1467-2024
La chapelle Saint-Jean de Campénéac - I
Une histoire de la chapelle
La métairie Saint-Jean de l’Ermitage en Campénéac est mentionnée pour la première fois en 1467 en tant que dépendance de l’abbaye Saint-Jacques de Montfort. La métairie et sa chapelle sont aliénées aux seigneurs de Trécesson en 1568. Reconstruite au 17e siècle, la chapelle est achetée par Nicolas Bourelle de Sivry en 1793 puis utilisée comme grange au cours du 19e siècle. Classée monument historique en 1946, la chapelle et son ancienne métairie sont aujourd’hui une propriété privée interdite à la visite.
La chapelle Saint-Jean de l’Ermitage, parfois appelée Saint-Jean des Places, est située à cinq kilomètres au nord-est du bourg de Campénéac, en limite de la commune de Paimpont.
Aucune charte de fondation ou de donation ne permet de connaitre ses origines. Moustier de l’Ordre du Temple ou de celui de l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, ancien ermitage, dépendance de Saint-Jacques de Montfort : beaucoup d’hypothèses ont été avancées sur la chapelle Saint-Jean.
Une dépendance de Saint-Jacques de Montfort
Si l’on s’en tient aux preuves historiques, Saint-Jean de Campénéac entre dans l’Histoire avec la charte des Usements et des coutumes de la forêt de Brécilien de 1467. Sa métairie de l’Ermitage
, dépend alors de l’abbaye augustinienne de Saint-Jacques de Montfort.
Une donation à l’abbaye de Montfort
L’abbaye Saint-Jacques de Montfort est fondée en 1152 par Guillaume de Montfort au profit des chanoines réguliers de Saint-Augustin. Guillaume et sa dame, Amice, ainsi que de nombreux personnages du pays, qui, prêtres ou laïques voulurent par piété coopérer à son érection et participer aux prières des religieux
, font de nombreuses donations à la nouvelle abbaye.— GUILLOTIN DE CORSON, abbé Amédée, Pouillé Historique de l’archevêché de Rennes, Vol. 2, Rennes, Fougeray éditeur, 1891, Voir en ligne. p. 637 —
Cependant, la chapelle Saint-Jean et la paroisse de Campénéac ne sont pas mentionnées dans la charte de fondation 1.— MORICE, Dom Pierre-Hyacinthe, Mémoires pour servir de preuves à l’histoire ecclésiastique et civile de Bretagne, Vol. 1, Paris, Charles Osmont, 1742, Voir en ligne. p.613 —
Droits de l’abbé de Montfort en Haute-Forêt
La plus ancienne attestation de cette dépendance provient de la charte des Usements et des coutumes de la forêt de Brécilien de 1467. L’article 4 stipule que l’abbé de Montfort avait, grâce à cette possession, droit de pacage et d’usage dans le quartier de Haute-forêt.
L’abbé de Montfort, pour sa métairie de l’Ermitage, située dans la paroisse de Campénéac (Quempeneac), a un droit d’usage consistant en ce que son valet domicilié dans cette métairie, peut tenir ses bêtes de toute nature en paisson et pâturage au quartier de la Haute-Forêt, mais pas ailleurs, sans être tenu de les inscrire et sans rien payer, pourvu que le bétail appartienne à l’abbé et soit conduit par ses valets ; car l’abbé ne peut envoyer dans la forêt de métayer partiaire. Si les officiers de la forêt y trouvent le bétail d’un métayer à moitié ou à part quelconque, sans qu’il ait été inscrit et que l’assens ait été payé, comme le font les autres habitants de la forêt, ils ont le droit de le prendre et de le confisquer au profit de Monseigneur, selon la coutume de la forêt. Les officiers peuvent forcer le valet de l’abbé ou son métayer domicilié en la métairie à jurer sous la foi du serment s’il est réellement valet ou bien métayer ayant part au bétail de la métairie.
L’abbé, s’il demeure en ce lieu ou son valet qui y demeure, en son absence, peut prendre à chevaux et à charrettes pour son chauffage du bois tombé (chéast) sur feuille (feille) autant qu’il lui en faudra, mais non d’autre bois. Si l’abbé veut construire en cette métairie ou s’il lui faut du bois pour la clôture de ses terres, il peut en abattre sur pied, pourvu qu’il soit présent de sa personne ou représenté par un des ses religieux à ce commis par lettres spéciales. Il ne peut se servir d’aucune autre manière.
Les droits concernant l’abbé de Montfort appartiennent à la première partie des Usements, relatant un état des choses bien antérieur
à la nouvelle coutume ou ordonnance, rendue le 30 août 1467
. Ces droits ont été rédigés au 13e siècle, vraisemblablement vers 1285.— Puton, Alfred (1879) op. cit. p. 2 —
Il est à remarquer que seule la métairie de l’Ermitage
est mentionnée dans les possessions de l’abbé de Montfort à Saint-Jean. À aucun moment - notamment concernant les droits de construction avec du bois de Brécilien - la chapelle Saint-Jean n’est mentionnée.
1568-1793 — La chapelle des seigneurs de Trécesson
1568 — La vente aux seigneurs de Trécesson
La chapelle Saint-Jean et sa métairie sont aliénées en 1568 en faveur du seigneur de Trécesson. Cette aliénation est approuvée par un édit du roi Charles IX daté de 1568.
