1868-1997
Tourisme en Brocéliande
Dès la fin du 19e siècle, un tourisme naissant s’appuie sur les écrits des érudits locaux pour faire découvrir au visiteur les sites et les légendes de la forêt de Paimpont/Brocéliande.
Jusqu’au milieu du 20e siècle, le tourisme en Brocéliande reste une pratique réservée à une élite intellectuelle. Il ne connaît une véritable expansion populaire qu’à partir de 1945.
La réussite de l’abbé Gillard au « Val sans retour » et à Tréhorenteuc sert d’assise à une politique qui se base sur la notoriété du nom « Brocéliande » pour favoriser un développement économique de la région.
Au début des années 1990, l’apparition de nouvelles entités administratives, le Pays Touristique de Brocéliande en 1985 et le Pays de Brocéliande, contribuent au développement touristique.
Durant les trente premières années du 19e siècle, des notables érudits, notamment J.-C.-D. Poignand, Blanchard de la Musse, Baron du Taya, inventent une topographie arthurienne en forêt de Paimpont. La Fontaine de Barenton, le Tombeau de Merlin, le Val sans Retour attirent dès lors de prestigieux visiteurs, Brizeux, La Villemarqué, ou encore Félix Bellamy qui apparaît en 1896 comme le dernier et non le moindre de ces grands voyageurs de Brocéliande. Dès la fin du 19e siècle, un tourisme naissant s’appuie sur les écrits de ces érudits pour faire découvrir au visiteur les sites et les légendes qui leur sont associés.
1868 — Le premier guide touristique de la forêt de Paimpont
Dès les années 1860, les premiers guides touristiques apparaissent en France, à la suite de l’extension des voies ferrées. Le guide national Joanne de 1867 propose une courte notice sur la forêt de Brocéliande — JOANNE, Adolphe Laurent, Bretagne, avec 10 cartes et 7 plans., Paris, L. Hachette, 1867, (« Collection des guides-Joanne. Itinéraire général de la France »), Voir en ligne. p. 460 —.
Le premier guide spécifiquement consacré à la forêt de Paimpont paraît en 1868. Son auteur, du Bois de Pacé, ne cherche plus à nommer et organiser un territoire nouveau, mais à en faire découvrir le charme et le pittoresque.
On l’aimera en la parcourant, la vieille forêt, avec ses étangs limpides, sur lesquels s’étend le soir une brume transparente ; avec sa ceinture de landes solitaires, roses sous les feux du couchant, étincelante de perles au lever d’un beau jour ; tout cet ensemble enfin duquel se dégage un sentiment indéfinissable d’isolement et de liberté, une rêverie douce qui calme l’âme qui lui fait oublier pour un instant les rudes préoccupations du présent, les déceptions du passé, les inquiétudes de l’avenir.
Les nouveaux sites légendaires de la forêt de Brocéliande deviennent le but d’excursions touristiques qui n’empêchent pas l’auteur du guide de mettre en garde le touriste sur l’authenticité de certain sites : Nous professons assurément, tout le premier, un certain scepticisme à l’endroit de Merlin et de son tombeau.
— du Bois de Pacé (1868) op. cit., p. 26 —
1919 — Le guide Delalande
L’espace touristique se réorganise avec l’apparition de nouveaux moyens de locomotion : automobiles et vélos. Le guide d’Honoré Delalande, publié en 1919 et réédité en 1926, présente la forêt touristique à partir de points de vue et de panoramas. Le paysage devient le but de la fréquentation, sans toutefois abolir l’intérêt légendaire.
De quelque coté qu’on se tourne le panorama est incomparable. En marchant au S. O. on croise un ch. en fondrière qui dégringole vers Tréhorenteuc [...] ; puis on traverse une sapinière malencontreusement plantée là depuis quelques années ; toujours à travers les ajoncs et les crevasses du roc on parvient à un banc du T. F. C., juste au dessus du moulin, face aux landes de Gurwan, d’où l’on saisit le mieux l’impressionnant ensemble du Val sans Retour.
