Les matériaux de construction de l’abbaye de Paimpont - III
Ce que montrent les murs l’abbaye de Paimpont
Les murs de l’abbaye de Paimpont sont en majorité constitués de moellons de teinte claire (Grès armoricain) et dans une moindre mesure de faciès plus foncés (dalles pourprées, grison, etc.).
Les moellons de couleur claire - Le Grès armoricain
Ils sont représentés ici par des grès quartzites et grès. Ces derniers faciès semblent plus sensibles à l’altération en surface des moellons, marquée par des indices d’érosion atmosphérique (perte de matière) et colorisation par des oxydes de fer (lavage des eaux de précipitation).
Les moellons de couleur plus ou moins foncée
— Les dalles pourprées, bien représentées, dont la schistosité permet le débit en grandes dalles
— Les grisons correspondent à des conglomérats de quartz cimentés par une matrice ferrugineuse très foncée.
— Le poudingue de Gourin aisément reconnaissable du fait de la présence de galets quartzeux jointifs (taille centimétrique à millimétrique) et de rares phtanites.
— La « pierre jaune »
On ignore d’où cette pierre a été extraite. Cette « pierre jaune » apparait uniquement dans les matériaux de construction du Grand Logis qui date du 17e siècle. Elle y est systématiquement utilisée pour ornementer l’entourage des ouvertures.
— Les autres formations (roussards, volcanites, etc.) représentent de très faibles effectifs.
Notre ami Yves Quété nous a quitté le 2 octobre 2020.
Il nous a laissé huit articles (dont celui-ci) en attente de validation par le comité de lecture. Nous avons choisi de les mettre directement en ligne. Ces articles constituent une contribution inestimable au contenu de l’Encyclopédie de Brocéliande.
Outre la rédaction d’articles, Yves a organisé pendant cinq ans, de 2015 à 2019, trente-cinq sorties géologiques sur l’ensemble du massif de Brocéliande et sa périphérie. Son but était de faire découvrir aux encyclopédistes la diversité des formations géologiques de la région et la complexité de cette discipline, à travers des exemples observés sur le terrain.
La synthèse de ces excursions est accessible ici.
Construite au 13e siècle, l’église abbatiale connait d’importants remaniements aux 15e et 17e siècles.
Mais si l’on inclut l’ensemble des dépendances, la construction de l’abbaye Notre-Dame de Paimpont s’étale en réalité sur une beaucoup plus longue période, allant du 13e au 20e siècle.
Un examen rapide des murs de l’abbaye de Paimpont nous permet de constater qu’ils sont en majorité constitués de moellons de teinte claire (Grès armoricain) et dans une moindre mesure de faciès plus foncés (dalles pourprées, grison, etc.).
Les moellons de couleur claire - Le Grès armoricain
Les moellons constitués de Grès armoricain regroupent les faciès décrits précédemment (Voir Contexte topographique et géologique) Ils sont représentés ici par des grès quartzites 1 et grès dont certains portent des traces de terriers. Ces derniers faciès semblent plus sensibles à l’altération en surface des moellons, marquée par des indices d’érosion atmosphérique (perte de matière) et colorisation par des oxydes de fer (lavage des eaux de précipitation).
J-C. Oillic indique que l’étang de Paimpont est cité dans les aveux de l’Abbaye de Paimpont entre 1567 et 1638, ce qui permet d’envisager sa création en première moitié du 16e siècle, voire un siècle avant 2 — OILLIC, Jean-Charles, Végétation, peuplement, métallurgie en Brocéliande : étude interdisciplinaire de la forêt de Paimpont (Bretagne, France) depuis la fin du Tardiglaciaire, Thèse de doctorat en Sciences de la Matière, Rennes 1, 2011, Voir en ligne. [Page 254] —
— Un relevé sonar du fond de l’étang effectué en novembre 2009 (Agnès Baltzer) montre la trace d’une ancienne digue (hauteur environ 1 m) au pied de l’Abbaye, il caractérise un étang peu profond (quelques m au maximum).
— Aucun élément n’indique que l’étang a pu être utilisé pour extraire du Grès armoricain.
Les moellons de couleur plus ou moins foncée
Dalles pourprées, grison, poudingue de Gourin, etc.
Les moellons en grison correspondent à des conglomérats (fragments de quartz et/ou grès de taille centimétrique, arrondis ou anguleux) cimentés par une matrice ferrugineuse très foncée. Ils sont facilement repérables du fait de la teinte du ciment et de la taille des fragments/galets. Quantitativement ils représentent un effectif très réduit.