Cette approbation est stipulée dans la déclaration faite par Gilles de Trécesson les 13 août 1679 et 31 Mai 1680 au domaine Royal de Ploërmel. La terre noble de Saint-Jean est dite comprendre :
La maison et métairie de Saint-Jean de l’Hermitage ; bâtie de murs en pierres et couverte en ardoises, cour, jardin, four, pré ; Chapelle dédiée à Monsieur Saint-Jean Baptiste, Contenant 54 pieds de long ; au derrière de laquelle est un Hermitage ; Consistant en un petit corps de logis avec cour et jardin au midi ; environ 28 journaux de terres et landes ; Fief et tenue, droits de haute basse et moyenne justice, droits de foires au dit lieu de Saint-Jean de l’Hermitage, concédés à feu messire Prégent de Trécesson, au jour des fêtes de Saint Jean Baptiste et de Saint Jean l’Évangéliste, par lettres patentes du Roi Charles, roi de France, données à Orléans au mois de novembre 1568.
1681 — La seigneurie de L’Hermitage Saint-Jean
Le 17 juin 1681, François-Gilles, comte de Trécesson 2, obtient l’érection en comté de ses seigneuries de Trécesson, Bernéant, Guillérien, La Chasteigneraye, Les Dienneries, La Marche, St-Jean, La Vieilleraye, Le Fau, La Touche-Carné, Bossigneaux et L’Hermitage St-Jean, s’étendant dans les paroisses de Campénéac, Augan, Néant, Tréhoranteuc et Gaël.
— WOELMONT, Henry de, Notices généalogiques, Vol. 3, Paris, Librarie ancienne Edouard Champion, 1925, 928 p., Voir en ligne.p. 815 —
1712 — Le prisage des terres de Trécesson
En 1712, les biens des seigneurs de Trécesson à Saint-Jean sont inventoriés pour héritage. La mettairye noble de Saint Jan
est à cette date affermée à Marie Lasnier. Les biens qui en dépendent consistent en un logement et ses étables, une petite maison, deux oratoires, deux cellules et une chapelle.— ANONYME, « Prisage des biens qui ont apartenu à Messire François Gilles de Trécesson, seigneur comte du dit lieu et dame Péronnelle du Fau, sa compagne », Trécesson, 1712, 184 p., Voir en ligne.
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- Le logement et ses deux étables
La mettairye noble de Saint Jan [comprend] le logement de laquelle est exposé à lorient construit de pierre couvert d’ardoises contenant cinquante et trois pieds de long et vingt et quatre pieds de large divisé en deux autres celliers du bout vers midy avec cheminée, retranché d’une étable et un grenier au dessus presque entièrement ruiné, le second est une autre étable doublée de branchages, le fond sous la ditte mettairye. La cour et desport au devant et au midy jusq’au cham de [lescaubuée ?] cy après un petit jardin au septantrion le tout contenant trante et unne corde prisés ensemble sept livres de rentes et cy.
- Une petite maison servant d’ermitage comprenant deux oratoires et deux cellules attenantes à une petite chapelle dédiée à saint Jean
Une pettite maison proche la ditte mettairye construite de pierre couverte d’ardoises, contenant vingt et cinq pieds de long et douze pieds demis de large au bas duquel il y a unne petitte oratoire à l’entrée vers orient l’autre vers occident et unne petitte cuisine aveque cheminée au dessus desquels en bas il y a une autre petitte oratoire vers orient deux petites cellules à costé l’unne de l’autre, au derrière du dit oratoire il y a une petitte descharge et un doublage sur le tout pour le service desquelles cellules et oratoires dahault il y a un petit degré de bois en vis au coin vers orient et midy de l’oratoire d’abas le fond sous le dit logis une petitte cour au devant dans laquelle il y a bas costé vers midy porté sur les murailles dudit logis et de la cour et sur celle du jardin sur le midy et sur des pilliers de boy par devant vers la ditte cour. Un petit jardin au midy et à l’occident le tout fermé de murs de pierre laquelle maison et jardin sont l’hermitage dans lequel demeure à présent frère Philippe Brohon. Une pettite chapelle dédiée à l’honneur de St Jan proche ledit hermittage aveque laquelle elle a une porte de communication de fort grande indigence de réparation le tout contenant sans comprendre le fond sous la ditte chapelle douze corde prises attandu que le dit frère Brohon nous a déclaré ne demeurer au dy hermitage qu’il plaisait au dy Seig Comte de Trécesson lequel en pouvoir disposer touttes fois et quant que bon luy semble, la somme de dix livres de rentes.
- Le pré derrière la métairie
Le Pré derrière la ditte mettairye dans lequel est laissé à battre joignant vers occident le champ des clos de la Guerillaye ci après un ruisseau entre deux vers midy la terre de la méttairye de [?] contenant un journal trante et cinq cordes prisés treize livres de rentes.
- La pâture des Coubière
Les Coubière en pasture et pannage, joignant vers occident le dit pré, vers midy les terres de la ditte méttairye, en hault St Jan vers septentrion le dit pré et la muraille du jardin de l’hermittage contenant un journal huit cordes prisés trois livres de rentes.
- Le Clos de la fontaine
Le Clos de la fontainne en labeur et partie en pré planté de quelques pommiers vers oriant et midy et quant vers orient la dite écobue et le pré de la méttairye du hault St Jan et le suivant contenant y compris une petite noé au bout d’orient deux journaux vingt et quatre cordes dont il y en a en pré seize cordes et en pannage vers midy et septantrion soixante et douze cordes prisés douze livres de rentes.
- Le champ aux Clos et le Clos de la Guerillaye
Le champ aux Clos et le Clos de la Guerillaye se joignant sans séparation en labeur pasture et pannage joignant vers orient le dit pré de derrière vers midy en partie le dernier vers septentrion et occident les landes cy après contenant esemble neuf journaux dont il y en a en pannage cinq journaux prisé vingt huit livres de rentes.
- Le Clos des Fossés neufs
Le Clos des Fossez neufs, séparé en quatre par de bas fossez en pasture et landes joignant vers orient le dernier vers midy à terre de la ditte méttairye du haut St Jan et vers occident et septentrion les landes communes de Leslan contenant huit journaux quarante quatre cordes prisés soixante sols de rentes.
