Les chapelles Saint-Marc de Comper
La chapelle de la frairie de Comper et l’oratoire du château
Deux chapelles dédiées à saint Marc sont édifiées à Comper, probablement lors de la construction du château, par les seigneurs de Gaël-Montfort. La première chapelle, extérieure au château, bâtie à l’emplacement du « pâtis Saint-Marc », est celle de la frairie de Comper. Elle est détruite lors des guerres de la Ligue, à la fin du 16e siècle. La seconde, située à l’intérieur de l’enceinte du château, est réservée à l’usage des châtelains. Elle est détruite en 1790.
La fondation des deux chapelles
Selon l’abbé Guillotin, les chapelles Saint-Marc de Comper sont contemporaines de la construction du château par les seigneurs de Gaël-Montfort. La première, aussi nommée Chapelle de la Magdeleine.
, est celle de la frairie de Comper. Elle est située au bord de l’étang d’A-Haut, dans un landier hérissé de rocs. La seconde, aussi appelée oratoire Saint-Marc
, est située à l’intérieur de l’enceinte du château. Elle est réservée à l’usage des châtelains.
Un duc de Montfort s’étant décidé à bâtir un château fort à Comper pour y faire quelque fois sa résidence et faire des parties de chasse et de pêche, commença par faire construire la chapelle Saint-Marc afin que les ouvriers et vassaux y puissent entendre la messe. Le château étant bâti et les ducs ne voulant pas y laisser entrer le peuple à cause des guerres civiles qui étaient alors fréquentes, faisaient dire la messe à cette chapelle pour les gens du dehors. La messe du château n’était que pour ceux qui y résidaient.
L’acte de fondation du prieuré Saint-Samson de Telhouët par Raoul II de Gaël, daté de 1124, fait part de la donation à la prieure de la terre et de la chapelle de Comper, ce qui signifie que cette propriété appartient à la seigneurie des Gaël-Montfort 1.
Saint-Marc de Comper et les religieuses de Telhouët
En 1124, deux ans après avoir fondé le prieuré Saint-Barthélemy d’Iffendic dépendant de l’abbaye de Marmoutier, Raoul II, seigneur de Montfort donne des terres à Telhouët, en forêt de Brécilien, pour la fondation d’un prieuré dédié à saint Samson. Ce prieuré est établi dans la dépendance de l’abbaye de Notre-Dame du Nid-au-Merle, près de Rennes, connue aujourd’hui sous le nom de Saint-Sulpice-la-Forêt.
Nous connaissons la charte de fondation du prieuré Saint-Samson de Telhouët par une traduction du 16e siècle, conservée dans le chartrier de Comper. L’acte de fondation mentionne explicitement les nombreux biens donnés par Raoul II. Il s’agit d’une donation importante comprenant trois églises et leurs terres dont : La terre de Comper et l’église avec toute la tenue Rorel, le moulin de Tranchehu, la pêcherie des anguilles 2, la terre de Gautier, métayer, et de ses frères, le mangier de Trévoucacel, qui est en la main de Dame Anne.
— ROPARTZ, Sigismond, « Thélouet », Revue de Bretagne et de Vendée, Vol. 39, 1876, Voir en ligne. pp. 174-175 —
Il y a tout lieu de penser que l’église de Comper désignée sur l’acte de fondation est la chapelle extérieure, lieu de culte de la frairie de Comper.
Au début du 16e siècle, le prieuré Saint-Samson passe sous le régime de la commende. Les religieuses de Telhouët abandonnent alors la charge de la frairie de Comper au recteur de Concoret moyennant une rente annuelle.
Bientôt, il n’y eut plus de religieux attaché au prieuré, même pour le service du culte à Telhouët ; un recteur à la portion congrue payé par la prieure, fut substitué au prieur conventuel de Saint-Gonlay. Le recteur de Concoret se chargea du soin spirituel de la frérie de Comper, moyennant une pension annuelle.
La prieure de Saint-Samson de Telhouët a aussi des devoirs dans l’oratoire du château comme le prouve une supplique de Françoise de L’Estourbillon, prieure au 16e siècle, adressée au sénéchal de Ploërmel.
Elle [Françoise de L’Estourbillon] doit faire célébrer la messe tous les dimanches dans la chapelle du château de Comper, avec prières pour la seigneurie, et à Pâques fleuries, le service acoustumé, à la croix, au dit lieu de Comper.
La destruction de la chapelle extérieure lors du siège de Comper
La chapelle Saint-Marc de Comper aurait été endommagée lors du siège du château de Comper en 1594-1595, par l’armée d’Henri IV opposée à celle du duc de Mercoeur 3 lors des Guerres de la Ligue de Bretagne.
En 1594 et 1595, époque du siège de Comper par les royalistes contre le duc de Mercoeur, la chapelle Saint Marc fut fort endommagée. Elle ne fut pas réparée et est peu à peu tombée en décadence. Les plus anciens de l’endroit n’y ont jamais vu que des mazières 4.
À la fin du 19e siècle, Félix Bellamy constate la disparition des dernières ruines.
Depuis la notice de M. Guillotin, les derniers vestiges de ces masières ont eux-mêmes disparu, les pierres en ayant été emportées pour d’autres usages. La chapelle était située à gauche de la route de Saint-Malon, dans un landier hérissé de rocs, compris entre la route, l’étang du moulin d’A-Haut et le chemin qui mène à la chaussée de l’étang du Bignon. Dans ce terrain, au bord de l’étang, entre les rochers qui affleurent au sol, on distingue une aire aplanie qui marque et mesure encore assez bien l’emplacement de la chapelle Saint-Marc de Comper.