Certains moellons de conglomérat / poudingue, montrent une matrice de couleur rouille plus claire que celle des grisons. Ces faciès sont parfois difficiles à discerner (de loin) des échantillons de grès armoricain (voir Fig. 27) altérés (couleur ocre à rouille), recoupant des traces de terriers. Ils représentent un effectif très réduit.
Le poudingue de Gourin est aisément reconnaissable du fait de la présence de galets quartzeux jointifs (taille centimétrique à millimétrique) et de rares phtanites. La trace de filonnets de quartz et de fissuration de la roche (indices de la tectonique hercynienne) permet de distinguer ce poudingue des faciès conglomératiques plus récents (grison) vus précédemment (Fig. 34). Il représente un effectif très réduit.
La « pierre jaune »
On ignore d’où cette pierre 3 a été extraite.
Sur le site de l’abbaye, la « pierre jaune » apparait uniquement dans les matériaux de construction du Grand Logis qui date du 17e siècle. Elle y est systématiquement utilisée pour ornementer l’entourage des ouvertures, à la façon du granite qui n’affleure pas dans le rayon de 20 km autour de l’Abbaye de Paimpont.
— Les photos de détail (Fig. 38 et 39) montrent un grès coloré en « jaune-ocre » dans la masse, constitué de grains millimétriques de sable (quartz), visibles à l’œil nu, pouvant constituer des niveaux individualisés. Des fragments de roche sombre, de taille centimétrique arrondis à esquilleux parsèment localement cette pierre.
Les figures sédimentaires, inventoriées à l’échelle des limites inter-bancs, montrent des niveaux plus grossiers érodant (écoulement en milieu énergétique) les dépôts sous-jacents (Fig. 38 - à droite). Dans les bancs, on voit des niveaux caractérisés par des lamines millimétriques (écoulement en milieu calme) et rides asymétriques (écoulement en milieu plus énergétique).
Dans un article publié dans Tiez Breiz, Marie-José Le Garrec cite à propos du bâtiment du « Grand-Logis » :
Apparition du grès briovérien en encadrement d’ouvertures (et parmi les moellons).
Elle précise aussi :
Au Briovérien, se déposent essentiellement des vases qui deviendront des schistes (bassin de Rennes) mais dans la région de Mauron et de Néant-sur-Yvel, des dépôts sableux sont à l’origine de grès tendres gris-verdâtre, de structure homogène, leur aptitude à la taille a été mise à profit pour les encadrements d’ouvertures.
Cette pierre facile à reconnaître de loin, par sa couleur se retrouve par exemple, à Mauron, place de l’église - A visiter :
A propos de la maison située rue Fresnaye, Gilles Montgobert indique :
La famille Bonamy apparaît en 1513 dans la rue Fresnaye avec Amaury, puis dans la rue Flohy avec « Jean Bonamy et Mathurine Bonamy », l’inscription des fondateurs sur une pierre qu’écartèle une ancre. On retrouve un autre Bonamy à la rue des Portes : « Phelipe Bonamy et Marie Quernès m’ont fait faire l’an 1630 ». Les Bonamy finirent par occuper les fonctions administratives les plus élevées de la paroisse comme sénéchal et procureur fiscal de Mauron, tandis que des cousins ont des charges similaires pour l’abbaye de Paimpont. Alors que commence l’édification de la tour de l’église en 1713, Julien Bonamy, sieur des Hauts Champs, entreprend la construction d’une bâtisse en bas de l’église. On voit sur le mur : la date de 1714. Leur fils Joseph, sieur de la Ville-es-zalo, sénéchal de Mauron et de Paimpont qui avait épousé Anne Mathurine Allain dame du Bois Billy en Gaël, finit, en mai 1734, les granges qui jouxtent au Sud.
Cette habitation construite au 18e siècle, ainsi que le Grand Logis (17e siècle), témoignent de l’utilisation de la « pierre jaune ».
Sur ces deux exemples, cette pierre, comme le granite qui l’accompagne, correspondent à des faciès recherchés pour leur apparat, ceux-ci pouvant provenir de sites plus éloignés (plus de 20 km dans le cas du granite).
— Challenge : Où ailleurs est-il possible de voir cette pierre ? – affleurement ? – Façade de bâtiment pour quelle époque ?