- Le Clos des landes
Le Clos des landes, en pasture et landes joignant vers orient le dit clos de la Guerillaye vers occident la dernière lande et vers septentrion les landes communes dudit village de Leslan contenant deux journaux soixante six cordes prisés vingt sols de rentes.
- Le Pré de la Chesnaye
Le Pré de la Chesnaye joignant vers midy la ditte méttairye vers septentrion la pasture du Fr. Deprorayé et de Mathurin Gervais vers orient le chemin du pont au Clerc contenant compris le petit pré aux veaux au bout vers occident dont il est séparé par un bas fossez soxante et quatorze cordes prisés dix livres de rentes.
- Le Champ du pont au Clerc
Le Champ du pont au Clerc en labeur pasture et pannage à [tressault ?] vers orient du dit pré le dernier chemin entre deux joignant vers midy les landes communes de St Jan et du Liderho vers orient et septentrion la suivante contenant compris le dy chemin du pont au Clerc vers occident en l’endroit trois journaux cinquante et six cordes dont il y en a en pasture et pannage vers midy quarante cordes et dans le dit chemin quarante huit prisés ensemble seize livres.
- Le Pré Teffaine ?
Le Pré Teffaine ? en pasture et landes joignant vers septentrion et occident le dit Champ du pont au Clerc vers orient et midy les landes du village de Leslan et du Liderho contenant trois journaux soixante et quinze cordes prisés quatre livres de rentes.
- Le Clos des Déperteriaux
Le Clos des Déperteriaux en lande joignant vers orient les landes communes du village de Tréfrains vers midy et septentrion les landes communes du village Liderho contenant quinze journaux soixante cordes prisés quatre livres de rentes.
- Le sommaire de la métairie
Le sommaire de la ditte méttairye du St Jan monte compris le dit hermitage à la somme de cent onze livres sur lesquelles le rachat déduit au Roy suivant la ditte desclaration reste pour cent sept livres huit sols cinq deniers de rentes.
Les chapelains de Saint-Jean aux 17e et 18e siècles
Saint-Jean est habité jusqu’à la Révolution par des ermites ou chapelains ne demeurant au dy hermitage qu’il plaisait au dy Seig Comte de Trécesson lequel en pouvoir disposer touttes fois et quant que bon luy semble
— ANONYME, « Prisage des biens qui ont apartenu à Messire François Gilles de Trécesson, seigneur comte du dit lieu et dame Péronnelle du Fau, sa compagne », Trécesson, 1712, 184 p., Voir en ligne.
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Le nom de trois d’entre eux nous est mentionné par l’abbé Ange David (1864-1926) 3.— DAVID, Abbé Ange et ASSOCIATION MÉMOIRES ET PATRIMOINES DE CAMPÉNÉAC, « Transcription des Notes recueillies par Monsieur David, recteur de la paroisse de Campénéac », inédit, 1922. [page 32] —
- Jacques Rouzeau, mort à Saint-Jean en 1639.
- Messire Georges Guyomard reçoit le 29 mars 1647 de l’Evêque de Saint Malo, l’autorisation de se rendre à Nantes ; il meurt en route, près de Noyal-Pontivy où il est inhumé le 30 septembre 1647.
- Messire Paul Gervais, chapelain en 1677.
Le nom d’un quatrième ermite est mentionné dans le prisage de 1712
- Frère Philippe Brohon en 1712
1793-1922 — La chapelle et la métairie des de Sivry
Le château de Trécesson et ses terres changent de propriétaire durant la Révolution. Les usages de la chapelle et des terres de Saint-Jean, restés attachés au domaine de Trécesson, vont évoluer au cours du 19e et du début du 20e siècle.
1793-1808 — Nicolas Bourelle de Sivry propriétaire de Saint-Jean
Nicolas Bourelle de Sivry (1750-1808), achète le château de Trécesson en 1793. À sa mort en 1808, sa seconde épouse Marie Judith Guidotti lui fait bâtir un mausolée au milieu de la nef de la chapelle Saint-Jean.
Acte de décès de M Bourelle de Sivry
Nicolas Bourelle de Sivry, payeur général des dépenses de la guerre, propriétaire de Trécesson et autres terres en Campénéac, fils de Jean Bourelle et de Jeanne Person, né à Varennes le 23 mai 1756 département de la Meuse, époux en 1er noce d’Anne Lallement et en 2e de Marie Judith Catherine Martine Guillote, décédé le 4 Xbre 1808 à Trécesson, a été inhumé en sa chapelle de St Jean l’Ermitage en Campénéac en présence de M Fleury, vicaire, de Yves François Maufras du Chatelier, de M le Foul, recteur de Campénéac.
1806-1826 — La famille Chotard à Saint-Jean
Alphonse Bourelle de Sivry (1799-1862), hérite de Trécesson à la mort de ses parents. Il délaisse le vieux château du 15e siècle, lui préférant celui de Villeneuve à Pleucadeuc (Morbihan). Il afferme alors la métairie de Saint Jean à la famille Chotard.
Trois actes du début du 19e siècle mentionnent des membres de cette famille en tant que résidents de Saint Jean de l’Hermitage
.
- Le 22 mars 1806, Vincent Chotard, habitant de
Saint Jean de l’Hermitage
, témoigne dans un procès.
Chotard Vincent, 64 ans, à Saint Jean de l’Hermitage en Campénéac, déclare que depuis cinquante ans, il fait avec son harnois, le labeur des pièces des Helois et des Grandes tenues pour les différents détenteurs d’icelles, [...]
- Le 15 janvier 1821, Toussaint Chotard, est mentionné en tant que
menuisier à Saint Jean de l’Hermitage
.
