1899
Les vitraux de l’abbaye de Paimpont consacrés à Judicaël
En 1899, l’atelier Vermonet de Reims réalise dans le chœur de l’église abbatiale de Paimpont un ensemble de deux verrières consacrées à la vie de Judicaël.
La création des vitraux
Le contexte
Judicaël occupe une place particulière à Paimpont où son culte est attesté depuis le 15e siècle. En 1899, deux verrières (n°1 et n°2) consacrées à quatre épisodes de la vie de Judicaël sont installées dans le chœur de l’église abbatiale de Paimpont.
La seconde moitié du 19e siècle est marquée par la volonté d’écrire une histoire de Bretagne rendant compte de la « spécificité bretonne ». Le renouveau du culte de Judicaël s’inscrit dans ce contexte. La figure de Judicaël y symbolise les valeurs de la Bretagne catholique et indépendante opposées à celles d’une France républicaine.
Les anciennes verrières
Les verrières consacrées à la vie de Judicaël prennent place dans les encadrements gothiques de deux fenêtres du chœur de l’église abbatiale, rénovés au 15e siècle à l’initiative de l’abbé Olivier Guiho.
Elles sont vraisemblablement réalisées en lieu et place de vitraux dont Vincent Barleuf nous donne la description vers 1670.
L’on voit encore en l’abbaye de Paimpont deux anciennes images l’une de saint Judicaël roy de Bretagne fondateur de cette maison et l’autre de saint Augustin aux pieds desquelles est représenté un abbé religieux qui s’appelait Olivier Guyo […] Il vivait en 1440 et son habit est de la forme et manière que celuy des religieux de saint Victor de Paris ce qui se voist encore en la mesme abbaye de Paimpont en un ancien panneau de vitre proche le grand autel ou le mesme abbé est représenté mort en son tombeau vestu de ses habits pontificaux et 6 religieux qui prient au pied de ce tombeau ayant la mesme tonsure et habit que cy-dessus.
La commande
La famille Levesque, propriétaire des Forges et de la forêt de Paimpont, est le commanditaire attesté de la verrière n°1, et probable de la n°2, comme le prouve l’inscription visible dans le quadrilobe du réseau de la verrière n°1 :
DONATIEN / LEVESQUE / DONAVIT / ANNO / DOMINI / M D CCCIC [1899] 1
La réalisation
La réalisation des vitraux du chœur de l’église de Paimpont est confiée à l’atelier Vermonet de Reims.
Les grisailles sont de type classique, de bonne qualité en ce sens que le dessin en est léger. Les verrières historiées, bien représentatives de l’atelier rémois Vermonet, se signalent par la finesse du dessin, la recherche de la mise en plomb, la variété des couleurs utilisant une gamme fondue plutôt que heurtée ; quelques accents rouges viennent relever les bleus et verts (verrière 1) ou les bruns dominants des bures (verrière 2). Le traitement de la végétation évoque discrètement l’Art Nouveau.
Cet atelier est connu en Bretagne par d’autres œuvres contemporaines et présentant les mêmes caractéristiques.
[...] à Lanrivain (22), dans l’église paroissiale, verrière de la chapelle des fonts figurant deux scènes de baptême (1899-1901) ; dans la même commune, la chapelle N.D. du Guiaudet, vitrerie narrative complète (1901) ; également, ensemble de 14 verrières de l’église de Bothoa en Saint-Nicolas-du-Pelem (1899-1903).
Quatre épisodes de la vie de Judicaël
Le miracle du lépreux
Verrière n°1 — registre inférieur
Ce registre inspiré par la Vita Judicaelis rédigée à Saint-Méen au 12e siècle 2, évoque le Le miracle du lépreux, épisode durant lequel Judicäel, roi de Domnonée au 7e siècle, aide un lépreux à traverser une rivière en crue. Après avoir été déposé de l’autre côté de la rivière, ce dernier apparait au souverain breton sous la forme du Christ et lui promet la vie éternelle.
L’apparition de la Vierge à Judicaël
Verrière n°1 — registre supérieur
Ce registre est consacré à l’apparition de la Vierge à Judicaël et au jaillissement de la source de Notre-Dame de Paimpont.
Au second registre, ayant revêtu l’habit de moine, Judicaël fait jaillir une source aux vertus miraculeuses et dédie l’endroit à Notre-Dame de Paimpont.
Cette verrière datée de 1899, est la première représentation de ce miracle localisé à la grotte de Paimpont.
Les moines de Notre-Dame de Paimpont soumettent les plans de leur prieuré à saint Judicaël
Verrière n°2 — registre inférieur
Ce registre évoque la fondation de l’abbaye de Paimpont par Judicaël, invention de l’abbé Olivier Guiho au 15e siècle.
Judicaël se dépouillant de ses attributs royaux, revêt l’habit monastique
Verrière n°2 — registre supérieur
Judicaël, en présence des siens se dépouille de ses vêtements de cour et de sa couronne, avant de revêtir l’habit monastique. Il est accueilli par Méen. Parmi les moines entourant Méen se voit un religieux tenant la croix. Son visage, très différent de tous les autres, reproduit visiblement un portrait précis, probablement d’après photographie.
Ce vitrail fait référence à la Vita Judicaelis et à sa reprise par l’historien breton Pierre Le Baud (1458-1505) dans laquelle, il est écrit que le roi Judicaël, jugeant son devoir accompli, décide de reprendre la vie monastique.
Le roy Judichael doncque néanmoins le refus de Judoch son frère, entendant, selon que dit Ingomarus, par la prédication de saint Maclou, & de saint Melmon son confesseur evesque d’Alethense, la sentence de l’Évangile, disant que ceux qui abandonnent le monde pour Nostre Seigneur, le reprennent à cent double & possèdent la vie pardurable, combien, que selon la teneur de la Chronicque de l’église Sainct-Méen, il ne fust roy à comparer à lui en perfection de science & industrie, & de puissance séculière ; la douceur de seigneurie, ne l’amour de lignage, ne le peurent empescher de que ses cheveux & sa barbe tondue, desprisant l’orgueil de ce siècle variable, il n’entra en l’ordre des moines ou monastère de Sainct-Méen de Gaël