— Concernant les dalles de Néant, la carrière des Planchettes 4 (voir Annexe 2) située au sud-est de l’agglomération de Mauron entame cette formation constituée d’une alternance de niveaux gréseux et de siltites. La couleur des bancs, à dominante verte lorsqu’ils ne sont pas trop altérés, est différente de celle de la « pierre jaune ».
À Néant-sur-Yvel, les dalles de Néant ont fait l’objet de plusieurs carrières établies le long de l’Yvel 5.
Ces sites ont été étudiés en 1988 par R. Louvel. L’auteur a décrit, dans le détail (banc à banc) l’ensemble de ces sites qui entament les dalles de Néant. Il a reconnu des faciès de turbidites, correspondant aujourd’hui à des dépôts situés à grande profondeur au-delà du plateau/talus continental. — LOUVEL, R., « Sédimentologie et stratigraphie du Briovérien de Bretagne centrale - Les sédiments de Néant-sur-Yvel », Institut de Géologie de Rennes, 1988. —
- Ces dépôts de « haute énergie » assimilables à une « avalanche sous-marine » se caractérisent par une surface basale en ravinement (figures d’érosion) avec dépôts successifs de particules grossières (conglomérats et/ou grès), puis de plus en plus fines (siltites). L’énergie rapidement décroissante se traduit ensuite par des dépôts portés par des courants unidirectionnels, pour se terminer par des litages horizontaux de décantation de matériaux de plus en plus fins (argilites). Sur le terrain cette séquence sédimentaire peut être incomplète.
Aujourd’hui les sites vus par R. Louvel sont très envahis par la végétation et difficilement accessibles. La carrière du Quengo 6 (voir aussi Les matériaux de construction de l’abbaye de Paimpont - II, Fig. 8) permet de voir des dalles de Néant peu altérées.
A visiter : Bourg de Saint-Léry – Moellons de grès fins de couleur verte : Briovérien (dalles de Néant)
Comme décrit plus haut, la « pierre jaune » correspond à un grès coloré en « jaune-ocre » dans la masse. Ce grès est constitué de grains de sable (quartz), visibles à l’œil nu, qui forment des niveaux individualisés plus ou moins grossiers.
Des fragments de roche sombre, de taille centimétrique, arrondis à esquilleux parsèment localement cette pierre. La roche est traversée par des fissures localement soulignées par des filonnets de quartz. Cette pierre semble peu indurée, facile à tailler. Elle est très sensible à l’altération atmosphérique qui met en relief les figures sédimentaires internes aux bancs. S’il était possible d’échantillonner les pierres de taille de l’abbaye, on pourrait compléter cette description macroscopique à partir de lames minces.
Question : quelle est l’origine de cette pierre jaune ?
Est-elle analogue au grès briovérien exploité à Néant-sur-Yvel ? Ces grès briovériens sont très durs, peu altérables une fois taillés et de teinte verte systématique. Les faciès visibles dans les affleurements actuels sont donc différents de la « pierre jaune » visible sur l’abbaye. Existait-il au 17e siècle d’autres affleurements, aujourd’hui épuisés, montrant le faciès « pierre jaune » ?
L’origine de cette « pierre jaune » reste à découvrir, pour cela il faudrait retrouver des archives relatives à l’achat des matériaux de construction de bâtiments au 17e siècle.
Les moellons en volcanite
Concernant les roches volcaniques acides de la formation de Marsac, Marie-José Le Garrec indique :
Ces roches proviennent de la région sud et sud-ouest de Guer. Il existe bien peu d’affleurements naturels mais de nombreux blocs (peu altérés) sont épars dans les champs, notamment aux abords du prieuré Saint-Étienne. D’anciennes exploitations sont aujourd’hui sévèrement embroussaillées (une carrière est actuellement en activité sur la commune de La-Chapelle-Bouëxic mais la roche, extraite en profondeur, est dure et sombre).
L’abbaye de Paimpont montre au niveau de la petite ouverture de l’ancien baptistère un entourage de blocs de volcanites. Le bloc en bas à gauche dont les dimensions sont démesurées par rapport à celles de l’ouverture témoigne d’un remploi
.
Tout comme le moellon vu à la Telhaie (voir Annexe 3), la reconnaissance des structures volcaniques (phénocristaux d’albite, chlorite en taches marron, matrice « fluidale », etc.) n’est pas évidente à discerner sur une maçonnerie exposée depuis trois siècles aux aléas climatiques.
Compléments : Annexes