Gregoire Guillotin, charpentier au Fil, en Campénéac, vend de la succession de Joseph Merel, pour 50 francs, payé comptant, à Toussaint Chotard, menuisier à Saint Jean de l’Hermitage, en Campénéac, 9,80 ares dans les Grandes Tenues, joignant du levant et couchant à Jean Hamon, du midi à Jean Merel, du nord à Julien Chauvel. "Fait et passé à Beauvais".
- Le 2 mars 1821, Joseph Morin vend une partie de ses terres de la section de Saint-Jean 4 à Reine Chotard, mentionnée en tant qu’habitante de Saint Jean de L’Hermitage.
Joseph Morin père, et Mathurin, Joseph et Marie Morin, ses enfants, cultivateurs et marchands, vendent pour 100 francs, payé comptant, à Reine Chotard, fille majeure à Saint Jean de L’Hermitage, en Campénéac, 29 ares dans les Roselets, joignant du levant aux vendeurs, du midi à la lande de Saint Jean, du couchant à Jacques Pongerard, du nord aux prés des Doublet, en Campénéac.
1835 — Les notes de l’abbé Marot
Vers 1835 5, l’abbé Marot (1791-1865) mentionne la présence de tombes d’ermites, retirés de la chapelle par Marie Judith Guidotti, mère d’Alphonse Bourelle de Sivry.
Le château de Trécesson appartient à notre honorable Sivry. Il est dominé par l’hermitage où jusqu’à la Révolution se tenait un hermite. La mère de notre honorable fit enlever de la petite chapelle les restes de trois hermites dont les tombeaux étaient creusés dans le roc.
1849-1869 — La ferme école de Trécesson
En 1849, Alphonse Bourelle de Sivry (1799-1862), héritier de Trécesson, afferme le château, les métairies et leurs terres à la ferme école de Trécesson (1849-1869). La métairie de l’Ermitage et ses terres sont intégrées au projet. Jean-Claude Crussard, son directeur de 1856 à 1863, s’y livre à des expérimentations agricoles.
À l’Ermitage, où j’avais une culture presque aussi importante qu’à Trécesson avec deux chevaux et quatre bœufs seulement, la dépense et les produits de mes animaux de travail, évalués comme ici, faisaient le pair.
1912-1922 — Célébrations et pèlerinage
Au début du 20e siècle, les célébrations sont rares dans la chapelle privée appartenant aux seigneurs de Trécesson.
La Sainte Messe n’y a pas été célébrée depuis 1912 : M l’abbé Duchesne y dit la messe pour demander du beau temps. La chapelle est dénuée de tout ce qui est indispensable pour célébrer.
Une messe exceptionnelle a cependant lieu le dimanche le plus proche de la Saint-Jean Baptiste (24 juin).
Chaque année le dimanche le plus rapproché de la fête de saint Jean-Baptiste, les vêpres y sont chantées. Elles furent parfois supprimées à cause des désordres. Beaucoup y font ce jour là surtout leur pèlerinage ou voyage avec dévotion. Non loin en dessous la chapelle jaillit la fontaine du Saint. Le garde de Trécesson apporte tous les ans après la fête à M le Recteur le produit de la quête et du tronc.
Une complainte pour la chapelle Saint-Jean de l’Ermitage, écrite à une date inconnue, a été publiée en 1995.
Le patrimoine de la chapelle
1922 — La description de l’abbé David
L’abbé Ange David, recteur de Campénéac de 1912 à 1923, est le premier à donner une description détaillée du patrimoine mobilier de la chapelle Saint-Jean.
On y remarque des têtes de morts, que l’on prétend être les crânes d’anciens ermites, jadis inhumés dans ce sanctuaire et trois beaux crucifix anciens en buis sculpté, deux statuettes de moines, œuvre probable des ermites. Au milieu de la nef est le tombeau en forme de mauselée de M. Bourelle de Sivry [...]. Au dessus de l’autel endeuillé et devant lequel est suspendue une lampe en cuivre, domine Saint-Jean Baptiste. La garniture est de cuivre - Sous l’autel une armoire dans lequel un ornement blanc avec cordon ; deux missels de 1648 et 1796 avec pupitre ; deux paires de burettes en plomb. Dans la sacristie étroite ; deux grandes statues de Saint Cornély et de Sainte Catherine ; un vieux meuble en chêne sur lequel le reliquaire de deux crânes.
1951-1956 — Les descriptions de l’abbé Gillard
1951 — Curiosités et légendes de la forêt de Paimpont
En 1951, l’Abbé Gillard, recteur de Tréhorenteuc, publie Curiosités et légendes de la forêt de Paimpont, ouvrage dans lequel il se livre à une description du patrimoine mobilier de la chapelle.
Pour l’abbé Gillard La chapelle Saint-Jean est d’une architecture sans valeur ; mais elle est si petite et si rustique qu’elle vaut la peine qu’on s’y arrête.
À l’intérieur, on trouve, comme c’est naturel, la statue de Saint-Jean Baptiste ; mais c’est ce qui étonne le plus, c’est la présence d’un tombeau si volumineux qu’il remplit à lui seul une grande partie de l’édifice.
En plus du crucifix qui, à la manière d’autrefois, est planté sur une poutre pour rappeler que la messe est le renouvellement eucharistique du Sacrifice de la Croix, il y a, mais dans la sacristie, deux statues intéressantes. L’une représente St Pierre et l’autre Ste Catherine. St Pierre n’a qu’une seule clef et il est revêtu des ornements pontificaux, St Catherine marche sur un roi et tient à ses pieds une roue. Par leur étrangeté, ces deux statues sont de véritables merveilles. L’une enseigne qu’il n’y a dans l’Église qu’un seul chef et que ce chef est le pape, successeur de St Pierre. L’autre explique que Ste Catherine, par sa science, a triomphé des philosophes, mais qu’elle a acquis une gloire supplémentaire : elle avait un nom qui s’écrit avec un cercle et qui signifie la toute pure. Elle a eu de son vivant le souci de le bien porter. La postérité, l’inscrivant à coté d’elle, a jugé qu’elle l’avait bien mérité.