Delalande, qui s’appuie sur l’œuvre de Félix Bellamy pour décrire les sites légendaires, demeure lui aussi sceptique quant au prétendu Tombeau de Merlin
ou à la « Fontaine de Jouvence » dans laquelle il voit une tradition semble-t-il assez récente.
— Delalande, Honoré (1919) op. cit. p. 27 —
Si ces auteurs doutent parfois des traditions attribuées à certains sites, leurs guides touristiques contribuent cependant à ancrer cette nouvelle topographie en forêt de Paimpont.
Années 1930 — Premières politiques d’aménagement du territoire
La Fontaine de Jouvence et le Tombeau de Merlin sont les premiers sites de la forêt de Paimpont à bénéficier d’un plan de développement touristique.
Entre 1930 et 1931, Alphonse Barbot (1893-1939), député d’Ille-et-Vilaine de la circonscription de Montfort demande que ces deux sites soient restaurés afin de favoriser le développement touristique. — DESGRÉES DU LOU, Emmanuel, « Pour le développement du tourisme en Ille-et-Vilaine », L’Ouest-Eclair, 11/10, 1931, Voir en ligne. p. 3 —
Les démarches du député aboutissent au classement des deux sites par un arrêté du 6 novembre 1934, parmi les monuments naturels et les sites de caractère artistique, historique, scientifique, légendaire et pittoresque.
— Archives Municipales de Paimpont 2R2 —
La politique d’aménagement semble porter ses fruits puisqu’en 1936, la présence de la Fontaine de Jouvence à proximité de la route est invoquée comme argument par M. Letort, conseiller général, pour obtenir des fonds afin de la rénover.
[...] je vous présente la route axiale de mon canton, qui dessert quatre communes. J’invoque même le côté touristique, parce que nous avons là Paimpont, Plélan et la Fontaine de Jouvence.
L’action de l’abbé Gillard pour le développement touristique
Jusqu’au milieu du 20e siècle, le tourisme en Brocéliande reste une pratique réservée à une élite intellectuelle. Il ne connaît une véritable expansion populaire qu’à partir des années 1950.
L’action de l’abbé Gillard à Tréhorenteuc
Localement, c’est grâce à l’action de l’abbé Gillard, recteur de Tréhorenteuc à partir de 1942, que le Val sans retour va devenir le site le plus fréquenté. Dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, conscient son attrait touristique, il organise le développement du tourisme à son échelle.
C’est cette légende qui, jointe au caractère pittoresque du pays, attire chaque année au Val sans Retour des milliers d’étrangers. Il en vient de toutes les situations sociales, même des académiciens et il en arrive de tous les coins du globe.
Son église, véritable musée de la Table ronde
, devient un lieu de passage obligé en Brocéliande. L’abbé se sert de l’intérêt touristique naissant pour amener le visiteur à découvrir un courant spirituel, conjuguant tradition chrétienne et légendaire arthurien. En précurseur, il organise des événements de promotion touristique, allant de la fête folklorique à la cérémonie druidique du Val sans retour de 1951.
A partir de 1942, il publie de nombreux opuscules sur la forêt de Paimpont, dessine des cartes et des circuits qui formeront la base du futur développement du tourisme en Brocéliande.
L’influence de l’abbé Gillard sur les politiques touristiques des années 1960
Les années soixante marquent l’émergence de politiques d’aménagement du territoire.
Au début des années 1960, le département du Morbihan choisit le canton de Mauron pour initier un développement touristique à l’intérieur des terres. La réussite de l’abbé Gillard au Val sans retour et à Tréhorenteuc sert d’assise à une politique qui se fonde sur la notoriété du nom « Brocéliande » pour favoriser un développement économique de la région.