L’oratoire des châtelains de Comper
L’oratoire du château de Comper était la chapelle particulière des seigneurs de Gaël-Montfort puis de ceux de Laval.
L’ancien oratoire situé dans la tour N.-O. existe encore à l’état de ruines ; il était sous le vocable de Saint-Marc. On remarque à la clef de voûte un écusson aux armes de Laval. : « D’or à la croix de gueules chargée de cinq coquilles d’argent et cantonnée de seize alérions d’azur, posé 4 par 4 ».
En 1626, les seigneuries de Gaël et de Comper sont vendues par le duc Henri III de la Trémoille à Mathurin de Rosmadec, seigneur de Saint-Jouan de l’Isle et Jeanne de Trogoff, son épouse. Le château de Comper et son oratoire deviennent sa propriété et le 11 mai 1655, sa nièce s’y marie.
Là avait été célébré le 11 mai 1655 le mariage de Henry Picaud, seigneur de Morgan, avec Jeanne Desgrées, dame de Lesné, nièce et pupille de Mathurin Rosmadec, baron de Gaël et châtelain de Comper.
L’abbé Guillotin nous renseigne sur le nom d’un des aumôniers de l’oratoire.
Dom Malo Dandin, mort en 1710, fut pendant près de cinquante ans aumônier de Comper.
Alfred Ramé a laissé un dessin daté de septembre 1864 représentant des détails architecturaux de l’oratoire.
Les processions des paroissiens de Concoret
L’abbé Guillotin mentionne deux processions des paroissiens de Concoret à Comper. La première, le jour de la saint Marc, le 25 avril, passe par les ruines de la chapelle extérieure, détruite à la fin du 16e siècle, puis par l’oratoire du château. Ce jour est aussi marqué par la tenue d’une foire.
A la fête de Saint Marc, le 25 avril, la procession de Concoret allait directement aux mazières de la chapelle, on y chantait l’hymne « Triste erant apostoli », une antienne et l’oraison de Saint-Marc, et puis on allait chanter la messe en l’oratoire du château. On ne s’en retournait processionnellement : le clergé restait à diner au château suivant un ancien usage.
La seconde a lieu le jour des Rogations 5.
Le premier jour des rogations, la procession de Concoret allait à Comper ; on y chantait la messe et on revenait processionnellement.
La statue de l’ancienne chapelle était alors exposée sur le « pâtis Saint-Marc ».
On a cependant conservé la statue de saint Marc jusqu’à la Révolution. On l’exposait le jour [de] saint Marc au bout vers l’orient de la mazière où était anciennement l’autel, et les fidèles, y allaient l’honorer et mettre leur offrande. Il s’y tenait ce jour là sur le pâtis de saint Marc, une foire qui peu à peu est devenue à rien. Les maisons voisines s’appellent les « maisons de Saint-Marc ». On dit aussi le « pâtis et le rocher de saint-Marc » ; Mathurin Saillart y bâtit une belle maison en 1775.
Selon une tradition locale, saint Marc aurait vécu en ermite à Comper. Aussi montrait-on les traces de ses pas, sur le rocher qui jouxtait la chapelle extérieure. Un arrondi du rocher appelé « cul de saint Marc » avait gardé l’empreinte de ses fesses à l’endroit où il s’était assis. Félix Bellamy ne mentionne pas ces « traditions » mais donne une description de la statue de saint Marc à la fin du 19e siècle.
On voit encore aujourd’hui, abritée par quelques branchages, sous un arbre, devant la porte du château une antique statue de bois, haute d’environ un mètre, sans bras, sur le socle de laquelle est écrit le nom de saint Marc. C’est vraisemblablement celle que mentionne l’abbé Guillotin. Elle est peinte de diverses couleurs.
Encore visible durant les années vingt, l’oratoire prend le nom de Niche Saint-Marc.
Des cupules, découvertes lors d’une sortie de l’Encyclopédie de Brocéliande en septembre 2020, sont visibles sur cet affleurement rocheux.
La destruction de la chapelle en 1790
Lors des révoltes agraires de janvier 1790, une troupe de quatre cents paysans se rend au château de Comper pour réclamer l’abolition des droits féodaux. Après avoir obtenus les titres du régisseur du château, la troupe commence le pillage. Une partie des émeutiers s’en prend au symboles de l’église et brise l’autel de la chapelle, la pierre sacrée ainsi qu’une table et une armoire où étaient les ornements puis met le feu au château de Comper.— MONTGOBERT, Gilles, Eclats en Brocéliande : le Pays de Mauron 1789-1800, les mutations du monde rural, Saint-Léry (56), Office Culturel du District de Mauron, 1993. [page 183] — L’oratoire Saint-Marc est dévasté dans l’incendie du 28 janvier 1790.
Elle [La chapelle] fut dévastée dans les derniers jours de 1790 lorsqu’une troupe de paysans, conduits et égarés par certains factieux révolutionnaires, vinrent à Concoret, brûlèrent la plus belle partie du château et ce qui restait d’archives, car Monsieur Michel, régisseur, en avait beaucoup emporté.