Il est à noter que la statue de saint Cornély mentionnée par l’abbé David en 1922 n’est pas décrite par l’abbé Gillard qui évoque une statue de saint Pierre, elle aussi déposée dans la sacristie.
Par ailleurs, l’abbé Gillard s’étonne de la présence d’un tombeau si volumineux qu’il remplit à lui seul une grande partie de l’édifice
. À cette époque - et comme sur la photographie ci-dessus - le tombeau de Nicolas Bourelle de Sivry est encore dans sa position initiale, emplissant la presque totalité de la nef. Ce tombeau est déplacé sur le côté droit de la nef après 1973.
1956 — Symbolisme et Mystique des Nombres en Brocéliande
En 1956, l’abbé Gillard propose une initiation au symbolisme et à la mystique des nombres en Brocéliande. Son ouvrage se conclut par la chapelle Saint-Jean dont il décrypte le patrimoine point par point.
- Le chevet de la chapelle
Sur le chevet, il y a un cylindre surmonté d’un losange. Un losange désigne une loi, n’importe laquelle. Mais, ici, le losange, étant supposé très élevé, représente cette loi qui dépasse toutes les autres et qui s’appelle la charité. Montée sur un cylindre et, qui plus est, environnée d’une muraille circulaire, cette charité fait savoir qu’elle a pour effet d’effacer les péchés et de rendre plus saints ceux qui le sont déjà.
- La statue de saint Jean-Baptiste
St Jean-Baptiste a sa statue au dessus de l’autel. Il est pris d’assaut par un agneau tout blanc. Cet agneau représente Jésus l’immaculé lui demandant le baptême. Dans la main gauche, Saint Jean-Baptiste tient une croix de forme ronde portant trois branches égales. Par les trois branches, il reconnait à Jésus sa qualité d’Éternel ; et par la forme ronde, il lui avoue son pouvoir de blanchisseur des consciences.
- Le tabernacle
Le tabernacle est décoré de deux fleurs à huit pétales. Ces fleurs tiennent lieu de quatre et symbolisent la charité. Mais elles sont encadrées par deux fleurs supplémentaires et les voilà, par le fait symboles de la charité parfaite. Sur la porte, on a représenté un ostensoir d’où s’échappent six rayons et dont le pourtour de la lunule est particulièrement accentué. Ces six rayons signifient la douceur et la charité de Jésus. Par contre, le cercle autour de l’hostie évoque à la fois sa pureté et sa puissance.
- La statue de saint Pierre
Saint-Pierre — Dans la sacristie, il y a deux statues. L’une représente St Pierre portant sur la tête une tiare à trois couronnes et tenant à la main une clef géante dont le penne est divisé en deux parties. La tiare avec ses trois couronnes donne St Pierre comme représentant de l’Éternel ; mais avec le penne coupé en deux, la clef le révèle non pas comme le portier du Ciel, mais simplement comme le Chef de notre Mère la Sainte Église.
- La statue de sainte Catherine d’Égypte
Sainte Catherine croyait en Dieu et c’est pourquoi on lui a donné une épée dont la poignée et la garde formant un trois évoquent l’idée de l’Eternel. On lui envoya des philosophes pour la confondre. Elle réussit à les convertir et voilà pourquoi on lui fait écraser un personnage qui est vraiment à la hauteur puisqu’il porte une couronne. Enfin, c’est la mode, on met toujours une roue aux pieds de Ste Catherine. Ici, pour qu’on la voit de partout, on en a simulé deux. En voyant pareille chose, de certains ont imaginé que c’était son instrument de supplices. En réalité, c’est sa signature. En grec, Catherine veut dire pur. Le mot pur s’écrit avec un sept ou tout simplement avec un rond.
1946 — Une chapelle classée aux Monuments historiques
La chapelle Saint-Jean et les ruines qui l’entourent sont inscrites aux Monuments historiques par arrêté du 27 février 1946.— MONUMENTS HISTORIQUES, « Chapelle Saint-Jean », 1992, Voir en ligne. —
Une première étude de la chapelle est réalisée en 1984 dans le cadre de l’Inventaire topographique sur le canton de Ploërmel. La chapelle est alors estimée du 17e siècle.— DUCOURET, Jean-Pierre, « Chapelle Saint-Jean (Campénéac) », Inventaire topographique sur le canton de Ploërmel, 1984, Voir en ligne. —
Une notice est rédigée par les Monuments historiques en 1992.
Chapelle qui remonterait au 13e siècle, fondée par les Templiers. En 1312, leurs biens furent attribués aux religieux de l’ordre Hospitalier de Saint-Jean de Jérusalem. En 1568, la maison, métairie et hôpital Saint-Jean furent concédés à Prigent de Trécesson par lettres patentes de Charles IX. Dès lors, les seigneurs de Trécesson en gardèrent la propriété et s’y firent inhumer. Les murs épais sont en petit appareil irrégulier de pierres de schiste du pays. Le sol intérieur est constitué par la roche qui affleure. La chapelle a été très remaniée au 17e siècle.