Contrairement aux premiers guides, ceux de l’après-guerre n’informent pas les visiteurs du caractère récent de l’implantation de certains sites légendaires en forêt de Paimpont. Le discours convaincant de l’abbé Gillard a certainement entraîné le délaissement des œuvres du passé au prix de l’oubli des connaissances historiques.— CALVEZ, Marcel, Usages productifs, usages touristiques et aménagement d’un territoire, le Val sans retour (1820-1984), Thèse pour le Doctorat de Troisième Cycle en Sociologie, Université de Paris X-Nanterre, 1984, Voir en ligne. —
Années 1960-1970 — Politiques d’aménagement du territoire
Le Syndicat d’Initiative et Groupement Touristique Intercommunal de Brocéliande
Créé à la fin des années cinquante à l’initiative de Louis Déron, ancien maire de Beignon, le Syndicat d’Initiative et Groupement Touristique Intercommunal de Brocéliande (S.I.G.T.I.B.) réunit à l’origine les communes de Beignon, Paimpont et Plélan, puis incorpore par la suite des communes limitrophes au massif forestier. Son président au début des années 1960 est le général du Chélas, maire de Paimpont et propriétaire du château du Pas du Houx. Le Syndicat est notamment à l’origine de la « fête des druides » organisée en 1964 sur le bord de l’étang de Paimpont ou encore de la création du Club nautique de Paimpont.— CALVEZ, Marcel, Usages productifs, usages touristiques et aménagement d’un territoire, le Val sans retour (1820-1984), Thèse pour le Doctorat de Troisième Cycle en Sociologie, Université de Paris X-Nanterre, 1984, Voir en ligne. [page 116] —
Le S.I.G.T.I.B. publie un guide touristique sur la Forêt de Brocéliande dans lequel les espoirs d’un développement économique des communes du massif forestier par le tourisme sont clairement affichés.
Malgré le courage et les efforts tenaces du monde agricole, la terre ne suffit pas à retenir les populations qui s’amenuisent d’année en année. En attendant l’implantation espérée de nouvelles industries, puisse l’activité du tourisme contribuer à la renaissance de nos bourgs et de nos campagnes.
L’Association touristique des Pays de la Table Ronde
Succédant au S.I.G.T.I.B., l’Association touristique des Pays de la Table Ronde voit le jour en 1963. Elle comprend six cantons du Morbihan ainsi que la commune de Paimpont. Elle vise à mettre en valeur leur patrimoine et à établir des circuits historiques.
L’initiative de cette association revient à Yves du Halgouët, député de la circonscription morbihannaise qui rassemble les élus locaux et des personnes intéressées par la promotion du tourisme dont l’abbé Gillard qu’il connaît personnellement. L’association s’appuie sur la référence aux légendes de la Table ronde pour mettre en valeur des intérêts historiques et architecturaux des quatre villes du territoire (Josselin, Malestroit, Ploërmel, Mauron). Elle procède à un recensement des points d’intérêt qu’elle organise au sein de circuits touristiques branchés sur les grands axes routiers. Le Val sans retour et Tréhorenteuc font partie de deux circuits historiques (circuit de La Trinité Porhoët-Mauron d’une part ; circuit de Ploërmel d’autre part), mais ils sont exclus du circuit de Paimpont plus centré sur la forêt.
Le Syndicat d’initiative et d’équipements touristiques du canton de Mauron est créé en 1968 en lien avec le S.I.G.T.I.B. Un circuit de découverte touristique du Pays de Mauron parait en 1972 dans le bulletin municipal de la commune.
Années 1970 — Une structuration politique du tourisme sur le massif de Brocéliande
Dans les années 1970, les élus du Morbihan et de l’Ille-et-Vilaine scindent leurs politiques de développement touristique en forêt de Paimpont.
La structuration du territoire légendaire et touristique à partir de 1960 aboutit à une dissociation entre Brocéliande en Ille-et-Vilaine et le pays de la Table ronde dans le Morbihan. Les appellations générales et la localisation des circuits s’expliquent par les jeux d’alliances qui se nouent entre les élus à l’intérieur des départements en vue de se saisir des ressources que les politiques d’aménagement du territoire offrent. Comme le Val sans retour et Tréhorenteuc, situés de part et d’autre de la limite départementale, sont associés par l’œuvre de l’abbé Gillard, ils deviennent le point d’articulation de deux territoires touristiques.
1972 — L’Office de Tourisme de Brocéliande
En 1972, quatre cantons d’Ille-et-Vilaine constituent l’Office de Tourisme de Brocéliande (OTB) qui a pour but d’organiser leur politique d’aménagement. Sur le massif de Brocéliande, elle consiste principalement à répertorier et à mettre en valeur les différents sites historiques, légendaires et naturels de la forêt.
