard et MARKALE, Jean, L’abbé Henri Gillard : recteur de Tréhorenteuc (1942-1962), Saint-Léry (56), éditions de l’église de Tréhorenteuc, 1990, 175 p. [page 69] —

La même année, Sigismond Ropartz en visite à Tréhorenteuc, la résume à un trou garni de maçonnerie.. —  ROPARTZ, Sigismond, « Pèlerinage archéologique au tombeau de sainte Onenne », Revue de Bretagne et de Vendée, Vol. 10 / deuxième semestre, 1861, p. 195-219, Voir en ligne. p. 212 —.

La fontaine Sainte-Onenne
Jacky Ealet

Félix Bellamy, comme à son habitude, nous en donne une description plus détaillée.

La source est profondément encaissée ; on y descend par un escalier de huit ou neuf marches resserré entre deux hautes murailles qui maintiennent les terres. Dans la muraille de face est ménagée une niche décorée d’une statuette de la Vierge, et une croix de granit domine le monument. Quant au liquide qui dort au fond de cet antre ténébreux, son aspect n’est pas bien engageant, au contraire. Qui se résigne à en boire me semble accomplir un acte de mortification bien méritoire.

BELLAMY, Félix, La forêt de Bréchéliant, la fontaine de Berenton, quelques lieux d’alentour, les principaux personnages qui s’y rapportent, Vol. 1, Rennes, J. Plihon & L. Hervé, 1896, Voir en ligne. p. 190
Fontaine Sainte-Onenne
Geoportail IGN

Traditions de guérisons à la fontaine au 19e siècle

On se rend à la fontaine Sainte-Onenne, pour se laver les yeux par dévotion. —  LOBINEAU, Dom Guy-Alexis et TRESVAUX, abbé François-Marie, Les vies des saints de Bretagne et des personnes d’une éminente piété qui ont vécu dans cette province, Vol. 2, Nouvelle édition, Paris, chez Méquignon junior, 1836, Voir en ligne. p. 118 —

Eugène Herpin précise le rituel de guérison.

Elles est l’objet d’un culte très suivi. Les mères y vont en pèlerinage et versent quelques gouttes d’eau de la source sur les paupières de leurs enfants malades.

HERPIN, Eugène, « Coutumes et traditions du pays de Ploërmel », Revue des traditions populaires, Vol. 14 / 4, 1899, p. 236-238, Voir en ligne. p. 237

Une autre croyance populaire, attestée au 19e siècle, donne à la fontaine le pouvoir de guérir les fièvres.

Dans la fontaine Sainte-Onène, on mouille la chemise des fiévreux et on la leur fait prendre toute humide.

LAURENT, Pierre, « Traditions et superstitions du Morbihan : Notes de l’abbé Marot (1838) », Revue des traditions populaires, Vol. 24 / 11, 1909, p. 429-432, Voir en ligne. p. 429

M. Le Douarain, maire d’Augan, dans une lettre à l’abbé Mahé datée du 18 février 1826, rapporte un dialogue qui évoque ces croyances.

Nous étions assis en famille autour du feu ; une fille de 30 à 40 ans entre. « Madame, permettez-moi d’aller demain à la fontaine de Tréhorenteuc pour guérir ma fièvre. - Va ma fille. » - C’est une superstition dis-je. - Non, mon fils, il y a un saint dans la fontaine. Elle n’en sait pas si long et je l’appelle. Que ferez vous à la fontaine de Tréhorenteuc pour vous guérir ? - Je ferais le tour à genouil trois fois en disant des Pater et des Ave. Vois-tu, mon fils ? Chut. - Qui vous guérira ? - C’est la fontaine. - Ma fille, c’est le saint qui est dedans que tu dois invoquer. Ma fine, je n’en savais rien !

LAURENT, Pierre, « Traditions et superstitions du Morbihan : Lettres de M. Le Douarain à M. l’abbé Mahé », Revue des traditions populaires, Vol. 24 / 11, 1909, p. 427-428, Voir en ligne. p. 428

Des processions dédiées à sainte Onenne

Les dates du pardon de sainte Onenne

Les processions ont lieu entre l’église de Tréhorenteuc et la fontaine. Elles se déroulent à des dates qui varient selon les auteurs.