Une page web consacrée à la chapelle Saint-Jean a été réalisée par les Monuments Historiques à partir de l’étude de Jean-Pierre Ducouret et de la notice de 1992.— DUCOURET, Jean-Pierre, « Chapelle Saint-Jean (Campénéac) », 2000, Voir en ligne. —
Le patrimoine inventorié à cette occasion comprend :
- Une poutre de gloire
- Une statue de Sainte Catherine d’Alexandrie
- Une statue de Saint-Pierre
- Une statue de Saint Jean-Baptiste
2003 — La croix de Malte de l’autel
En 2003, Christian Boulay indique la présence d’une croix de Malte « d’argent » (le blanc héraldique à cette époque) frappée au bas-relief de l’autel et visible encore dans la chapelle
. — F.F.R.P., Topoguide FFRandonnée ; Brocéliande à pied, Paris, F.F.R.P., 2003.
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Le style de l’autel de la chapelle Saint-Jean indique une réalisation du 17e ou du début du 18e siècle. Cette croix de Malte est donc très postérieure à une éventuelle présence des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem.
En l’absence de preuve historique, il s’agit du principal argument accréditant l’hypothèse d’une présence hospitalière à Saint-Jean.
1960-2022 — La chapelle Saint-Jean et le développement touristique
L’intérêt pour la chapelle Saint-Jean renait avec le développement touristique de la forêt de Paimpont dans les années 1960.
Sa situation géographique la rend particulièrement intéressante à valoriser. La chapelle est située sur la commune de Campénéac, en bordure de la D312 reliant Campénéac à Paimpont. Cette voie d’entrée en forêt de Brocéliande, retenue comme itinéraire touristique dès le début du 20e siècle 6, donne accès à d’importants sites historiques et légendaires situés à proximité de la chapelle, comme le château de Trécesson, l’Hotié de Viviane et le Tombeau des Géants.
Afin de proposer aux visiteurs des circuits de découvertes attrayants, de nouvelles thématiques - présence templière, domaine arthurien, histoire locale ou néodruidisme - sont greffées sur l’histoire méconnue de la chapelle Saint-Jean.
1960-2022 - Une chapelle dite de l’Ordre des Templiers
Un guide touristique des années 1960 publié par le Syndicat d’Initiative et Groupement Touristique Intercommunal de Brocéliande indique que cette chapelle est dite des Templiers.
— S.I.G.T.I.B., Forêt de Brocéliande, Paimpont, 1960, 79 p.
[page 59] —
Il s’agit de la première référence à la présence de templiers à la chapelle Saint-Jean (voir l’hypothèse templière à Saint-Jean). Celle-ci va être systématiquement reprise dans les guides touristiques consacrés à la forêt de Paimpont.
En 1979, le S.I.B. - Syndicats d’Initiative de Brocéliande - fait paraître le Guide touristique et culturel de Brocéliande, dans lequel est présenté un « circuit découverte » de 66 km au départ de Plélan-le-Grand. Une approche nouvelle enrichit la visite d’une dimension culturelle, liée aux traditions populaires, à laquelle s’ajoutent des contributions d’auteurs universitaires. On peut y lire on aperçoit sur la gauche l’ancienne ferme et la chapelle Saint-Jean. Fondée par l’ordre de Saint Jean de Jérusalem [...]
— COTTIN, Alain, Guide touristique et culturel de Brocéliande et annexes, 1979, Syndicats d’Initiative de Brocéliande, 1982, Voir en ligne.
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En 1989, dans le Guide de la Bretagne mystérieuse, Jean Markale consacre un chapitre à la chapelle Saint-Jean, ensemble exceptionnel constitué par des bâtiments de ferme en ruine et une petite chapelle au clocher pointu
. Pour la première fois dans ses écrits, Jean Markale mentionne une fondation templière 7.
Il s’agit de la chapelle Saint-Jean dépendant de Trécesson, et probablement fondée par l’ordre des hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem. L’atmosphère du lieu mérite qu’on s’y attarde. L’endroit est battu par les vents de suroit, le sol de roche rougeâtre affleure sans cesse, et il a été gratté pour permettre l’édification des bâtiments. On sent que ce lieu est chargé d’une mémoire ancestrale 8.
Dans le Guide spirituel de la forêt de Brocéliande, ouvrage paru en 1996, Jean Markale revient sur la fondation templière.
Cette chapelle d’après tous les guides, est donnée comme templière, ce qui est une contre-vérité absolue. Sa construction remonte en effet au XVe siècle 9, et il y avait un siècle et demi que l’ordre du Temple avait été dissous par le pape. Il faut avouer que cette confusion est fréquente un peu partout en France, mais plus particulièrement en Bretagne où les « moines rouges », appellation populaire des Templiers, n’ont pourtant pas laissé un bon souvenir : les contes et chansons qui les mettent en scène insistent davantage sur leurs débauches que sur leur mysticisme ou leur soi-disant secrets. Mais comme tous les biens de l’ordre du Temple avaient été dévolus au Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, il faut se résoudre à admettre que la chapelle Saint-Jean de Campénéac est l’œuvre des Hospitaliers. Et si elle garde quelques caractéristiques de l’architecture templière 10, il ne faut guère s’en étonner, sans pour cela se retrancher derrière des connaissances ésotériques.
Christian Boulay est l’auteur du chapitre concernant la chapelle Saint-Jean dans l’édition 2003 du Topo guide de Brocéliande. Il y développe l’idée d’une présence templière, fin 13e, début 14e siècle
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Elle fit partie jadis des nombreuses possessions foncières de l’Ordre du Temple en Bretagne [...] A défaut de précisions qu’il faudrait expurger des cartulaires de l’Ordre du Temple relatifs aux « Maisons » répertoriées en Bretagne centrale, et eu égard aux tribulations et vicissitudes subies par les frères de l’Ordre - notamment au plan notarial - il semblerait que la chapelle Saint-Jean ait dépendu, au titre de moustier, de la préceptorie de Carentoir plutôt que du commandeur de Montfort 11. Ce petit ensemble architectural monacal et militaire composé de quelques bâtiments sommairement fortifiés rassemblait fin 13e, début 14e siècle, une garnison réduite, dépendant hiérarchiquement du précepteur local. Elle était vraisemblablement composée - sous l’autorité d’un frère commandeur et peut-être chevalier - de quelques frères sergents, d’un chapelain et d’un écrivain « sarrazinois », sorte de métayer comptable dont la fonction essentielle comprenait la gestion des fermages et tenures champêtres et forestières propres au Temple, des loyers et baux ruraux des lieux lui appartenant, ainsi que la subsistance des paysans dépendant du moustier et sous sa protection tant spirituelle que militaire. Ce moustier - très probablement en raison du rapatriement définitif de l’Ordre en Europe après l’échec des Croisades - à dû lui aussi contribuer à assurer police et surveillance des voies de communications locales empruntées - notamment - par toutes sortes de populations en pérégrinations, et bien sûr à la mesure des effectifs qui le composaient.