En 1979, l’OTB fait paraître le Guide touristique et culturel de Brocéliande, dans lequel est présenté un « circuit découverte » de 66 km au départ de Plélan. Une approche nouvelle enrichit la visite d’une dimension culturelle, liée aux traditions populaires, à laquelle s’ajoutent des contributions d’auteurs universitaires.
1979 — l’Association de Sauvegarde du Val sans Retour
En septembre 1979, naît l’Association de Sauvegarde du Val sans Retour, nouvel acteur du développement touristique en forêt de Paimpont. Cette création s’inscrit dans un plan de réorganisation du tourisme à l’échelle du département, qui vise à développer l’intérieur du Morbihan. Le site du Val sans Retour en Paimpont est alors choisi avec celui de la Chapelle Saint-Jean en Campénéac pour être revalorisés. Le propriétaire de la chapelle s’opposant à l’achat des lieux, c’est vers le Val sans Retour que vont se concentrer les efforts de l’association.
L’association rassemble les différents partenaires des aménagements touristiques précédents, communes des cantons de Mauron et Plélan, conseillers généraux, O.T.B., Association de la Table Ronde et Station Biologique de Paimpont (Université de Rennes 1) autour du projet de valorisation du Val sans Retour.
Dans les années 1980, l’Association rénove la digue du miroir aux Fées, débroussaille le fond de la vallée et en aménage les abords.
Suite aux incendies de 1990 qui détruisent la partie la plus fréquentée du Val sans retour par le public, son président sollicite François Pinault et Yves Rocher, pour en financer le reboisement et installer à l’entrée de la vallée l’Arbre d’or [...]
L’Arbre d’or est créé en 1991 à l’entrée du Val sans Retour à l’initiative de l’Association de Sauvegarde du Val sans Retour. Cet œuvre d’art inaugurée en grande pompe devient une des attraction touristique majeure de Brocéliande.
1983 — Le Pays de Brocéliande
En 1983, l’Office Touristique de Brocéliande publie un guide avec le Pays de Brocéliande, association loi 1901 créée dans le cadre des Pays d’Accueil Touristiques 1. Cette structure a notamment pour vocation de coordonner le développement touristique de trois cantons du département d’Ille-et-Vilaine, Plélan-le-Grand, Montfort-sur-Meu et Montauban-de-Bretagne.
Ce guide de Pays d’accueil a pour but de répondre à toutes les questions pratiques que vous pouvez vous poser en vacances. Il vise également à vous présenter une vitrine culturelle et économique du Pays d’Accueil. Ce dernier but est ambitieux et nous ne pouvons prétendre à l’atteindre dès la première édition. La présentation par fiches nous permettra de rajouter périodiquement les éléments qui manquent.
Les fiches thématiques culturelles sont écrites dans la continuité de l’esprit du Guide Touristique et Culturel de Brocéliande de 1979. Signées par les principaux acteurs du renouveau de la culture gallèse en Brocéliande - André Ronceray, Gilles Morin, Patrick Lebrun, Albert Poulain ou Simone Morand - elles présentent le pays à travers ses nombreuses traditions populaires 2.
1993 — De nouvelles structures touristiques
Le Carrefour de Trécélien, créé en 1993 et actif jusqu’en 1997, est une fédération d’une dizaine d’organismes et associations à vocation touristique et culturelle du massif de Brocéliande, qui a cherché à structurer et à organiser le potentiel touristique. Cette fédération est à l’origine de la création d’événements tels que « Brocéliande côté nuit » ou « Contes et nuits de Brocéliande ».— RONCERAY, André, « Contes et Nuits de Brocéliande : une brassée d’émotions », Glanes en pays pourpré, Vol. 48, 1997, p. 10-12. —
L’apparition de nouvelles entités administratives, le Pays Touristique de Brocéliande en 1985 et le Pays de Brocéliande au début des années 1990, a contribué au développement touristique. Le Pays de l’Oust à Brocéliande et le Pays de Brocéliande ont mené chacun de leur côté et à partir de leurs offices respectifs des plans de développement touristique, accentuant la bipolarisation du massif suivant les limites départementales.