D’après le chanoine Garaby, la sainte est célébrée le 30 avril —  GARABY, abbé Malo-Joseph de, Vie des bienheureux et des saints de Bretagne, pour tous les jours de l’année, Saint-Brieuc, 1839, Voir en ligne. p. 445 — mais aussi le 1er octobre, comme sa sœur sainte Eurielle. — Garaby, Malo-Joseph de (1839) op. cit., p. 235 (Voir en ligne) —

Pour l’abbé Tresvaux, le culte de sainte Onenne est célébré chaque année au mois de mai, au moment des Rogations et de la Fête Dieu. —  LOBINEAU, Dom Guy-Alexis et TRESVAUX, abbé François-Marie, Les vies des saints de Bretagne et des personnes d’une éminente piété qui ont vécu dans cette province, Vol. 2, Nouvelle édition, Paris, chez Méquignon junior, 1836, Voir en ligne. p. 117 —

Selon Sigismond Ropartz, un pardon de sainte Onenne existait avant la Révolution. Les paroissiens se regroupaient derrière leur bannière, accompagnés par des oies.

Le sacristain nous a expliqué qu’avant la Révolution, une cane avec ses halbrans ne manquait jamais de précéder dévotement la procession qui, le jour de la fête patronale se fait autour d’un champ, voisin de l’église et où est la fontaine de sainte Onenne. Cette tradition est un plagiat évident de la célèbre cane de Montfort.

Les oies n’ont pas toujours été présentes à la procession. L’abbé Le Claire en donne une des raisons.

Autrefois, les canes de la légende accompagnaient les fidèles, mais depuis le jour où les seigneurs de Rue-Neuve tirèrent sur elles, elles se réfugièrent dans un endroit secret et on ne les a pas revues (Propos de la femme Math. Petremoul de Folle-Pensée, en Paimpont1

LE CLAIRE, abbé Jacques-Marie, « Au pays de Tréhorenteuc : découverte de ruines gallo-romaines et chrétiennes », Bulletin Archéologique de l’Association Bretonne, Vol. 39, 1927, p. 61-73, Voir en ligne. p. 68

1942-1962 — La restauration du pardon par l’abbé Gillard

Dès son arrivée à Tréhorenteuc en 1942, l’abbé Gillard entreprend l’écriture d’un opuscule consacré à la sainte de Tréhorenteuc. L’abbé livre une première version de la légende de sainte Onenne, précédée d’un cantique pour la sainte écrit par Germaine Delhaye. —  GILLARD, abbé Henri, La Sainte du Val-sans-Retour. A Ste Onenne : patronne des grandes familles, Tréhorenteuc, par Mauron (Morbihan), Abbé Gillard Auteur-Editeur, 1942, 7 p., Voir en ligne. —

Il rétablit la procession de sainte Onenne en 1943 et l’établit au cours du pardon du 15 août, jour de l’Assomption de Marie. —  BLOT, Roger, L’abbé Gillard et les artistes de Tréhorenteuc, Josselin, Association pour la Sauvegarde des Oeuvres de l’Abbé Gillard, 2019, n.p. p. —

L’abbé donne une interprétation personnelle de la légende, témoignant qu’en 1957, quatre oies se sont à nouveau associées à sa bannière lors de la procession.

Le 15 août 1957, elles étaient quatre de la partie. A plusieurs reprises on a cherché à les chasser. Elles sont quand même, avec les gens, arrivées à destination. Pendant le sermon, elles se sont arrêtées et couchées sur le sol. Mais la procession reprenant sa marche, deux d’entre elles se sont placées derrière la croix, marchant l’une derrière l’autre, tandis que les deux dernières restaient en queue de procession et se tenaient côte à côte. Que faut-il en conclure ? C’est que l’histoire des oies est fondée sur des faits et que c’est sur ces faits que s’est basé l’artiste qui a fait la bannière.

GILLARD, abbé Henri, Tréhorenteuc-Comper-Paimpont, Vol. 8, 1959, Josselin, Abbé Rouxel, 1980, 50 p., (« Œuvres complètes : le recteur de Tréhorenteuc »). [page 28]

En 1967, un paysan raconte à Gwenc’hlan Le Scouëzec (1929-2008) que vers 1950, trois oies accompagnaient cérémonieusement la procession.

C’est ainsi qu’à Tréhorenteuc, en 1967, un paysan me raconta la légende de sainte Onenn, qui vivait, me dit-il, « du temps où il y avait des rois en Bretagne ». Parce que cette princesse, sœur d’un monarque breton, avait gardé des oies dans sa jeunesse, la procession qui s’en allait naguère de l’église à la fontaine étaient souvent précédée, selon la tradition qu’on me rapportait, par trois de ces volatiles. Spontanément, ils se mettaient en tête du cortège, et, parvenus près de la source, se rangeaient aux cotés du prêtre, écoutaient le sermon, puis reprenaient leur place devant la croix et, derechef, la précédaient cérémonieusement jusqu’au village.