Christian Boulay justifie ces développements sur les Templiers par la présence de la Croix de Malte frappée au bas-relief de l’autel
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C’est en 1160 que les Templiers obtinrent confirmation de toutes les possessions qu’ils avaient reçues en Armorique et donc en Poutrecouët au moyen de la charte établie par la grâce de monseigneur le duc de Bretagne (messire Conan le 4e). Mais c’est en 1312, par décision du concile de Vienne-en-Dauphinois, que tous les biens - surtout immobiliers - des malheureux frères de l’Ordre du Temple seront dévolus à l’Ordre voisin des Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem, ce que confirmerait la présence de la croix de Malte « d’argent » (le blanc héraldique à cette époque) frappée au bas-relief de l’autel et visible encore dans la chapelle. Cette croix a été attribuée à tort aux Templiers, qui portaient, eux, la croix pattée de Gueules (le rouge médiéval). De là vient l’attribution erronée de la chapelle aux seuls Hospitaliers qui n’en furent que les dépositaires, les Templiers en ayant été spoliés.
Les assertions infondées de Christian Boulay sont en partie reprises dans Brocéliande de A à Z, publié en 2008.
Cette chapelle a été édifiée à l’emplacement d’un ancien ermitage. On pense qu’elle appartenait à l’origine aux chevaliers de l’Ordre des Templiers. Mais en 1312, lors du Concile de Vienne-en-Dauphinois, tous les biens des frères de l’Ordre des Templiers furent dévolus à l’Ordre des Hospitaliers de Jérusalem. La présence de la « Croix de Malte » d’argent, frappée au bas-relief de l’autel, atteste ceci. Au XIVe siècle, une garnison dépendant du précepteur local était présente sur ces lieux. Elle devait être composée de plusieurs frères sergents, d’un chapelain et d’un métayer-comptable.
1961-2008 — Domaine arthurien
En 1961, Jean Markale publie un recueil de contes et légendes de Brocéliande dans lequel figure une histoire courte, intitulée Le Recteur fantôme. Cette fiction mariant l’imaginaire de la chevalerie médiévale à l’univers des contes et croyances populaires de la forêt de Paimpont imagine la rencontre entre un chevalier errant et un revenant dans une chapelle perdue au milieu des landes.
En 1984, Jean Markale revient sur l’écriture de ce conte dans son ouvrage autobiographique consacré à Brocéliande. Il y révèle notamment que Le Recteur fantôme lui a été inspiré par les paysages de la chapelle Saint-Jean. — MARKALE, Jean, Contes et légendes de Brocéliande, Ploërmel, Les Éditions du Ploërmelais, 1961, 48 p. [pages 22-24] —
Paysage envoûtant que celui qu’on aperçoit de cette chapelle Saint-Jean... Lieu inquiétant, où rôdent des ombres qu’on ne parvient pas à saisir, car les doigts se referment sur les lueurs rouges du crépuscule. C’est là que j’ai inventé la légende du Recteur fantôme.
Il y met aussi en évidence l’absence de localisation d’un épisode arthurien à Saint-Jean.
[...] près d’un magnifique château trop beau pour être réel, celui de Trécesson, il y a une chapelle, sur la lande, la chapelle Saint-Jean, sur le territoire de Campénéac. Personne n’a jamais localisé la moindre aventure arthurienne en cet endroit, mais là aussi le lieu semble privilégié.
Dans le Guide spirituel de la forêt de Brocéliande, ouvrage paru en 1996, Jean Markale revient sur l’absence de localisation d’un épisode arthurien à la chapelle Saint-Jean.
Ce qui est étrange, c’est qu’en vertu de la fièvre de localisations arthuriennes qui s’est manifestée au siècle dernier, personne n’ait songé à faire de ce lieu le théâtre d’une rencontre entre un chevalier et un ermite. Les épisodes ne manquent pas cependant, et il serait facile d’y évoquer Lancelot du Lac se faisant héberger par l’ermite et se confessant à lui, avouant que le Graal qu’il cherche n’est peut-être pas la mystérieuse coupe d’émeraude qui contient le sang du Christ, mais la reine Guenièvre elle-même. A moins d’y voir Perceval, à la recherche de Corbénic, la forteresse du Roi Pêcheur, où il n’a pas pu poser la question fatidique concernant la coupe d’émeraude et la non moins étrange « Lance qui saigne »...
En 2008, un ouvrage de découverte sur Brocéliande propose la localisation arthurienne suggérée par Jean Markale. Les auteurs de Brocéliande de A à Z mentionnent la localisation de la légende de la Chapelle aux quatre piliers de marbre à Saint-Jean.
À l’emplacement de l’actuelle chapelle Saint-Jean de l’Ermitage, une légende évoque l’existence d’une autre chapelle. Elle nous parle d’une étrange sépulture dont on pourrait connaitre le contenu grâce à l’intervention du meilleur chevalier du monde. Perceval y vint en présence de sa mère. Il posa la main dessus et, dès qu’il l’eut touché, le tombeau s’ouvrit. Sa mère, la dame veuve, avait procédé de même avec nombre de chevaliers, mais sans succès. Cette fois, quand elle vit la tombe ouverte, elle sut que son fils était le meilleur d’entre-eux. Elle ordonna à un chapelain de prendre la lettre qui se trouvait dans le tombeau. Que disait-elle ? celle-ci affirmait que le mort était l’un de ceux qui avait aidé à descendre le Christ de la Croix...
1972 — La guerre de Cent Ans
En 1972, trois circuits de découverte sont proposés dans un numéro spécial du bulletin municipal de Mauron comme suggestions pour un séjour de vacances au pays de Mauron.
La visite de la chapelle Saint-Jean est intégrée au deuxième circuit. L’intérêt de la chapelle est souligné par la présence d’inscriptions rappelant un épisode local de la guerre de Cent Ans.
La chapelle St Jean où des prisonniers anglais enfermés durant la guerre de Cent Ans laissèrent des inscriptions gravées dans le mur.
Cette spécificité est reprise en 2008 dans Brocéliande de A à Z.
Pendant la guerre de Cent Ans, l’ancien ermitage a servi de prison aux soldats anglais.
On peut s’interroger sur la présence d’inscriptions du 14e siècle sur les murs d’une chapelle du 17e siècle.
1979-1984 — La chapelle Saint-Jean et l’ASVR
Au début des années 1980, la chapelle fait l’objet d’un projet de valorisation par l’Association de Sauvegarde du Val sans Retour (ASVR). La naissance de ce nouvel acteur du développement touristique en forêt de Paimpont s’inscrit dans un plan de réorganisation du tourisme à l’échelle du département, qui vise à développer l’intérieur du Morbihan. L’ASVR choisit alors d’axer ses efforts de développement touristique autour de deux sites, la chapelle Saint-Jean et Le Val sans Retour.
C’est ainsi qu’au nom de l’Association, le Conseiller Général de Ploërmel sollicite l’architecte en chef des Bâtiments de France pour étudier une mise en l’état de la chapelle Saint-Jean et un projet d’animation valorisant le patrimoine culturel de Brocéliande. Le projet, déposé en 1980, prévoit un aménagement des lieux en vue de la projection de spectacles audiovisuels inspirés des légendes arthuriennes.
Le propriétaire de la chapelle s’opposant à la vente des lieux, c’est vers le Val sans Retour que vont se concentrer les efforts de l’association.
En 1984, Michel Cabaret revient sur l’intérêt d’une prise en compte de la chapelle dans le cadre du développement touristique de Brocéliande.
L’abbé Gillard (1955) indique que son architecture est sans valeur, pourtant elle est composée de plusieurs beaux éléments rustiques : les bâtiments et la chapelle elle-même. Située au nord de Trécesson, elle se dresse sur les roches en schistes rouges, et abrite plusieurs statues : saint Jean Baptiste, St Pierre et Ste Catherine. Un tombeau volumineux abrite la sépulture de l’ancien propriétaire de Trécesson : M. de Sivry.
1989 — Interprétations néodruidiques
Dans le Guide de la Bretagne mystérieuse, Jean Markale, porté par le charme mélancolique
de la chapelle Saint-Jean, se livre à des rêveries druidiques.
L’abandon des lieux, l’isolement de ces bâtiments au milieu des landes, la couleur de la pierre, le vent qui balaie sans cesse la végétation, tout cela confère au site de la chapelle Saint-Jean un charme mélancolique qui n’est pas exempt d’évocation magique. Il serait facile d’imaginer ici, dans les lumières troubles du soleil couchant, quelques rituels mystérieux de druides, perpétuant la grande tradition du nemeton, là où le Ciel et la Terre fusionnent en une harmonie de couleurs, de parfums et de sons.
En 2002, Gwenc’hlan Le Scouezec propose une approche néodruidique de Brocéliande. Le culte attesté de saint Cornély à la chapelle Saint-Jean l’amène à penser qu’il s’agit d’un ancien lieu de culte celtique dédié à Kernunnos.
[...] saint Jean parait avoir remplacé ici un personnage plus antique et beaucoup plus important, nous voulons parler de saint Cornely, avatar du grand dieu des morts, Kernunnos. Il y aurait eu autrefois dans la chapelle une statue du saint et l’on peut supposer que l’édifice primitif lui ait été dédié. C’est en tout cas toujours sous son vocable qu’est placée la fontaine voisine. Au-dessous de la chapelle vers l’ouest, on descend vers un vallon très fangeux, plein d’eaux et d’herbes, où court un ruisseau. Une source, ceinte sur trois cotés d’un petit muretin de pierres, y coule vers le nord-ouest, fermée d’une plaque de schiste à l’entrée. [...] On admirera le vaste bassin circulaire, entouré d’un cercle d’ifs, qui rassemble les eaux et que borde un talus conséquent. Il serait disposé de telle manière que les boeufs, animaux préférés de Cornely, comme de son ancêtre Kernunnos, puissent y venir boire.
En 2003, Christian Boulay - druide sous le nom de Dwrdan - écrit un article du Topo Guide dans lequel il mentionne la fontaine Saint-Jean comme étant une ancienne fontaine druidique.
On pourra enfin remarquer, autour de la chapelle, les ruines du Moustier ainsi que, à 150 m en direction du sud-ouest, dans la végétation, la fontaine indiquant - s’il le fallait encore - que ce lieu éminemment voué au Baptiste, fut un endroit où se déroula depuis le temps des druides, la cérémonie initiatique de l’Eau Lustrale. Cette fontaine semble aujourd’hui très active pour ce qui est des énergies, notamment au plan géobiologique. Non nobis Domine, non nobis... 12