LE SCOUËZEC, Gwenc’hlan, « Les Bretons, un peuple de poètes », in Histoires et légendes de la Bretagne mystérieuse, Paris, Tchou, éditeur, 1968, (« Histoires et légendes noires »), p. 7-21. [pages 11-12]

1990-2018 — Rétablissements contemporains du pardon

Entre 1962 et 2020, la procession à la fontaine Sainte-Onenne a été à plusieurs reprises interrompue puis restaurée.

L’Association de Sauvegarde des Œuvres de l’abbé Gillard la restaure à partir des années 1990 —  EALET, Jacky, Tréhorenteuc en Brocéliande, Les oiseaux de papier, 2008. [page 36] —.

La procession à la fontaine Sainte-Onenne
Jacky Ealet

A partir de 2018, le pardon de sainte Onenne est de nouveau célébré le 1er octobre à l’initiative de l’abbé Lebel nouveau recteur de Tréhorenteuc. —  ANONYME, « Les oies défileront avec les ouailles », Ouest-France, 27/09, 2018, Voir en ligne. — —  RÉDACTION PLOËRMEL, « Insolite : Sept oies en tête du pardon de Sainte-Onenne à Tréhorenteuc », Le Ploërmelais, 28/09, Ploërmel, 2018, Voir en ligne. —

Pardon de Sainte-Onnene du 29 septembre 2018
—  ANONYME, « Tréhorenteuc. Les oies ont retracé le chemin du pardon », Ouest-France, 30/09, 2018, Voir en ligne. —
Ouest-France

Bibliographie

BELLAMY, Félix, La forêt de Bréchéliant, la fontaine de Berenton, quelques lieux d’alentour, les principaux personnages qui s’y rapportent, Vol. 1, Rennes, J. Plihon & L. Hervé, 1896, Voir en ligne.

EALET, Jacky, Tréhorenteuc en Brocéliande, Les oiseaux de papier, 2008.

GARABY, abbé Malo-Joseph de, Vie des bienheureux et des saints de Bretagne, pour tous les jours de l’année, Saint-Brieuc, 1839, Voir en ligne.

GILLARD, abbé Henri, La Sainte du Val-sans-Retour. A Ste Onenne : patronne des grandes familles, Tréhorenteuc, par Mauron (Morbihan), Abbé Gillard Auteur-Editeur, 1942, 7 p., Voir en ligne.

GILLARD, abbé Henri, Tréhorenteuc-Comper-Paimpont, Vol. 8, 1959, Josselin, Abbé Rouxel, 1980, 50 p., (« Œuvres complètes : le recteur de Tréhorenteuc »).

HERPIN, Eugène, « Coutumes et traditions du pays de Ploërmel », Revue des traditions populaires, Vol. 14 / 4, 1899, p. 236-238, Voir en ligne.

LAURENT, Pierre, « Traditions et superstitions du Morbihan : Lettres de M. Le Douarain à M. l’abbé Mahé », Revue des traditions populaires, Vol. 24 / 11, 1909, p. 427-428, Voir en ligne.

LAURENT, Pierre, « Traditions et superstitions du Morbihan : Notes de l’abbé Marot (1838) », Revue des traditions populaires, Vol. 24 / 11, 1909, p. 429-432, Voir en ligne.

LE CLAIRE, abbé Jacques-Marie, « Au pays de Tréhorenteuc : découverte de ruines gallo-romaines et chrétiennes », Bulletin Archéologique de l’Association Bretonne, Vol. 39, 1927, p. 61-73, Voir en ligne.

LE SCOUËZEC, Gwenc’hlan, « Les Bretons, un peuple de poètes », in Histoires et légendes de la Bretagne mystérieuse, Paris, Tchou, éditeur, 1968, (« Histoires et légendes noires »), p. 7-21.

LOBINEAU, Dom Guy-Alexis et TRESVAUX, abbé François-Marie, Les vies des saints de Bretagne et des personnes d’une éminente piété qui ont vécu dans cette province, Vol. 2, Nouvelle édition, Paris, chez Méquignon junior, 1836, Voir en ligne.

ROPARTZ, Sigismond, « Pèlerinage archéologique au tombeau de sainte Onenne », Revue de Bretagne et de Vendée, Vol. 10 / deuxième semestre, 1861, p. 195-219, Voir en ligne.


↑ 1 • Peut-être le texte de l’abbé Le Claire suggère-t-il que ce sont les seigneurs protestants du manoir de Rue-Neuve qui, en tirant sur les canes, ont interrompu la procession.